Jurisprudence

Enquête publique : les fautes du commissaire-enquêteur ne sont pas imputables à l’Etat

L’enquête publique préalable à l’élaboration d’un PLU relève de la responsabilité de la commune et d’elle seule. Si le commissaire-enquêteur commet des erreurs durant sa mission, la commune doit mettre un terme à la procédure irrégulière et régulariser la situation. Dans une décision récente, le Conseil d’Etat apporte d’utiles précisions quant à la (lourde) responsabilité des autorités compétentes pour organiser une enquête publique.

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Enquête publique
Les irrégularités commises par le commissaire-enquêteur n'engagent pas la responsabilité de l'Etat.
Urbanisme
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2019/03/13N°418170

Pour éviter l’annulation de leur projet en raison de l’irrégularité de l’enquête publique, les maîtres d’ouvrage ont tout intérêt à s’assurer que le commissaire-enquêteur a bien rempli son office. C’est en substance ce qu’il faut retenir d’un arrêt du 13 mars de la Haute juridiction administrative.

Une commune avait, par une délibération de son conseil municipal, approuvé la révision de son plan local d’urbanisme (PLU). Celui-ci s’est vu annulé par le tribunal administratif (TA) en raison de l’irrégularité de l’enquête publique. Le commissaire-enquêteur avait en l’espèce commis des erreurs « dans l’examen des observations recueillies […] ainsi que dans la présentation de ses conclusions ». La commune a alors exercé un recours indemnitaire contre l’Etat pour lui demander réparation du préjudice subi en raison des fautes du commissaire-enquêteur. Les juridictions du fond (TA et cour administrative d’appel) ont rejeté la requête. La commune a porté l’affaire devant le Conseil d’Etat.

Initiative et responsabilité de la commune

Les Sages rappellent tout d’abord que les projets de PLU soumis à enquête publique sont élaborés à l’initiative et sous la responsabilité de la commune (art. R. 123-19 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits). La Haute juridiction, combinant ensuite les dispositions des articles R. 123-8 du Code de l’environnement (toujours dans sa rédaction applicable à l’époque des faits) et de l’article R. 123-19 précité, indique que le commissaire-enquêteur est désigné par le président du TA sur la saisine du maire lorsque l’enquête publique concerne un projet de PLU communal. Sa mission consiste alors à « établir un rapport adressé au maire relatant le déroulement de l'enquête et examinant les observations recueillies et à consigner, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non au projet. »

Enquête à caractère local

Dans ces conditions, le commissaire-enquêteur, « qui conduit ainsi une enquête à caractère local, […] doit être regardé comme exerçant sa mission au titre d'une procédure conduite par la commune ». Peu importe qu’il soit amené à prendre en compte des éléments qui ne concernent pas directement la commune, il n’en exerce pas pour autant sa mission « au nom et pour le compte de l’Etat », soulignent les Sages. Et, poursuivent-ils, « le fait que la commune ne puisse ni procéder elle-même à sa désignation ni décider du montant de sa rémunération est [seulement] destiné à garantir l'indépendance du commissaire-enquêteur ainsi que son impartialité à l'égard de la commune, qui assume la charge des frais d'enquête ».

Purger les illégalités

Par suite, constatant des erreurs dans son rapport ou ses conclusions, le maire, aurait donc dû de lui-même, en l'absence de tout texte (1), soit demander au commissaire-enquêteur de corriger ses irrégularités, soit solliciter, auprès du TA, la saisine d’un autre commissaire-enquêteur.

Pour Christophe Testard, professeur de droit public à l’Université Clermont-Auvergne, cette décision, « généralisable à toutes les enquêtes publiques relevant du Code de l’environnement, est une incitation faite aux autorités compétentes à purger les illégalités, en amont de tout contentieux. Elle s'ajoute à la politique jurisprudentielle générale tendant à faire prévaloir des impératifs de sécurité juridique. Cela n'empêchera toutefois pas les recours contentieux, mais ces derniers auront alors peu de chance d'aboutir ».

CE, 13 mars 2019, n° 418170, mentionné aux tables du recueil Lebon

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