En matière de transfert de propriété d’un bien, la Cour de cassation fait prévaloir la procédure d’expropriation sur le droit de délaissement, et ce faisant, affirme la primauté des actes administratifs sur les initiatives des propriétaires. C’est ce qu’il faut retenir de l’arrêt du 28 mai 2025 de la Cour de cassation.
Procédure de délaissement antérieure
En cause dans cette affaire, un bien situé dans le périmètre d’une ZAC. Une société, propriétaire des parcelles sises dans ce périmètre, notifie à la commune son souhait d’exercer son droit de délaissement. En clair, elle met en demeure la collectivité d’acquérir le bien. Faute d’accord, elle saisit le juge de l'expropriation pour qu’il ordonne le transfert de propriété et fixe le prix du bien.
Se prévalant d’un arrêté déclarant d'utilité publique (DUP) le projet d'aménagement de la ZAC et d'un arrêté de cessibilité des parcelles nécessaires à la réalisation de ce projet, un établissement public foncier (EPF) saisit ultérieurement le juge de l'expropriation pour que soit prononcé en sa faveur le transfert de propriété. Ce dernier refuse aux motifs que la procédure de délaissement « ayant été diligentée antérieurement à la procédure d'expropriation, elle ne peut être considérée comme étant sans objet au jour de la signature de l'ordonnance d'expropriation ».
« Circonstance inopérante »
L’EPF conteste et se pourvoit en cassation. Il estime qu’ « en se fondant sur cette circonstance inopérante et sans constater un manquement à l'accomplissement des formalités prescrites par le […] Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge de l'expropriation a excédé son pouvoir. »
La Haute juridiction judiciaire lui donne raison. Elle se fonde sur les articles L. 221-1, R. 221-2 et R. 221-5 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour rappeler la procédure applicable en la matière :
- l'ordonnance portant transfert de propriété est rendue par le juge au vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le livre Ier ont été accomplies ;
- le juge prononce l'expropriation des immeubles ou des droits réels déclarés cessibles par le préfet, et refuse, par ordonnance motivée, de la prononcer, s'il constate que le dossier est irrégulier ou si la DUP ou les arrêtés de cessibilité sont caducs ou ont été annulés par une décision définitive du juge administratif ;
- la DUP et l'arrêté de cessibilité, pouvant être contestés devant le juge administratif, le juge de l'expropriation se borne à vérifier que le dossier que lui a transmis l'autorité expropriante est constitué conformément aux prescriptions du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Primauté de l'expropriation
Dès lors, si « une parcelle est visée par un arrêté de cessibilité, le juge de l'expropriation doit prononcer, sous réserve de ce qui précède, le transfert de propriété, peu important que son propriétaire ait préalablement notifié à la collectivité publique ou à l'établissement public son souhait d'exercer son droit de délaissement. »
Cass. 3e civ., 28 mai 2025, n° 24-10.352, publié au Bulletin