Entretien LOUIS BESSON : « Différencier l'offre pour pouvoir proposer un logement à tous »

-Le secrétaire d'Etat au Logement explique les enjeux de la politique en matière d'HLM

«Le Moniteur» : N'est-ce pas dangereux de vouloir baisser la quittance dans les HLM ?

LOUIS BESSON. Je ne vois pas quel serait le danger de cette démarche. Si nous ne la faisions pas, nous risquerions au contraire de produire des logements qui ne correspondraient pas aux capacités financières de la demande. C'est cela qui serait dangereux. Mais, rassurez-vous, il est hors de question de réduire la quittance en baissant la qualité du logement. Il faut à la fois ne pas accepter l'idée d'une perte du pouvoir d'achat des aides personnelles et ne rien négliger qui puisse, sans remettre en cause la qualité du logement, en abaisser le coût. Cela recouvre la question des aides à la pierre et celle des conditions du financement - taux et durée des prêts, fiscalité... Mais cela touche aussi quelques exigences excessives : je citerai, par exemple, les villes qui réclamaient deux places de stationnement par logement HLM. On peut, sans doute, aller plus loin en portant une attention particulière à la commande passée aux concepteurs, en remettant en cause certaines pesanteurs, certaines traditions. Trop souvent, on apporte spontanément des réponses lourdes, classiques, qui coûtent cher. On se prive ainsi d'une souplesse face à une demande diverse que ne satisfait pas la réponse standardisée vers laquelle nous avons spontanément tendance à aller.

Vous avez assez peu donné votre avis sur la consultation LQCM [logement à qualité et coût maîtrisé.]...

Nous ne disposons pas encore d'évaluation. Il faut que la démarche se poursuive. Sur le fond, l'objectif est de veiller à ne pas répéter les modèles agréés des années 70. Car une production industrialisée risquerait d'être inadaptée à la demande des ménages. Vivre dans des logements répétitifs suscite un mal-être, entraîne à terme des risques de vacance, donc, des coûts différés. Je veux être sûr qu'on ne part pas dans une démarche qui tombe dans les mêmes travers que ceux du passé. LQCM doit y contribuer.

Pensez-vous que le PLA est inadapté ?

Le PLA n'est pas inadapté par ses normes. S'il l'est, c'est en raison du rapport entre le loyer de sortie et les moyens financiers des ménages. C'est pourquoi nous avons plaidé pour le lancement de 20 000 PLA à loyer minoré (PLA-LM).

Ils sont mal accueillis par les organismes HLM...

Il y a un malentendu. Des organismes continuent de croire que le PLA-LM est la même chose que le PLA-TS (très social) d'hier. Alors qu'il faut regarder la demande sociale telle qu'elle est : la moitié des demandeurs de logements sociaux, ont des revenus inférieurs à 60 % des plafonds de ressources. Pour autant, ce ne sont pas des cas sociaux. Ce sont des ménages modestes, n'ayant aucune difficulté d'intégration sociale, ni d'insertion dans le voisinage et qui ne se heurtent qu'à un problème de solvabilisation. Il faut trouver des solutions pour eux. L'abaissement du coût du loyer de sortie par une aide à la pierre dans le PLA-LM vise à cela. On me fait le grief d'avoir été trop ambitieux en fixant un objectif de 20 000 PLA-LM pour 50 000 PLA classiques. Je m'en étonne. Au vu de la réalité sociale, on devrait plutôt estimer que ce chiffre est insuffisant et qu'il en faudrait le double ! Si nous ne trouvons pas un produit permettant de construire des logements dont le loyer leur est accessible, ces ménages se résigneront peut-être à payer plus cher mais ils renonceront à d'autres dépenses.

Est-ce que la production redémarre ?

Nous avons assisté ces dernières années, « culturellement », à une sorte d'engourdissement des HLM. Une série d'arguments expliquent que les organismes aient donné la priorité à une gestion patrimoniale et que l'on soit passé d'une production annuelle de près de 100 000 logements à 50 000 .

Ne vous heurtez-vous pas à la réticence des HLM à loger plus de pauvres ?

Notre société a bougé. Les nouveaux emplois du tertiaire ont un spectre de rémunérations beaucoup plus ouvert que celui du secteur productif dans le passé. La proportion de rémunérations basses y est beaucoup plus grande qu'elle ne l'était dans les secteurs régis, dans les grands groupes industriels, par des conventions collectives. Le mouvement HLM n'a de sens que s'il sait coller à la réalité de la demande. On ne peut plus prétendre appartenir au secteur social si quelque part on intègre une idée « d'écrémage ». Quand on a une vocation sociale, on est interdit d'écrémage. Cela ne signifie pas qu'il faut prendre n'importe qui n'importe où. Mais il faut différencier l'offre pour avoir quelque chose à proposer à tous dans les meilleures conditions possibles d'accessibilité et d'intégration.

Comment faire baisser les loyers du parc existant ?

Avec l'Union des HLM, nous sommes d'accord sur le principe de rechercher des dispositions permettant d'ajuster les taux d'effort des ménages les plus modestes. En contrepartie des aides apportées au monde HLM, nous avons souhaité qu'il puisse lui-même trouver les possibilités de minorer les loyers des locataires dont les ressources sont inférieures à 60 % des plafonds mais qui paient un loyer supérieur au loyer de référence de l'APL. La discussion est ouverte sur les modalités.

Il semble que le mouvement HLM préférerait disposer d'une certaine latitude pour ajuster lui-même le taux d'effort. On nous dit que, dans le nouveau conventionnement et dans les diverses classifications des logements, il y aurait des possibilités de différenciation des niveaux de loyers qui permettraient d'arriver à ces objectifs.

Je tiens à le souligner : nous craignons qu'en construisant trop cher, les ménages les plus modestes s'écartent des logements les plus récents et qu'ils soient concentrés dans le parc où les loyers seraient en deçà des plafonds APL. Les chances pour ces familles d'avoir un vrai parcours résidentiel s'en trouveraient freinées et nous irions, collectivement, à l'encontre des objectifs de la politique de la ville quant aux équilibres de peuplement et à la mixité sociale.

PHOTO : Louis Besson : «Trop souvent, on apporte spontanément des réponses lourdes, classiques, qui coûtent cher.»

GRAPHIQUE : REPARTITION DES RESSOURCES DES EMMENAGES RECENTS ET DE L'ENSEMBLE DES LOCATAIRES DU PARC SOCIAL. 20% des nouveaux arrivants ont des revenus inférieurs à 20% du plafond de ressources.

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