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En 2024, les grands investisseurs immobiliers réduiront encore la voilure

Le bureau hors de Paris et le logement classique risquent de souffrir des stratégies défensives des investisseurs institutionnels, selon le baromètre annuel MSCI que nous révélons en exclusivité. En cette année de Jeux olympiques, l’hôtellerie devrait continuer de séduire.

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La Défense logement bureau ombre chaleur
Les anticipations les moins bonnes concernent les bureaux situés dans le «?Croissant Ouest La Défense?», comme ici dans le premier quartier d’affaires de France.

Bank of America, Banque Postale, Deutsch Bank… De plus en plus de prévisionnistes tablent d’ici juin prochain sur un léger desserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). De quoi satisfaire les investisseurs en manque de visibilité à cause de la rapide hausse des taux depuis mi-2022 ?

Au rayon immobilier, c’est raté. Dans un contexte de taux obligataires élevés et de volumes d’investissement à leur plus bas niveau, les poids lourds de l’investissement comptent réduire la voilure en 2024, selon le baromètre MSCI, réalisé par l’entreprise américaine de services financiers, en partenariat avec BPCE Solutions immobilières, filiale du groupe bancaire éponyme, et présenté lors du Salon de l’immobilier (Simi) à Paris du 12 au 14 décembre.

Deux panélistes sur trois souhaitent lever le pied

L’enquête a été menée auprès d’une trentaine de grands investisseurs institutionnels en octobre dernier. « La volonté des acteurs de diminuer leur allocation en immobilier constitue un changement majeur, observe Béatrice de Quinsonas Drouas, directrice de la recherche de BPCE Solutions immobilières. Pendant des années, celle-ci était en hausse constante. Or, aujourd’hui, 61% des panélistes prévoient de la réduire. Un phénomène lié à la remontée des taux d’intérêt qui comprime la prime de risque et fait du secteur immobilier une classe d’actifs certes toujours attractive, notamment pour la diversification, mais moins qu’auparavant. »

Ce retrait des institutionnels a déjà commencé. « 2023 est une année chahutée, déjà marquée par un net ralentissement des investissements en lien avec la diminution de la prime de risque par rapport au taux sans risque et aux difficultés de refinancement des acteurs », relève Carine Dassé, directrice exécutive pour le marché immobilier français de MSCI.

Cette incertitude des grands acteurs coïncide avec les difficultés des (plus petites) sociétés immobilières de placement immobilier (SCPI). Leur collecte nette, au troisième trimestre, a atteint 852M€, contre 2,3Mds sur la même période un an plus tôt. Comme les SCPI ayant misé gros sur le bureau (bousculé par l’émergence post-Covid du télétravail) sans se diversifier, les panélistes pourraient être tentés de vendre des actifs pour assurer leurs besoins de liquidités, selon les auteurs du baromètre.

Pour l’heure, les montants enregistrés en immobilier d’entreprise pendant les neuf premiers mois présagent d’un bilan annuel inférieur à 13,9Mds€, contre 25,9Mds€ en 2022.  L’an prochain, « seuls » 16,5Mds€ d’investissement sont anticipés par les sondés, qui pèsent 280Mds€ de patrimoine immobilier en France.

S’il n’est pas parisien, le bureau sera boudé

Sur les choix d’allocation, le bureau divise : 36% des panélistes comptent augmenter leurs investissements, 32% resteront à investissement constant et 32% envisagent une baisse. Les anticipations les moins bonnes concernent les actifs situés dans le « Croissant Ouest La Défense », où la décote moyenne se fixerait entre -13% et -30%.

« Les panélistes indiquent un petit report sur La Défense dans un contexte où les taux de vacance sont faibles à Paris, tempère Carine Dassé. De manière générale, la capitale reste attractive tant à l’investissement –malgré la correction des taux attendue - qu’à la location. En périphérie, en revanche, se confirme un manque clair de volonté d’investir. » 75% des sondés affirment vouloir diminuer leurs investissements en bureau hors de Paris ; seuls 11% souhaitent l’augmenter.

MSCI a, pour la première fois, interrogé les acteurs sur l’impact du Plan local d’urbanisme (PLU) bioclimatique en vigueur à Paris. « Il apparaît, note Béatrice de Quinsonas Drouas, que près de la moitié des investisseurs prévoient seulement de réaliser des travaux légers tandis qu’un tiers envisage de vendre leurs immeubles pastillés. » Moins de 20% des sondés estiment que ces bureaux seront transformés totalement ou partiellement en logements.

Interrogations sur le logement et la logistique

Les actifs des catégories « hôtel, logistique et résidentiel » seraient « les plus attractifs à l’investissement en 2024 », avec en particulier une augmentation des volumes attendus pour les deux premiers mois selon plus de la moitié des interrogés. S’agissant de la logistique, « la correction des valeurs a été actée plus tôt que sur les autres classes d’actifs », note Carine Dassé. Ce segment d’activité bénéficie à nouveau d’un sentiment positif « grâce à une certaine résilience sur la revente foncière ».

« Il existe un intérêt structurel des investisseurs pour la logistique venant soutenir les projets d’investissement en cours, confirme Béatrice de Quinsonas Drouas. Des transactions menées actuellement devraient augmenter les prochains volumes d’investissement sur cette classe d’actifs. » Ainsi, 43% des sondés comptent accroître leur présence sur ce marché en 2024.

Plébiscité pendant les confinements successifs, le logement fait l’objet de réflexions. « ll y a une dichotomie entre ceux qui veulent continuer à investir dans le résidentiel et ceux qui sont en retrait en raison d’une prime de risque à reconstituer, observe Carine Dassé. Dans ce contexte, le résidentiel dit alternatif, en particulier les résidences seniors, est perçu comme un moyen d’obtenir un taux un peu plus élevé que sur du résidentiel classique. » Près de 46% des sondés souhaitent augmenter leur exposition sur le résidentiel tandis que 39% veulent la diminuer.

Médaille d’or pour l’hôtellerie

D’autres typologies d’actifs semblent séduire les investisseurs. Ainsi 64% des interrogés veulent augmenter leur exposition dans l’hôtellerie. Après la bonne reprise de l’activité du tourisme en 2022, c’est la perspective des Jeux olympiques à Paris, du 26 juillet au 11 août, qui stimule les panélistes. Le segment « tourisme de loisirs » apparaît, pour 47% d’entre eux, « le plus intéressant à l’achat en 2024 ». Toutes les catégories d’hôtels sont visées, à l’exception de celle du luxe et des palaces.

Une nouvelle tendance apparaît également : l’intérêt pour les actifs de « life science », les entrepôts de stockage en libre-service ou encore les data centers. Problème : la faiblesse, voire l’absence, de l’offre existante...

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