Emploi Heures supplémentaires : le volume reste stable

La loi en faveur de l’emploi et du pouvoir d’achat (Tepa) améliore le régime fiscal et social des heures supplémentaires. La mesure a permis d’améliorer la rémunération des salariés bénéficiaires, sans accroître l’utilisation de ces heures par les entreprises.

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«Dans un demi-million d’entreprises en France, les heures supplémentaires ça marche ! », triomphe la ministre de l’Economie Christine Lagarde. Un triomphe qu’il conviendrait de pondérer dans le secteur du BTP qui, six mois après l’entrée en vigueur de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (Tepa) du 21 août 2007, affiche un bilan en demi-teinte. « Nous faisions déjà des heures supplémentaires, nous n’en faisons pas davantage aujourd’hui. Car c’est la charge de travail et l’économie qui conditionnent le recours aux heures supplémentaires », rappelle Jean-François Rousse, DRH de Castel & Fromaget (construction métallique, Fleurance [32]). Bon nombre d’entreprises du secteur souscrivent à cette analyse. Publication tardive du décret d’application et complexité de mise en œuvre n’ont sans doute pas favorisé le recours aux heures supplémentaires. Les services de paie ont dû développer des trésors de patience pour mettre en musique un dispositif des plus complexes. « Rajouter des lignes sur le bulletin de salaire, distinguer les heures ‘‘tepables’’ des autres, recalculer le salaire net, mais aussi réunir l’encadrement, le briefer, faire des notes… », énumère Jean-Jacques Steux, DRH de l’entreprise de BTP Ramery, (Erquinghem-Lys [59]). Un avis partagé par Isabelle Bailly, DRH de Prunevieille, entreprise d’électricité basée à Saint-Denis (93) : « Cela a généré un travail considérable. Comme nous n’avons pu mettre en œuvre le dispositif dès octobre, nous avons versé un acompte en octobre, et tout régularisé en novembre. Heureusement, nos salariés se sont montrés compréhensifs ! »

Une rémunération avantageuse. Si la loi Tepa n’a pas sensiblement développé le recours aux heures supplémentaires, elle a néanmoins permis de mieux rémunérer les heures travaillées. A l’aune des nouvelles faveurs fiscales et sociales, certains salariés, naguère rétifs à travailler plus, s’y sont montrés plus enclins. Chez Centrelec, entreprise d’installation électrique (Gouzon [23]), les heures supplémentaires mieux payées ont fait florès. « Les collaborateurs sont attentifs à leur pouvoir d’achat, ils sont demandeurs d’heures supplémentaires. Chaque salarié a vu son pouvoir d’achat augmenter », rapporte son P-DG Jean-Yves Martin. A supposer toutefois que l’intéressé soit imposable… « Je ne suis pas certain que tous les compagnons soient assujettis à l’impôt sur le revenu, nuance en effet Jean-Jacques Steux. Mais les exonérations de charges sont intéressantes. » Un satisfecit émis dans de nombreuses entreprises du secteur. Cette mobilisation des salariés pour les heures supplémentaires représente, dans certaines entreprises, une manne pour pallier une pénurie de main-d’œuvre. « A une époque où les carnets de commande restent copieusement garnis, les entreprises ont besoin de trouver des heures travaillées. Actionner le système des heures supplémentaires permet de pallier, pour partie, cette pénurie de main-d’œuvre, applaudit le P-DG de Centrelec. Car rien n’est plus démoralisant que les dispositifs limitant le temps de travail. Quand un salarié souhaite travailler plus, on doit lui permettre de le faire, et ne pas l’y contraindre dans le cas contraire. »

De quoi ainsi favoriser la fidélisation des salariés dans l’entreprise. Autre « effet Tepa » : l’appétence des salariés pour les heures supplémentaires l’a emporté, dans bien des cas, sur la tentation d’accepter des chantiers non déclarés hors de leur entreprise...

Au regard des avantages du dispositif, les salariés d’entreprises régies par des accords d’annualisation font cependant figure de grands perdants. Il leur faut en effet s’armer de patience pour attendre une éventuelle régularisation en fin d’année. Le nouveau dispositif ne devrait pas, malgré tout, inciter les entreprises à abandonner cet outil de souplesse. « Cette loi n’a pas changé l’organisation du temps de travail en annualisation pour les ouvriers, en place depuis près de dix ans dans l’entreprise. A priori, nous resterons sur ce credo », envisage Michel Gili, DRH d’Eurovia (Rueil-Malmaison [92]). A cela, une bonne raison : « la trop faible réduction de charges patronales. Une aubaine symbolique, qui paie à peine le paramétrage de paie », pointe Alexandre Bensoussan, avocat au cabinet Capstan. « Je ne vais pas vous dire que c’est insipide, mais ça n’a pas beaucoup de goût », renchérit Jean-Jacques Steux. Car c’est peu dire que la loi Tepa s’adresse avant tout aux salariés. « Reste que ce ne sont pas eux qui décident du recours aux heures supplémentaires, mais l’employeur ! », rappelle Jean-François Rousse. Et encore est-ce dans la limite du contingent annuel d’heures supplémentaires… « Les entreprises de BTP attendent avec impatience que le contingent soit porté au moins à 220 heures », plaide Philippe Thiebaut, directeur des affaires sociales du groupe GCC. D’autres espèrent que certains jours d’absence, comme les congés pour maladie, soient exclus du temps de travail effectif en cas d’annualisation.

Monétisation des RTT. La loi sur le pouvoir d’achat du 8 février 2008, second chapitre du célèbre « Travailler plus pour gagner plus », complète les dispositions Tepa en autorisant la monétisation de certains jours de repos comme les RTT. Bouygues Construction doit présenter aux partenaires sociaux un projet allant dans ce sens. « En moyenne, les collaborateurs du groupe stockent trois jours de RTT au sein d’un compte épargne temps, indique François Jacquel, DRH du groupe. Nous allons leur proposer de ‘‘racheter’’ une partie de ces jours. Cette mesure aura un impact immédiat sur leur pouvoir d’achat. »

La possibilité de racheter les jours de RTT peut également représenter une solution intéressante pour les entreprises qui ont épuisé leur stock d’heures supplémentaires. En effet, selon le texte, les heures monnayées ne s’imputent pas sur le contingent. « Nous avons transformé les compteurs de RTT non utilisées au 31 décembre 2007 en espèces sonnantes et trébuchantes. Nous le faisions déjà, sous peine de pénaliser ceux qui travaillent le plus. Nous poursuivrons donc », expose Gilles Boyer, président du directoire de l’entreprise Boyer (gros œuvre, Poligny [77]).

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