Château Margaux, Pétrus pomerol, château Cheval blanc Saint-Emilion ou encore château Lafite Rothschild… La France est de loin la championne du monde des grands vins. Mais il peut être difficile de faire sa place, et ce d'autant plus que le juge administratif veille au grain. Nouvel exemple avec une décision du Conseil d'Etat du 5 octobre.
Dans cette affaire, un particulier a déposé une demande de permis de construire pour la réhabilitation d’une « maison vigneronne » située sur une commune héraultaise. Par un arrêté, le maire a refusé cette demande pour deux raisons : d’une part, le terrain est situé sur un secteur de la carte communale dans lequel les constructions ne sont pas autorisées, et, d’autre part, le terrain n’est pas desservi par les réseaux publics d’eau potable et d’assainissement. Le particulier a alors saisi le juge administratif en demandant l’annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir. Face au refus successif du tribunal et de la cour administrative d’appel (CAA), le requérant a saisi le Conseil d’Etat.
Contrôle de la réalité de l’exploitation agricole
La Haute juridiction commence par rappeler les dispositions des articles L. 124-2 et R. 124-3 du Code de l'urbanisme, désormais reprises aux articles L. 161-4 et R. 161-4 de ce même code. Selon ces dernières, « les documents graphiques des cartes communales délimitent les secteurs où les constructions ne peuvent être autorisées, à l'exception des constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole ou forestière ».
Par ailleurs, les juges suprêmes considèrent que « pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole ou forestière [...] laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole ou forestière d'une consistance suffisante ».
La construction projetée ne caractérisait pas une exploitation agricole
Dans cette affaire, plusieurs éléments ont incité la CAA à confirmer le refus du permis de construire. Tout d’abord, la demande concernait l’exploitation de 4 hectares, 74 ares et 60 centiares de vignes, ce qui est sensiblement inférieur à la superficie minimale d'installation dans l'Hérault pour la culture de la vigne. Par ailleurs, le demandeur n’apportait aucune précision quant aux conditions concrètes de son activité de viticulture. Et enfin, ce dernier exerçait une activité professionnelle de garagiste à 140 km de là.
Le Conseil d’Etat estime, au vu de ces éléments, que la CAA a correctement jugé que « l'activité viticole du requérant ne caractérisait pas une exploitation agricole, au sens des dispositions précitées du Code de l'urbanisme. » Elle n’a donc pas commis d’erreur de droit en déduisant que la construction projetée n'était pas nécessaire à une exploitation agricole.
Le pourvoi est ainsi rejeté.
CE, 5 octobre 2018, n°409239, mentionné au recueil Lebon.