Entreprises Les nouvelles règles du crédit bancaire

Obligatoire depuis le 1er janvier 2008, le dispositif Bâle II impose aux banques d’intégrer un nouveau ratio de solvabilité. Chaque entreprise est notée sur sa rentabilité, sa gestion des risques… Une note qui pèse sur ses crédits.

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«Si l’on raisonne de manière idéale, Bâle II ne devrait pas avoir de conséquences pour les entreprises ; il s’agit simplement d’une meilleure appréciation du risque. » Mais pour Ghislain du Jeu, directeur adjoint en charge du développement des entreprises et des territoires au sein de l’Assemblée des chambres de commerce (ACFCI), c’est tout le contraire qui risque de se produire « Il faut s’attendre à un durcissement des crédits pour les PME », prévoit-il.

Les grands principes de Bâle II

Les accords de Bâle II prévoient de nouveaux ratios de solvabilité pour les banques. Ils font suite à des premiers accords, signés en 1988 : Bâle I, par son approche globale, imposait aux banques un montant de fonds propres de 8 % pour les encours prêtés : pour chaque euro prêté, la banque devait mobiliser 8 euros en fonds propres ; cette approche ne souffrait aucune pondération, les 8 % demeurant figés. Les accords de Bâle II, publiés en 2004, mais obligatoires en France depuis le 1er janvier 2008, imposent aux banques de prendre en compte, dans le calcul de leurs ratios, la nature du crédit et la qualité de l’emprunteur. « Nous sommes passés d’une formule standard à un modèle destiné à quantifier le risque que la banque prend sur chaque encours, explique Marc Van Caeneghem, associé chez Deloitte Conseil. L’objectif de la banque est double : mieux gérer ses risques, et consommer moins de fonds propres. »

Nouvelles notes pour chaque entreprise

Conséquence de ce système pour les entreprises clientes : chacune est notée au regard du modèle mis en place par sa banque ; il s’agit de l’approche par les notations internes (Internal Ratings Based). Comportement des comptes, profitabilité de l’entreprise, stabilité des revenus, solvabilité : chaque entreprise est passée au peigne fin, afin d’appliquer à son crédit la tarification la plus ajustée. La Fédération bancaire française (FBF) préconise elle-même « une plus grande différenciation tarifaire en fonction des risques encourus sur les crédits ».

« Nous avons mis en place un système de notation qui s’appuie sur deux types d’informations, explique Xavier de Benoist, directeur délégué de la direction clients, au Crédit du Nord. D’un côté, les informations financières publiques – à savoir le bilan, le compte de résultats… – et de l’autre, les informations plus économiques, que nous récoltons à partir de notre connaissance du client, du fonctionnement de ses comptes… La note qui en découle est, pour nous, un outil d’aide à la décision ; mais il n’existe pas de décision mécanique par rapport à une note pour accepter ou refuser un crédit, ou pour calculer une tarification. »

Mais selon les experts, plus une entreprise présente un profil de risques élevé, plus elle coûte cher à la banque en termes de fonds propres. Or une banque se doit d’être profitable, ce qui l’amènera à pratiquer des taux attractifs pour les clients qu’elle souhaite garder ou conquérir, et à décourager les autres par un coût de crédit accru. « Ceci est d’autant plus dommageable pour les PME, que si une banque refuse une ligne de crédit à une entreprise, les autres risquent de suivre, prédit Ghislain du Jeu, de l’ACFCI. C’est pourquoi les entreprises, surtout celles en croissance, doivent tout faire pour réduire leur besoin en fonds de roulement – et donc leur besoin de financement. »

Outre la notation interne, les banques peuvent opter pour une approche standard, qui leur permet d’intégrer une part de notation externe. Cette dernière est fournie par une agence de notation accréditée, comme la Banque de France ou Coface. « Les banques ont toujours eu un système de notation, mais il était structuré différemment, explique Delphine de la Brosse, adjointe de la sous-direction ‘‘Institutions financières’’ de Coface. Avec notre système de notation, nous fournissons ‘‘clé en main’’ la probabilité de défaut de leurs contreparties. »

Des relations banque-entreprise plus transparentes

Au-delà de son impact sur le crédit octroyé aux entreprises, Bâle II devrait modifier en profondeur la relation entre les entreprises et leur banque. « Jusqu’à présent, lorsqu’une entreprise allait voir une banque pour une demande de crédit, il n’y avait pas de mise à jour systématique des informations, souligne Hervé Phaure, senior manager chez Deloitte Conseil. Désormais, la banque en profitera pour savoir où en est l’entreprise. Ce qui impose à cette dernière de préparer ses états et discours avant d’aller voir son banquier. » Car la note est bien sûr susceptible d’évoluer, à la hausse ou à la baisse, au moins une fois par an, au regard de l’évolution des performances économiques et financières de l’entreprise, de la nature de ses engagements bancaires, et de la qualité des informations transmises aux banques. D’ailleurs, selon certains experts-comptables, les banques seraient aujourd’hui relativement déçues par la pauvreté des documents qu’elles reçoivent : pas de business plan, un bilan de fin d’année réduit à la liasse fiscale. Les entreprises devront donc se pencher davantage sur leurs bilans, établir des documents prévisionnels, et tenir informé leur partenaire financier. « Les grandes entreprises ont bien compris la nécessité de communiquer, souligne Xavier de Benoist, du Crédit du Nord. Les PME ont davantage de difficulté à le faire. D’où l’importance du rôle joué par les ‘‘intermédiaires’’ que sont les experts-comptables ou les commissaires aux comptes, dans l’explication de la mécanique ‘‘Bâle II’’. »

Ce nouveau dispositif peut bien sûr inciter les entreprises à faire jouer la concurrence entre plusieurs banques ; pour autant, les experts recommandent aux PME de travailler leurs relations avec celles qui connaissent bien leurs marchés. « L’entreprise a tout à gagner à nouer une véritable relation de confiance, confirme Marc Van Caeneghem, de Deloitte ; car plus elle est transparente, plus la banque a l’impression de bien la connaître, et mieux elle sera considérée. »

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