Environnement - Compensation et ORE : deux outils complémentaires pour un même objectif

L'obligation réelle environnementale peut être utilisée pour pallier les atteintes à la biodiversité d'un projet.

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Le mécanisme de compensation écologique, visant à limiter les impacts de l'aménagement du territoire sur les milieux naturels et la biodiversité, n'est pas récent. Il existe depuis la loi de protection de la nature de 1976 au sein de la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC). Cependant, si les études d'impact des projets comportaient un volet sur la compensation écologique, ce dispositif était globalement inefficace et non contraignant, du fait notamment de l'indétermination de son champ d'application et de ses modalités (1).

C'est avec la loi Biodiversité du 8 août 2016 qu'une définition a été donnée à la compensation écologique et que celle-ci est devenue une obligation dans les cas visés par la loi ou le règlement. Cette même loi a aussi introduit dans le Code de l'environnement les obligations réelles environnementales (ORE), à des fins de protection de la nature.

Comment s'articulent ces deux mécanismes poursuivant les mêmes objectifs ? Leur complémentarité ne fait pas de doute, et si la compensation écologique a été renforcée, les ORE peuvent être utilisées, à bon escient, au titre de la compensation des atteintes à l'environnement.

La compensation écologique, une obligation de résultats renforcée…

La loi Biodiversité a renforcé la compensation écologique, tout d'abord en la définissant dans le Code de l'environnement comme une « obligation de résultats » visant, en plus de « l'absence de perte nette de biodiversité », un « gain de biodiversité ». En conséquence, si les atteintes à l'environnement « ne peuvent être évitées, réduites, ou compensées de façon satisfaisante », « le projet ne peut être autorisé en l'état » (art. L. 163-1 C. env.).

Equivalence écologique, temporalité, pérennité et proximité fonctionnelle. Le renforcement de cette obligation est également venu du fait que, pour atteindre cet objectif de gain de biodiversité, la compensation doit respecter les principes d'équivalence écologique, de temporalité, de pérennité et enfin de proximité fonctionnelle. En d'autres termes, lorsqu'elles sont prescrites, les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité doivent être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles doivent être mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou en proximité fonctionnelle avec celui-ci.

Projets visés. Le mécanisme de compensation, inscrit au sein de la séquence ERC, trouve à s'appliquer à différents types de projets, à savoir aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), aux installations, ouvrages, travaux ou activités (Iota) engendrant des incidences sur l'eau (eaux superficielles et souterraines, cours d'eau, zones humides, milieux marins, etc.), aux projets susceptibles d'engendrer des incidences sur les objectifs de conservation des sites Natura 2000, mais également aux projets susceptibles de porter atteinte aux sites d'intérêt géologique, aux habitats naturels protégés ou espèces animales ou végétales protégées, et enfin aux projets de défrichement.

Mise en œuvre. La loi Biodiversité prévoit trois modalités de mise en œuvre des mesures de compensation : - le maître d'ouvrage peut les réaliser lui-même ; - il peut confier, par contrat, la réalisation de ces mesures à une tierce partie, appelée « opérateur de compensation » ; - il peut recourir à l'acquisition d'unités de compensation, de restauration ou de renaturation dans le cadre d'un site naturel de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) défini à l'article L. 163-1 A du Code de l'environnement, agréé par les préfets de région (art. L. 163-1-II C. env.). Pour mémoire, les SNCRR ont été instaurés par la loi Industrie verte du 23 octobre 2023. Ils remplacent les sites naturels de compensation (SNC).

Dans tous les cas, « le maître d'ouvrage reste seul responsable à l'égard de l'autorité administrative » qui a validé ces mesures de compensation.

… pouvant être atteinte grâce aux obligations réelles environnementales

L'ORE est un dispositif foncier de protection de l'environnement régi par l'article L. 132-3 du Code de l'environnement.

Contrat. Il s'agit d'un contrat par lequel le propriétaire d'un bien immobilier fait naître, à sa charge, ainsi qu'à la charge des propriétaires ultérieurs de ce bien, des obligations dont la finalité est le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques.

A ce titre, une ORE peut être utilisée à des fins de compensation écologique par les maîtres d'ouvrage. L'ORE est alors conclue entre le propriétaire du bien, support de l'obligation de compensation, et un cocontractant « bénéficiaire » de cette obligation, qui doit nécessairement être l'une des personnes énumérées par l'article L. 132-3 précité. A savoir : une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement (conservatoires ou offices nationaux, ONG, etc. ). L'ORE a pour particularité d'être attachée au bien immobilier. Par conséquent, elle s'impose à tous les propriétaires successifs du bien pendant la durée définie du contrat, qui ne peut excéder 99 ans.

Aussi, pour assurer leur effectivité et leur opposabilité à tous, les contrats d'ORE doivent être signés en la forme authentique (en mairie ou devant notaire) et enregistrés au service de la publicité foncière.

Sécurisation et pérennisation. Ce mécanisme qui grève le bien tend ainsi à sécuriser la zone de compensation et à pérenniser les mesures de compensation prescrites, y compris en cas de revente ultérieure du foncier. Lorsqu'elle est employée à des fins de compensation, l'ORE doit nécessairement respecter les obligations fixées dans l'acte d'autorisation du projet.

Mise en œuvre. Les ORE peuvent être utilisées dans les trois modalités de mises en œuvre de la compensation décrites ci-dessus. Pour la mise en œuvre directe, l'ORE est mobilisable si le maître d'ouvrage est le propriétaire du terrain sur lequel est prévue la mesure de compensation mais également s'il est l'une des personnes « bénéficiaires », ce qui permet de surmonter la difficulté liée à la maîtrise foncière dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de compensation.

En cas de mise en œuvre indirecte, le maître d'ouvrage pourra conclure un contrat de compensation avec un opérateur de compensation, qui, lui-même, conclura une ORE avec un propriétaire.

L'ORE peut enfin permettre au gestionnaire d'un SNCRR de générer des unités de compensation, de restauration ou de renaturation pouvant être acquises par le maître d'ouvrage.

Intérêt grandissant. Dans une table ronde « Quels retours d'expériences sur les obligations réelles environnementales en France ? » organisée par la fondation François Sommer en mai 2024, le ministère de la Transition écologique soulignait que 130 contrats ORE avaient été signés entre juillet 2022 et décembre 2023 sur tout le territoire, notamment par les conservatoires d'espaces naturels et parcs naturels régionaux, dont 55 concernaient la compensation des atteintes à la biodiversité.

Si l'ORE a connu un succès relatif à ses débuts, elle tend au-jourd'hui à susciter un intérêt grandissant chez les porteurs de projet et les collectivités dans le cadre de la mise en œuvre des obligations de compensation, notamment en raison du coût et de la faible disponibilité du foncier. A tout le moins, elle permet de faire travailler de concert les collectivités, le secteur privé chargé de la protection de l'environnement et les propriétaires terriens pour sanctuariser la nature à long terme.

(1) Marthe Lucas, « Etude juridique de la compensation écologique », thèse, LGDJ, 2015.

Ce qu'il faut retenir

  • Afin de sanctuariser la nature, la loi Biodiversité du 8 août 2016 a renforcé le mécanisme de compensation écologique et a créé les obligations réelles environnementales (ORE).
  • Les mesures de compensation s'inscrivent dans le cadre de la séquence « éviter, réduire, compenser ». Elles visent un objectif de gain de biodiversité. Elles doivent être effectives pendant toute la durée des atteintes à la biodiversité.
  • Elles peuvent être mises en œuvre directement par le maître d'ouvrage, par le biais d'un opérateur de compensation ou dans le cadre d'un site naturel de compensation, de restauration et de renaturation.
  • L'ORE est un contrat par lequel le propriétaire d'un bien immobilier fait naître à sa charge des obligations dont la finalité est la préservation de la biodiversité.
  • Une ORE peut être utilisée à des fins de compensation.
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