Le compte à rebours est lancé ! Dans moins de quatorze mois, les élections municipales bouleverseront ou confirmeront les exécutifs communaux et intercommunaux. Pour les maires, qu'ils soient candidats ou non à leur réélection, 2019 est la dernière année pleine de leur mandat. Celle où il faudra terminer la réalisation des programmes sur lesquels ils ont été élus. Celle où les projets doivent être inaugurés. Et où les édiles s'afficheront fièrement pour couper les rubans. Ainsi, comme chaque année pré-électorale, 2019 sera dense pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics.
La plupart, quel que soit leur corps de métier, se disent d'ailleurs sereines : les carnets de commandes sont bien remplis et les communes continueront de lancer des marchés au moins en début d'année, pour finir les chantiers avant les élections.
Il y aura donc de quoi s'occuper au moins les six ou neuf premiers mois. En fin d'année en revanche, le lancement de la campagne électorale risque de freiner cette embellie. Pour s'épargner toute polémique locale autour d'un projet ou éviter de transformer la ville en « chantier » à l'approche des élections, les communes pourraient se montrer plus prudentes dans l'attribution des permis de construire de logements ou de locaux. De même, pour limiter les désagréments pour la population, les travaux de voirie ou de canalisation pourraient subir un coup d'arrêt.
Excès de prudence. Les entreprises sont cependant habituées à jouer avec ces effets de cycle. Globalement sereines pour 2019, elles le sont beaucoup moins pour l'année 2020 et les suivantes. Comme souvent, les programmes sur lesquels se feront élire les futurs maires mettront un peu de temps à se concrétiser, surtout avec les nouveaux venus. Et ils seront nombreux, car près d'un maire sur deux (49 %) ne compte pas se représenter en 2020. Une tendance à la hausse : en 2014, lors des précédentes élections, seulement 40 % des élus avaient annoncé vouloir raccrocher. Ce mouvement touchera particulièrement les petites communes.
Si l'on ajoute à cela la suppression de la taxe d'habitation, l'une des principales ressources des communes, le flou autour de sa compensation, et la crise sociale en cours, le secteur du BTP a de bonnes raisons de craindre un excès de prudence de la part des futurs maires. De là à subir un trou d'air aussi conséquent que lors des premières années du mandat actuel (lire encadré p. 16) ? Peut-être… En attendant, le secteur compte bien tirer profit des promesses de l'année 2019.
Les travaux publics profitent
Le bloc communal représente près du tiers de l'activité des travaux publics. Le secteur est donc particulièrement sensible aux changements de comportement et aux effets de cycle des communes et des intercommunalités. Pour preuve, en 2018, la croissance de son chiffre d'affaires (+7 % en valeur) est portée par les collectivités territoriales, et principalement par le couple communal. Le mouvement se poursuivra en 2019. « La dernière année pleine des mandats municipaux est toujours extrêmement dynamique », rappelle ainsi Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP).
Si la croissance globale ralentira par rapport à l'an dernier (+ 3 % en volume), les communes et leurs groupements resteront porteurs (+ 3,1 %). Avec notamment beaucoup « de travaux de surface, plus courts, etc. », prévoit le président de la FNTP. Celui-ci compte aussi sur un petit effet de rattrapage, car « après la baisse des dotations de l'Etat entre 2014 et 2016, où tout le monde s'est arrêté, ce qui a été promis et n'a pas encore été réalisé doit être fait maintenant ». Le chiffre d'affaires des TP pourrait ainsi dépasser celui de 2013, autre année pré-électorale, mais restera loin de 2007 qui marquait un point haut.
Tout le monde devrait ainsi en profiter. Y compris les producteurs de matériaux de construction, dont 78 % de la production va aux TP. Comme chaque année pré- électorale, ils prévoient un rebond lié à la hausse « de l'investissement des collectivités locales pour des travaux de voirie », commente Carole Deneuve, responsable du service économique et statistique à l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem). 2019 ne devrait pas faire exception.
Les travaux publics s'apprêtent cependant à vivre deux périodes très distinctes : un début d'année dense et une fin où plane le risque d'un arrêt des chantiers à l'approche des élections, comme l'explique Pierre Calvin, président de Routes de France : « C'est une petite inquiétude car cela freinerait l'activité. Mais nous avons neuf mois pour nous y préparer. » Ce ralentissement impactera aussi, par ricochet, les entreprises de paysage. La baisse observée des permis de construire ne rassure pas non plus la profession, dont les lots se concentrent en fin de chantier. Mais pour le moment, les marchés du bloc communal restent dynamiques (+ 10 % en décembre 2018 selon le baromètre Vecteur Plus pour « Paysages Actualités ») et représentent les trois quarts de la commande publique paysagère. La fin des mandats n'est évidemment pas étrangère à ce mouvement.
Le bâtiment est plus mesuré
Dans le secteur du bâtiment, les organisations patronales s'attendent à un effet « élections » à double tranchant. « Les premiers mois d'une année pré-électorale, en particulier avant un scrutin local, sont en général bien orientés car de très nombreux marchés publics sont lancés », s'enthousiasme Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Même son de cloche du côté de Max Roche, le président d'EGF. BTP : « Les perspectives sont plutôt bonnes pour nos entreprises qui interviennent dans les métropoles et les zones urbaines. Nous ne sommes pas très inquiets. » Après un recul de 1,3 % en 2018, les prévisions de la FFB tablent ainsi sur une légère reprise de la commande publique de bâtiments administratifs (+ 0,6 %) en 2019, par exemple. Une accélération « habituelle » à ce stade du mandat, même si « tous les permis signés ne se transforment pas en ouvertures de chantier », souligne la FFB.
Pour autant, les professionnels du bâtiment se préparent à une année chahutée. « Nous remarquons deux attitudes contradictoires, expose Jean-Louis Dumont, président de l'Union sociale pour l'habitat. D'un côté, les maires qui veulent accélérer pour inaugurer les programmes de logement social avant les élections. De l'autre, ceux qui émettent un peu plus de réserves et freinent les projets. » Outre la volonté de ne pas créer de polémique ni de lancer trop de chantiers dans les derniers mois d'un mandat, la fin du cycle pousse également les communes à ne pas casser leur tirelire. « Nous observons d'abord un coup de frein des investissements six mois avant l'échéance car les maires doivent clôturer leurs comptes avant le changement de mandature, puis un semestre après, le temps que les nouveaux élus mettent en place leur budget », analyse Sabine Basili, vice-présidente de la Capeb.
Les entreprises doivent donc s'adapter. « Il y a alors un report de l'activité publique vers l'activité privée. Et s'il y a baisse d'activité dans le neuf, les entreprises se tournent vers la rénovation », ajoute la dirigeante. Les incertitudes se cristalliseront surtout après les élections. « Nous nous inquiétons plutôt pour l'année suivante, car les maires nouvellement élus ou fraîchement reconduits annonceront les projets structurants pour leur territoire. Et il faut toujours un peu de temps pour les concrétiser », concède Jacques Chanut. Un sentiment partagé par l'ensemble du BTP.

