Jurisprudence

Enquête publique : le commissaire enquêteur ne peut refuser de se prononcer sur une partie du projet au motif qu’un contentieux est en cours

En cas d'abstention, son avis est irrégulier mais une nouvelle enquête publique n’est pas nécessaire pour régulariser la procédure, a récemment énoncé, de manière pragmatique, le Conseil d’Etat.

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Enquête publique
Le commissaire enquêteur doit répondre aux observations du public même si un contentieux est en cours.
Urbanisme
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2025/04/30N°490965

Le commissaire enquêteur doit-il se prononcer sur l’ensemble du projet soumis à enquête publique, y compris sur les éléments contestés en justice ? Dans une décision du 30 avril 2025, la Haute juridiction a répondu par l’affirmative et livre le mode d’emploi pour régulariser la procédure en cas d'abstention dudit commissaire enquêteur.

Une commune avait approuvé la révision générale du plan local d'urbanisme (PLU) à la suite d’une enquête publique. Des particuliers ont saisi la justice en vue de faire annuler la délibération de la commune. Ils estimaient la procédure irrégulière en raison entre autres du refus du commissaire enquêteur de donner son avis sur une partie du projet. Précisément, celui-ci ne s’était pas prononcé sur les observations du public portant sur une orientation d'aménagement et de programmation, « qui représentaient une part importante de l'ensemble des observations exprimées au cours de l'enquête publique », au motif qu'une procédure contentieuse était en cours concernant une précédente délibération de mise en compatibilité du PLU avec une opération d’aménagement projetée dans ce quartier. La requête a été rejetée par les juges du fond.

Connaissance complète du projet

En cassation, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que conformément aux articles L. 123-1 et R. 123-19 du Code de l’environnement, le commissaire enquêteur conduit une enquête destinée à permettre non seulement aux habitants de la commune de prendre une connaissance complète du projet et de présenter leurs observations, suggestions et contre-propositions, mais également à l'autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son information et ainsi de l'éclairer dans ses choix.

« Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis, sans qu'il puisse renoncer à se prononcer sur tout ou partie du projet,quand bien même certains éléments du projet soumis à enquête publique seraient concernés par une procédure contentieuse en cours à la date de son rapport ».

Dès lors, en refusant de tenir compte des contributions de la population pour élaborer ses conclusions motivées, le commissaire enquêteur a méconnu les exigences de l’article R. 123-19 précité. Une irrégularité « qui a privé le public d'une garantie et été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la délibération litigieuse » et qui de fait entache d'illégalité la révision du PLU, juge le Conseil d’Etat.

Pas de nouvelle enquête publique

Pour autant, et c’est le second apport de cette décision, « il n'est pas nécessaire, pour régulariser la procédure d'adoption du document d'urbanisme, de diligenter une nouvelle enquête publique ». Il appartiendra à l'autorité compétente de saisir le tribunal administratif afin qu'il désigne le commissaire enquêteur chargé de rendre à nouveau des conclusions motivées sur le projet. Ce dernier se fondera « sur l'ensemble des éléments recueillis à l'occasion de l'enquête publique déjà réalisée » (registres d'enquête, comptes rendus de réunions publiques, observations du public et rapport déjà établi par le commissaire enquêteur…).

Nouvelle délibération

Le vice entachant la délibération initiale pourra alors être purgé par l’adoption d’une nouvelle délibération d’approbation du document d’urbanisme, limitée aux seuls éléments entachés d’illégalité.

CE, 30 avril 2025, n° 490965, mentionné aux tables du recueil Lebon

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