Oui au développement de l’éolien, mais pas au détriment des habitants et des territoires. Hasard du calendrier, le sénateur samarien Rémi Cardon (groupe socialiste, écologique et républicain) a déposé, le jour même de la présentation du projet de loi dit EnR en Conseil des ministres, une proposition de loi « visant à favoriser l’éolien terrestre dans le respect des territoires et des habitants ».
Fruit d’un an de travail et de consultations menées dans la Somme, premier département français en termes d’éolien (1100 éoliennes installées, soit 1/8e du parc national), le texte doit « permettre une gestion harmonieuse des projets éoliens entre les collectivités locales directement impactées par le nécessaire déploiement de l'énergie éolienne en France », indique l’exposé des motifs. « Certaines dispositions pourraient même être transformées en amendements au projet de loi d'accélération des énergies renouvelables », confie le sénateur au « Moniteur ».
Casser des éléments de langage
A travers cette proposition, le parlementaire veut « casser certains éléments de langage » émanant tant des défenseurs que des opposants à l’éolien terrestre. Il ne s’agit plus « de savoir si nous sommes pour ou contre l'éolien » mais d’« accompagner cette filière de production d'énergie électrique », qui « n'est ni magique ni merveilleuse, et présente, comme toute activité humaine, des impacts sur l'environnement ».
Rémi Cardon veut tout d’abord redonner du pouvoir aux communes en rendant obligatoire, avant le lancement du projet, l’obtention d’une délibération favorable des conseils municipaux concernés. Devraient donner leur aval, non seulement la « commune hôte » mais également « toutes les communes dont le territoire est à moins de 6 fois la hauteur totale (en bout de pale) des éoliennes envisagées ». Le sénateur justifie cette mesure par le fait que les éoliennes sont souvent placées au plus loin des habitations de la commune où le projet sera implanté et « peuvent finalement être tout aussi près, voire plus, des habitations de la commune voisine ».
Par ailleurs, depuis la loi 3DS, le Code de l'urbanisme permet « en théorie » aux collectivités qui le souhaitent de réglementer l'installation d'éoliennes sur leur territoire à travers leur PLU. Mais « cette procédure est longue et onéreuse. De plus, dans le secteur rural, de nombreuses communes ont transféré la compétence urbanisme à leur EPCI et n'ont de ce fait plus de capacité à décider de leur sort ». Pour Rémi Cardon, impliquer l'ensemble des communes et faire valider au préalable le projet permettra aussi de limiter les recours et donc de faciliter et accélérer les installations.
Rééquilibrer les recettes entre collectivités
Le sénateur souhaite aussi rééquilibrer la distribution des recettes de l’éolien entre les collectivités afin que les territoires les plus concernés bénéficient d'une part plus importante. La répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) entre les communes, l'EPCI et le département, fixée aujourd’hui respectivement à 20, 50 et 30 % passerait à 70, 30 et 0 %. La part précédemment dévolue aux départements serait compensée par une dotation de l'État, financée par la création d’une taxe additionnelle sur les transactions financières.
Une distance d'éloignement proportionnée à la hauteur des éoliennes
Autre mesure envisagée : la distance d’éloignement des éoliennes vis-à-vis des habitations. Aujourd’hui, cette distance est fixée à 500 m. Or, constate le sénateur, cette distance n’a pas augmenté alors que la taille des machines « a quasiment doublé en 15 ans ». Il semble donc « plus pertinent de définir un éloignement minimal proportionnel à la hauteur de l'éolienne ». Le texte propose de le fixer à « 3 fois la hauteur totale des éoliennes (en bout de pale) ». Ainsi, avec une hauteur standard d'éoliennes de 220 m, cela équivaudrait à une distance de 660 m, explique Rémi Cardon.
Encerclement et saturation visuelle
Le parlementaire veut aussi lutter contre les phénomènes d’encerclement ou de saturation visuelle. « Certaines zones cumulent plus de 120 éoliennes dans un rayon de 10 km créant une "respiration paysagère" très faible ». Il est ainsi prévu d’instaurer, pour chaque commune, un angle continu minimal de 90° sans éoliennes dans un rayon de 10 kilomètres.
Enfin, afin de préparer au mieux le coût du démantèlement des parcs, le texte propose la création d’une commission indépendante, présidée par un membre de la Cour des comptes. Cette commission se prononcerait sur le caractère approprié des garanties financières chaque fois qu'elles doivent être constituées ou renouvelées.