Interview

« La rénovation pèsera la moitié de l'activité construction en 2030 », François Teste du Bailler, président du directoire de GCC

Le nouveau président du groupe GCC, arrivé à la faveur d'un quatrième LBO, expose sa feuille de route qui met le frein sur la promotion.

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François Teste du Bailler, président du directoire de GCC.

Dans quel état d'esprit succédez-vous à Jacques Marcel à la tête de GCC ?

Je souhaite poursuivre son aventure entrepreneuriale. Nous pouvons être fiers de ce modèle d'ETI indépendante.

Dans ce quatrième leveraged buy-out (LBO) [acté le 29 mars, NDLR], la valeur de l'entreprise grossit. L'actionnariat des cadres, qui passe de 60 à 150 salariés, et le plan d'épargne entreprise représentent 78 % du capital. Le reste est entre les mains des quatre mêmes partenaires financiers. Un LBO durant sept ans, je me projette déjà en 2030 !

Quelle est votre ambition pour cette échéance ?

D'abord, créer davantage de valeur en nous appuyant sur ce modèle d'entreprise très décentralisée, composée d'une cinquantaine d'entités opérationnelles autonomes.

Mon ambition est d'en créer d'autres avec de nouveaux entrepreneurs. Nous tiendrons aussi compte de la dernière venue des parties prenantes : la planète à protéger. Je formule le vœu de faire de GCC une entreprise contributive, consciente de ces enjeux et impliquée au plus près du terrain.

Avez-vous établi des objectifs en termes d'activité ?

La croissance du chiffre d'affaires [CA, de 1,136 Md € en 2022, + 2,07 % sur un an, NDLR] n'est pas une idée fixe. En revanche, je veux transformer l'entreprise. Par exemple, 50 % de l'activité de construction de 2030 sera réalisée en rénovation et réhabilitation. Cette stratégie concerne aussi la promotion, dans une perspective de non-artificialisation.

Cet intérêt pour la rénovation constitue-t-il un tournant ?

Tout à fait. En 2015, nous avons créé à Vitrolles (Bouches-du-Rhône) une agence dédiée à la rénovation du parc social qui a rapidement fait des petits à Lille, Lyon, Paris et Bordeaux. En parallèle, nous en avons spécialisé une autre, en Ile-de-France, dans la rénovation du tertiaire haussmannien. Désormais, nous avons l'ambition de regarder du côté des copropriétés. Quasi inexistante il y a dix ans, la rénovation représente désormais 25 % de notre activité construction, soit 200 M€ par an.

Et dans le tertiaire ?

La dynamique initiée par le décret tertiaire influe d'ores et déjà sur l'activité du pôle énergie (200 M€ de CA), sur les métiers de la GTB, les smart grids… De même, côté industrie, la hausse des coûts de l'énergie entraîne la demande d'optimisation en traitement de l'air ou de froid industriel.

Comment GCC, historiquement implanté dans les marchés privés aux prix non révisables, a-t-il traversé la période de hausse des coûts des matériaux ?

Nous avons eu un peu de chance ! Il y a cinq ans, nous avons décidé de développer notre activité « bâtiments publics ».

Nous avons ensuite remporté beaucoup de marchés globaux de performance (MGP). En 2020, le carnet de commandes a fortement grossi grâce à ces grands dossiers, supérieurs à 30 M€. Résultat : en 2022, notre CA construction se compose à 40 % de marchés publics, aux prix révisables.

La présence d'un pôle énergie au sein de GCC aide-t-elle à décrocher les MGP ?

Pas pour l'instant, car les travaux d'installation peuvent être confiés à une autre entreprise. Mais j'ai l'ambition de développer une offre de maintenance interne pour répondre à une dizaine de MGP par an.

Cette explosion du carnet de commandes a-t-elle été difficile à digérer ?

En toute transparence, le conseil de surveillance était un peu inquiet. D'autant plus que nos gros contrats ne sont pas uniquement des MGP : l'Arboretum à Nanterre (Hauts-de-Seine, 130 M€ avec Mathis) ou le projet tertiaire à Saint-Denis comprenant la réhabilitation de la tour Pleyel (Seine-Saint-Denis, 65 M€). Au total, une vingtaine de grandes affaires ont été initiées il y a trois ans et nous mobilisent encore pour trois ans. A l'arrivée, toutes ces opérations se passent très bien grâce à une recette unique : le casting. Nous avons intégré et positionné des directeurs de grands chantiers, dont le métier diffère du pilotage d'opérations plus classiques.

Comment votre troisième pôle, Edelis, traverse-t-il cette période difficile pour la promotion immobilière ?

Le pôle promotion a réalisé 200 M€ de CA en 2022 ; nous actons une pause en 2023, avec un objectif à 150 M€. Moins longs et moins risqués que le diffus, les concours lancés par les établissements publics d'aménagement nous intéressent. L'objectif est de voir ce type de consultations peser pour 30 % de l'activité. Côtés ventes en bloc, nous nous rapprochons, en plus des bailleurs sociaux, d'investisseurs privés.

« Nous avons intégré des directeurs de grands chantiers, dont le métier diffère du pilotage d'opérations plus classiques. »

L'inflation malmène aussi le pouvoir d'achat.

Comment répondre aux demandes salariales ?

En 2022, les rémunérations ont augmenté en moyenne de 5 %. En parallèle, GCC a largement redistribué : sur les 39 M€ d'Ebitda, plus de 10 M€ ont été fléchés vers la participation, l'intéressement, la prime de partage de la valeur et l'augmentation de l'abondement dans l'épargne salariale.

En mars 2022, l'inspection du travail découvrait le recours à des compagnons dotés de faux papiers par l'un de vos sous-traitants. Quelles mesures avez-vous prises depuis ?

Mettre au jour de faux papiers reste très difficile. Nous avons en revanche renforcé notre vigilance sur les déclarations Urssaf de nos sous-traitants. Notre effort de contrôle va aujourd'hui bien au-delà de la loi, dès le sourcing de ces derniers. Nous devons nous assurer que, à tout moment, le personnel sur le chantier est en règle dans sa propre entreprise, et qu'elle-même est à jour de ses obligations.

Quel regard portez-vous sur le projet de régulariser les sans-papiers dans les métiers en tension ?

C'est du bon sens. J'ai l'objectif d'embaucher 100 compagnons de gros œuvre dans les prochaines années. Or, ils sont plus difficiles à recruter que des jeunes ingénieurs ! Certains travailleurs aux titres de séjour falsifiés ont été régularisés rapidement et nous en avons embauché trois.

Comment faire face à ce besoin de main-d'œuvre ?

Il faut se montrer attractif, intégrer les nouveaux venus et les former. Nous allons pour cela ouvrir un CFA en octobre prochain sur les métiers du gros œuvre, de technicien d'électricité et de rénovation-réhabilitation. Ce centre formera en alternance à partir du niveau bac pro et s'installera, à terme, aux Mureaux (Yvelines). Evidemment, l'acquisition de compétences peut aussi passer par la croissance externe.

Justement, quelles activités ciblez-vous pour vos rachats ?

En construction et rénovation, nous visons les métiers complémentaires aux nôtres : la transition énergétique et l'enveloppe du bâtiment. Nous regardons aussi de près les EnR, en installation ou en production, ainsi que le nucléaire, en énergie ou en maintenance de génie civil.

Nous réfléchissons aussi à des stratégies d'alliance sur l'eau.

Comment améliorer la prévention dans un groupe décentralisé ?

La prévention est une chose simple : il faut mettre en place une culture. Cela prend du temps. En 2018, alors que le taux de fréquence dépassait 20, nous avons battu le rappel. En 2022, il est tombé à 8. C'est une très belle satisfaction. Mon objectif, pour 2030, est d'atteindre 5.

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