"L'exposition chronique des travailleurs aux émissions de produits bitumineux est à même d'induire des atteintes respiratoires. D'autres effets sanitaires sont par ailleurs suspectés (cardiovasculaires, immunotoxiques...)" : c'est la principale conclusion d'un rapport d'expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) portant sur l'évaluation des risques sanitaires liés à l’utilisation professionnelle des produits bitumineux et de leurs additifs.
Ce texte a été rendu public aujourd'hui. L'Anses avait été saisie sur cette question par la fédération nationale des salariés de la construction (CGT).
"Il est nécessaire de réduire les expositions aux émissions de liants bitumineux"
L'organisme prend toutefois acte des progrès réalisés par la profession, en particulier en ce qui concerne l'application d'enrobés tièdes, moins nocifs. "Ces pratiques émergentes permettraient de réduire l'exposition des salariés lors de l'application de ces produits en limitant la génération d'émissions", explique le rapport. Tout en alertant sur le fait que certains enrobés tièdes se voient ajouter des agents plastifiants dont les effets sur la santé des travailleurs (contact, émissions) ne sont pas encore connus. En tout cas, selon l'agence, "il est d'ores et déjà nécessaire de réduire les expositions aux émissions de liants bitumineux et d'assurer un suivi médical approprié des travailleurs".
L'Anses ne conclut pas sur le risque cutané
Le débat concernant une éventuelle nocivité des fumées de bitume avait été mis sur la place publique par le procès dit "du bitume". Il opposait la famille d'un salarié des travaux publics décédé d'un cancer de la peau et la société qui l'employait, Eurovia (groupe Vinci). En novembre 2012, la cour d'appel de Lyon avait condamné la société en appel, les juges pointant en particulier l’insuffisance des protections du salarié face au risque UV, qualifiant par ailleurs le bitume de "produit potentiellement dangereux" (lire notre article).
Sur la question de la nocivité des fumées de bitume par voie cutanée, le rapport de l'Anses ne tranche pas : "Il n'est pas possible, en l'état actuel de nos connaissances, de tirer des conclusions définitives concernant l'existence ou non d'un risque de développer un cancer cutané chez les travailleurs exposés aux émissions de bitume."
La fin d'une bataille d'experts ?
Du côté de la CGT-construction, on voit dans ce rapport de l'Anses la fin d'une bataille d'experts sur les effets des produits bitumineux sur les salariés des travaux de route. "Jusqu'à présent, on avait tout et son contraire à propos de l'éventuelle nocivité du bitume, estime Frédéric Mau, responsable des salariés de l'industrie routière à la CGT-construction. Or, l'Anses fait autorité, de par ses méthodes de recherche. Et elle affirme que le bitume n'est pas un produit anodin. La difficulté réside à présent dans la quantification du risque. L'agence note en effet que la formulation de chaque enrobé est différente."
L'Union des syndicats de l'industrie routière française (Usirf) a également réagi, dans un communiqué de presse, à la publication de l'Anses. "Les recommendations (proposées par l'Anses) confortent les actions engagées par la profession, qu'il s'agisse de réduction et du captage des fumées émises, ou du port des équipements de protection individuelle, affirme l'organisation. L'Usirf, qui a fourni à l'Anses toutes informations demandées dans le cadre de son travail d'expertise, contribuera activement à la mise en oeuvre effective de l'ensemble des recommendations de l'Anses, en particulier celles relatives aux opérations de recyclage et de rabotage des revêtements routiers. "
Consulter le rapport de l'Anses en cliquant ici.