Décryptage

En Paca, la production de logements sociaux est toujours à la peine

Six des douze gestionnaires des aides à la pierre en Paca ont atteint moins de 5 % de l’objectif annuel en matière de demande d’agréments de financement de logements sociaux. Dans ce contexte de sous-production, la Ville de Marseille organise, les 28 et 29 novembre prochains, les Etats généraux du logement. Il s’agit pour l’équipe municipale du Printemps marseillais de relancer la machine.

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Opération Carré Saint Lazare de Logirem à Marseille.

Au 15 septembre 2022, en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), six des douze gestionnaires des aides à la pierre(1) ont atteint moins de 5 % de l’objectif annuel en matière de demande d’agréments de financement de logements sociaux : soit, 600 agréments sur un objectif de 12 098(2).

Parmi eux, la métropole Aix-Marseille-Provence (AMP, 92 communes) affiche un score nul avec zéro agrément déposé selon les données fournies par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Paca (Dreal Paca).

Après une année 2021 en basses eaux avec 2 754 agréments de logements sociaux obtenus (soit un taux d’exécution de 58 % de l’objectif fixé), elle risque encore d’arriver en dessous de l’objectif attendu par l’Etat de 4 950 agréments.

David Ytier, vice-président en charge de l’habitat à la métropole, reconnaît que 2022 « ne sera pas un bon cru ». Mais il estime que ces derniers chiffres communiqués par la Dreal doivent être « lus au regard des pratiques habituelles en Paca. Ces dernières années, nous délivrons les agréments en fin d’année, tout simplement parce que les bailleurs sociaux déposent très tardivement leur demande », explique-t-il.

Décalage

L’association régionale des organismes HLM de Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse (AR-HLM Paca Corse) dresse le même constat. « Le gros des agréments se fait sur le dernier trimestre de l’année. Si on regarde les intentions déposées par les organismes de logement social, on arrive en Paca à un taux de 73 % par rapport à l’objectif régional fixé par l’Etat », pointe Pascal Friquet, président de l’AR-HLM.

2022 ne sera pas un bon cru

—  David Ytier, vice-président en charge de l’habitat à la métropole Aix-Marseille-Provence

L’enjeu, pour l’AR-HLM, est la traçabilité. L’avènement du nouveau système informatique « Suivi et programmation des logements sociaux » (SPLS) mis en place par l’Etat devrait permettre de suivre plus précisément les différentes étapes d’instruction des dossiers et la montée progressive des agréments tout au long de l’année.

En parallèle, l’AR-HLM a lancé un travail technique pour comprendre les raisons du décalage avec les autres régions françaises. En effet, en Paca, à la mi-septembre, le rythme de dépôt des dossiers d’agréments est deux à trois fois moins élevé qu’ailleurs (en moyenne entre 10 et 15 % de l’objectif annuel fixé contre 30 %).

Sous-production chronique

Reste que cela ne règle pas la sous-production chronique. Avec 325 705 logements sociaux(3), soit un ratio de 14,1 % du parc de résidences principales (contre 17,4 % en moyenne nationale), le parc HLM régional reste le plus maigrichon du pays. Et la région reste la lanterne rouge des bilans triennaux de la loi SRU : en 2020, 83 communes de Paca, dont Toulon, Cannes, Menton, etc. ont été frappées d’un constat de carence pour ne pas avoir comblé suffisamment vite leur déficit.

Pascal Friquet, président de l’AR-HLM relativise. « On est sur une tendance qui s’améliore : en 2021, on était à peine à 8 000 agréments. Si on ajoute les 3 000 logements locatifs intermédiaires, on arriverait en 2022 à 12 000 logements, soit un résultat proche des objectifs fixés par l’Etat », estime-t-il. Quant à la situation de la métropole AMP, il considère qu’elle « n’est pas plus en difficulté que celle de Toulon, elle non plus, pas exemplaire ».

Vu ce contexte, le résultat est, selon lui, honorable. « Aujourd’hui, déposer des demandes d’agréments, c’est prendre des paris sur l’avenir. Et cela pour deux raisons : d’un côté, les coûts de construction qui ont augmenté a minima de 15 à 20 %, de l’autre, la remontée du taux du livret A, qui, elle, va générer un volume d’annuités complémentaires pour les organismes HLM. Certains auront des choix à faire entre construction neuve, réhabilitation du parc, entretien. Sans oublier les programmes de démolition-reconstruction des projets de renouvellement urbain. », analyse le président de l’AR-HLM. Des opérations de chirurgie lourde particulièrement budgétivores pour les organismes.

Repli sur soi des maires

Reste une autre hypothèque : la chute du volume de permis de construire avec comme corollaire la baisse des stocks des promoteurs. Or, en Paca, en 2021, 56 % des logements sociaux ont été produits en Vefa. « Cela ne contribue pas à faire de bons chiffres », affirme le président de l’AR-HLM.

Autre frein endémique : l’absence de stratégie foncière des collectivités qui alimente l’inflation et les surenchères des opérateurs, compliquant le développement d’une offre d’habitat à prix abordable.

Ensuite, le président de l’AR-HLM ne le dit pas mais de nombreux maires préfèrent payer les pénalités SRU plutôt que de construire des logements sociaux. Concernant Aix-Marseille-Provence, toujours pas dotée de plan local de l’habitat (PLH) six ans après sa création, le repli sur soi des maires est flagrant. David Ytier a son explication : « Confrontées à des difficultés financières, des communes n’ont pas forcément le souhait de se développer et d’accueillir de nouveaux habitants car cela entraîne des frais supplémentaires ».

Rééquilibrage

Une réalité dénoncée par Mathilde Chaboche, adjointe au maire de Marseille en charge de l’urbanisme et du développement harmonieux de la ville. L’élue milite ainsi pour faire émerger des pôles secondaires plus denses. « Il faut raisonner à l’échelle métropolitaine. On étudie à Aix, fait ses courses dans la zone commerciale de Plan-de-Campagne, on travaille, va au théâtre à Marseille… », affirme-t-elle. Sauf que le PLH a été fabriqué selon les desiderata des maires des communes membres sans se soucier de ce qui se passe chez le voisin. « Et au final, c’est Marseille qui supporte l’essentiel de l’effort », soupire-t-elle.

Il faut raisonner à l’échelle métropolitaine. On étudie à Aix, fait ses courses dans la zone commerciale de Plan-de-Campagne, on travaille, va au théâtre à Marseille…

—  Mathilde Chaboche, adjointe au maire de Marseille en charge de l’urbanisme et du développement harmonieux de la ville

Dans cette quête de rééquilibrage, l’élue marseillaise ne veut pas sacrifier la qualité à la quantité. « A l’heure du dérèglement climatique, il faut s’interroger sur l’avenir des grandes villes. Ont-elles vocation à grandir davantage ? A quelle condition la vie en ville sera-t-elle tenable ? L’enjeu est de bâtir des villes où les gens puissent vivre sans étouffer dans leur logement, de créer des îlots de fraîcheur », insiste-t-elle.

Constructibilité

Cette position fait particulièrement débat à Marseille. Certes, il faut reconstruire la ville sur la ville, préserver des espaces de respiration, mais surélever des immeubles, réhabiliter les logements indignes et les 40 000 vacants ne suffira pas. De plus, le potentiel de constructibilité de 36 000 logements sur la décennie, dont 23 000 attendus à Marseille, établi dans le PLUI couvrant le territoire des 18 communes de l’ancienne communauté urbaine Marseille Provence Métropole n’est pas réaliste. Pour atteindre cet idéal, il faut de la place et les bonnes conditions, et une forte volonté politique pour déminer les oppositions des riverains. A cette aune, les ZAC existantes - La Capelette, Vallon-Régny, Flammarion et Hauts-de-Sainte-Marthe -, foncier maîtrisé par la puissance publique, représentent un potentiel de 800 à 1 000 logements chacune. Loin de satisfaire les besoins.

Etats généraux du logement

Annoncés par le maire (PS) de Marseille Benoît Payan, les Etats généraux du logement, les 28 et 29 novembre prochains, devraient apporter des premières réponses. Sans résoudre toutefois la totalité de l’équation. La compétence habitat est en effet entre les mains de la métropole AMP. Une intercommunalité présidée par la patronne du département des Bouches-du-Rhône Martine Vassal (ex-LR), dauphine de Jean-Claude Gaudin défaite dans les urnes de la ville centre en 2020 par Michèle Rubirola, cheffe de file du Printemps Marseillais. Une écologiste qui a depuis cédé son fauteuil de l’Hôtel de Ville à Benoît Payan.

Détail des demandes d’agrément au 15 septembre

Sur les 12 délégataires de l’aide à la pierre, les meilleurs élèves au 15 septembre sont la DDTM des Alpes Maritimes (26 %), l’agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette (17,3 %) et la DDTM des Bouches-du-Rhône (14,7 %). Suivent les agglomérations du pays de Grasse (12,5 %), la métropole Nice-Côte d’Azur (11,5 %) et la DDT du Vaucluse (10,6 %).
Selon la Dreal, les intentions (projets proposés) des organismes de logement social dans le serveur SPLS représentent 8 263 logements (398 dossiers) au 15 septembre, soit 68 % de l’objectif de 12 098 (76 % en 2020, 73 % en 2021).
Ces chiffres sont à mettre en perspective avec ceux des logements autorisés communiqués par la Ville de Marseille début septembre. Les objectifs inscrits dans le contrat de relance signé en 2021 avec l’Etat ont été dépassés : à savoir, 3 390 logements autorisés entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2022 contre les 3 000 programmés sur cette période. Seul bémol : au lieu des 1 200 HLM envisagés, seuls 698 ont été autorisés.

(1) Communauté d’agglomération de Sophia Antipolis (0,3 %), communauté d’agglomération Dracénie-Provence-Verdon (0) et les directions départementales des territoires (DDT) des Alpes de Haute-Provence (4,4 %), des Hautes Alpes (0) et du Var (2,2 %).

(2) Au 15 septembre, les gestionnaires des aides à la pierre ont programmé 1 127 logements (74 dossiers) dans le serveur SPLS du ministère du Logement. Un chiffre qui représente 9,3 % de l’objectif de 12 098 logements, contre 13,5 % en 2021 et 21,0 % en 2020 à la même période.

(3) Chiffres de la Dreal Paca publiés en novembre 2021.

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