C’est le troisième étage de la fusée retraite. Les systèmes par capitalisation s’ajoutent à la retraite de base de la Sécurité sociale et aux pensions servies par les caisses de retraite complémentaire Agirc et Arrco. « Actuellement, le niveau des retraites (régime de base plus retraite complémentaire) est plutôt élevé, explique Eric Rambaud, directeur retraite et épargne de Pro BTP ; demain, ce ne sera plus le cas ; les taux de remplacement vont se dégrader à partir de 2010. » Bernard Roland, gérant de RH conseil, évalue cette baisse. « Pour un cadre bénéficiant d’une rémunération annuelle moyenne de 150 000 euros, son taux actuel est de 55 % environ, il sera autour de 40 % en 2020. »
Pour Thierry Magin, associé gérant de MCR Consultants, « les entreprises qui mettent en place un dispositif d’épargne retraite sont celles qui ont pris conscience de la baisse du taux de remplacement des retraites ». L’une des raisons techniques qui explique cette baisse est le calcul à partir de 2008 de la pension de vieillesse de base sur les 25 meilleures années et non plus sur les 10 meilleures. Ce passage résulte de la loi Balladur de 1993. Il s’est fait progressivement, à raison d’une année supplémentaire par an. La réforme produira son plein effet en 2008. Entre 2000 et 2020, le taux de remplacement d’un cadre devrait ainsi baisser de plus de 15 % (voir graphique ci-dessous) et ce d’autant plus s’il a eu une carrière irrégulière ou s’il a bénéficié d’une promotion durant les dernières années. « L’exemple le plus fréquent, explique Thierry Magin, est celui du cadre d’une PME qui est monté à la force du poignet et qui est devenu cadre supérieur les 10 dernières années. Pour un tel profil, son taux de remplacement tournera autour de 35 %. » Chaque salarié pourra, dès l’année prochaine, se faire une idée précise du montant de sa pension. La loi Fillon améliore en effet l’information des assurés : chaque salarié recevra tous les 5 ans, à partir de 30 ans, un relevé de situation individuelle (RSI) récapitulant sa carrière. A partir de 50 ans, chacun pourra demander une « estimation indicative globale » du montant futur de sa retraite.
Le Perco, un mécanismecollectif. Cette meilleure information des assurés est indispensable au développement des systèmes de retraite par capitalisation. Reste à aider les chefs d’entreprise et leurs salariés à se retrouver dans le maquis des différents mécanismes. De ce point de vue, l’épargne salariale a permis aux employeurs de se familiariser avec les systèmes d’épargne collectifs. Notre sondage le montre : parmi les entreprises qui ont mis en place l’épargne salariale, 71 % disposent d’un plan d’épargne d’entreprise (PEE), dans lequel les salariés peuvent placer leurs primes d’intéressement ou de participation.
Au 31 décembre 2005, plus de 5 200 entreprises du BTP disposent d’un PEE. Or le Perco (plan d’épargne retraite collectif) fonctionne de la même façon : seules différences : les sommes investies dans le PEE sont bloquées cinq ans, elles le sont jusqu’au départ à la retraite du salarié pour le Perco ; les possibilités de déblocage anticipées sont en effet plus limitées dans le Perco que dans le PEE. Dans les deux cas, l’employeur peut abonder les sommes versées par les salariés (y compris la participation dans le Perco, ce qui n’est pas possible dans le PEE) ; les chefs d’entreprises de moins de 101 salariés peuvent en bénéficier pour eux-mêmes ; enfin, les entreprises peuvent s’appuyer sur Gestion BTP pour les aider à mettre l’un ou l’autre en place, conformément aux accords de branche signés par les partenaires sociaux. Aujourd’hui, 3 000 entreprises du BTP ont un Perco. Pour Paul Maillard, directeur général de Gestion BTP, organisme en charge de l’épargne salariale BTP, « cet outil permet aux salariés de se constituer progressivement un complément de retraite ». Autre avantage, lors de son départ à la retraite, le salarié peut profiter de son épargne accumulée sous la forme d’un capital ou d’une rente viagère. C’est le seul dispositif qui offre un tel choix, les autres imposent comme unique mode de sortie la rente viagère.
Motiver ou retenir les cadres. Pourquoi alors si peu d’entreprises utilisent-elles le Perco ? Tout d’abord, l’outil est récent ; il date de la réforme Fillon sur les retraites en 2004. Ensuite, les entreprises doivent disposer d’un PEE pour se doter d’un Perco, même si les spécialistes rappellent que « les deux peuvent être mis en place simultanément ». Mais c’est surtout le caractère collectif du Perco qui déplaît aux chefs d’entreprise. Le Perco ne permet pas d’isoler une partie du personnel ; lorsque l’employeur abonde, l’accord BTP lui impose de le faire à partir d’un barème prédéfini et de la même façon pour tous les salariés. Les chefs d’entreprise qui cherchent davantage de souplesse se tournent vers les articles 83 et 39 du Code général des impôts. Légalement, ces dispositifs sont eux aussi collectifs. Mais ils permettent de s’adresser à une partie seulement du personnel, les cadres la plupart du temps. « Dans les PME, explique Thierry Magin, le découpage par catégorie peut aboutir, s’il est très fin, à ne concerner qu’une poignée de personnes », voire une seule, le chef d’entreprise lui-même dans les TPE.
Pour Bernard Roland, gérant de RH Conseil, spécialisée dans l’épargne retraite, « l’article 83 est un dispositif souple ; d’une année sur l’autre, l’entreprise peut moduler sa cotisation ; le salarié conserve le bénéfice de l’épargne s’il quitte l’entreprise avant son départ à la retraite. C’est un bon outil de fidélisation des cadres qui seront demain les plus touchés par la diminution des taux de remplacement ». Jean-Pierre Bertin, DG de l’entreprise de gros œuvre Bertin (48 salariés à Caen), a souscrit un article 83 pour le collège encadrement (l’entreprise dispose par ailleurs d’un PEE pour l’ensemble du personnel). Six cadres sont visés par l’article 83. « Avant 40 ans, les salariés ne se sentent pas concernés par les problèmes de retraite, observe-t-il ; ils préfèrent bénéficier d’une prime ou d’une augmentation de salaires ; passé 40 ans, l’article 83 devient un bon outil de management. » Autre attrait, « il permet de défiscaliser ; les primes sont déductibles du résultat », apprécie Arnaud Carmond, gérant d’Omois Isolation Confort, SARL de l’Aisne spécialisée dans les menuiseries et les fermetures extérieures.
L’article 39 offre un autre intérêt : conserver ses cadres âgés. Car pour bénéficier de l’épargne accumulée, le salarié doit être présent dans l’entreprise lors de son départ à la retraite. Un dispositif particulièrement adapté pour les salariés de plus de 55 ans ; l’article 39 garantit au bénéficiaire de percevoir un pourcentage de son dernier salaire annuel sous forme de rente viagère qui s’ajoute à sa pension de vieillesse. Les salariés exclus du bénéfice de ces retraites supplémentaires d’entreprise peuvent toujours se tourner vers les plans d’épargne retraite populaire (Perp). Ces fonds de pension à la française sont un mécanisme d’épargne individuelle que le salarié souscrit librement. Dans le BTP, deux organismes le proposent : la SMAVie BTP et Pro BTP ; la première s’adresse davantage aux cadres dirigeants, le second aux salariés de la branche.
