La question du partage territorial de la valeur des projets d'énergies renouvelables a constitué un sujet majeur des débats parlementaires lors de l'examen de la relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite « loi EnR ». Selon l'étude d'impact du projet de loi, l'objectif est de rendre les territoires attractifs et compétitifs et d'améliorer l'acceptabilité locale des projets. La loi propose donc de développer de nouveaux modèles de soutien et de partage de la valeur des énergies décarbonées.
Information et participation au capital d'une société de production d'EnR
Le projet avait initialement prévu un mécanisme de réduction du prix de l'électricité sur la facture des riverains et des communes d'implantation des projets d'EnR. Ces dispositions ont été abandonnées car elles auraient été contraires aux principes de péréquation et d'égalité devant l'impôt.
Collectivités. Finalement, un autre dispositif a été retenu : l'article 93 de la loi EnR a créé l'obligation pour les associés et actionnaires d'une société de projet dont l'objet social est la production d'EnR d'informer la commune et l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sur le territoire desquels sera implanté le projet, de la possibilité d'intégrer le capital de la société (nouvel article L. 294-1 III bis du Code de l'énergie). En cas de création de société, cette information doit avoir lieu au plus tard dans les deux mois avant la date de signature des statuts et, en cas de modification du capital d'une société déjà constituée, dans les deux mois avant la vente des actions ou des parts sociales. Le silence de la collectivité, à l'expiration de ce délai, vaut refus.
Cette disposition concerne uniquement les sociétés par actions (SA, SAS mais non les SARL) et les sociétés d'économie mixtes locales (SEM). Les modalités de mise en œuvre de ce nouveau dispositif sont assez libres, les collectivités n'ayant aucune obligation d'émettre une offre et l'actionnaire restant libre de l'accepter, de la refuser ou de la négocier.
En dépit des multiples interrogations juridiques et pratiques que suscite cette nouvelle obligation - au demeurant dénuée de toute sanction - il n'est pas prévu de décret d'application. Par exemple, si l'information doit être faite conjointement auprès des communes et des EPCI, la question se pose de savoir si la prise de participation pourra être faite à la fois par la commune et l'EPCI dont elle est membre, compte tenu du principe de spécialité de ce dernier. En outre, l'obligation d'information vise le seul « maire de la commune d'implantation » et non les maires des communes limitrophes qui disposent toutefois de la possibilité de participer au capital de telles sociétés ( ; ).
Riverains. Par ailleurs, l'article 95 de la loi, qui modifie l' relatif aux appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dispose désormais que les cahiers des charges peuvent prévoir que les sociétés porteuses de projet soient tenues de proposer une part du capital aux habitants résidant à proximité du lieu d'implantation du projet ou à la commune ou au groupement dont elle est membre sur le territoire desquels le projet doit être implanté.
Ainsi, afin d'améliorer l'acceptabilité locale des projets et de généraliser l'investissement des citoyens dans les projets d'EnR, les candidats aux appels d'offres devront s'engager à proposer aux riverains du projet d'énergie renouvelable une part du capital. La notion d'habitants « résidant à proximité du lieu d'implantation du projet » n'est pas définie par la loi mais l'on peut penser que sont ici visés les habitants de la ou les communes d'implantation du projet. A noter que cette obligation est étendue dans les mêmes conditions au bénéfice des collectivités territoriales ou leurs groupements sur le territoire desquels le projet sera implanté.
Financement des projets de transition énergétique et de protection de la biodiversité
La loi EnR a créé un article L. 314-41 au sein du Code de l'énergie aux termes duquel les candidats retenus à l'issue d'un appel d'offres de la CRE sont tenus de financer à la fois : - des projets portés par la commune ou l'EPCI d'implantation en faveur de la transition énergétique, de la sauvegarde ou de la protection de la biodiversité ou de l'adaptation au changement climatique tels que la rénovation énergétique, l'efficacité énergétique, la mobilité la moins consommatrice et la moins polluante ou des mesures en faveur des ménages afin de lutter contre la précarité énergétique ; - des projets de protection ou de sauvegarde de la biodiversité.
Modalités de contribution. Les contributions à ces projets peuvent être réalisées par des versements à des fonds. Un décret, pris après avis de la CRE, déterminera les modalités d'application de ces versements, en particulier les caractéristiques des installations concernées.
Pour les projets portés par les communes ou les EPCI, la contribution peut également prendre la forme d'une participation au capital souscrite par la commune ou l'EPCI d'implantation, à leur demande et avec leur accord.
Ces contributions sont versées par les porteurs de projet avant l'activation des contrats afférents à l'obligation d'achat ou au complément de rémunération appliqués à l'électricité produite. Les sommes versées pour financer les projets portés par la commune ou par l'EPCI ne peuvent être inférieures à 85 % du montant total versé, au moins 80 % de ces sommes étant allouées à la commune.
Les sommes versées pour les projets de protection ou de sauvegarde de la biodiversité ne peuvent, quant à elles, être inférieures à 15 % de ce même montant total. Pour ces derniers projets, la contribution peut également être réalisée par des versements à l'Office français de la biodiversité (OFB). Ces versements sont destinés à financer exclusivement des actions s'inscrivant dans le cadre des plans nationaux d'actions opérationnels pour la conservation ou le rétablissement des espèces menacées.
Reporting. Pour le financement des projets portés par la commune ou l'EPCI d'implantation, ces collectivités rendent compte annuellement du montant de cette contribution territoriale et de son utilisation, « au moyen de données accessibles dans un format ouvert et librement réutilisable ». De la même manière, l'OFB publie chaque année un rapport détaillant l'affectation des sommes perçues et rend compte de cette affectation, par les mêmes moyens.
Ces mesures seront applicables aux projets retenus à l'issue d'une procédure de mise en concurrence, d'un appel d'offres ou d'un appel à projets à compter du 1er juin 2024 au plus tard ou à compter de la date de réception par le gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer ces dispositions comme étant conformes au droit de l'Union européenne si cette dernière date est postérieure.
Redevance d'occupation du domaine public assouplie
L'article 96 de la loi EnR instaure une dérogation au principe du paiement annuel des redevances d'occupation du domaine public ().
Désormais, une société anonyme ou une société par actions simplifiées dont l'objet social est la production d'EnR ou d'hydrogène renouvelable ou bas carbone peut régler tout ou partie du montant de la redevance sur l'ensemble de la période d'occupation. Une telle libération est toutefois soumise à la condition que la collectivité affecte cette somme à une prise de participation au capital de la société. Un décret précisera les conditions d'inscription du produit de la redevance au budget de la collectivité.
Ce qu'il faut retenir
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La
loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite « loi EnR », prévoit l'obligation pour les associés et actionnaires d'une société dont l'objet est la production d'EnR d'informer les collectivités d'implantation de la possibilité d'intégrer son capital. - Les cahiers des charges des appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie peuvent prévoir que les candidats s'engagent à proposer aux riverains et aux collectivités d'implantation une part du capital de la société.
- Les candidats retenus devront financer à la fois les projets portés par les collectivités en faveur notamment de la transition énergétique et de l'adaptation au changement climatique et les projets en faveur de la biodiversité.
- La loi instaure une dérogation au principe du paiement annuel des redevances d'occupation du domaine public.