Alors que le gouvernement prévoyait initialement de restructurer le secteur HLM par ordonnance, il a finalement cédé face à la levée de bouclier des participants de la conférence de consensus sur le logement qui s’est déroulée au Sénat de fin décembre à début février. Comme révélé par Le Moniteur, le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) s’est doté d’un nouveau titre, intitulé « Évolutions du secteur du logement social » et composé de 8 articles, dédié à la réforme de ce secteur.
Elan, une « boîte à outils »
Techniquement, les mesures conviennent globalement aux acteurs du monde HLM. « Nous retrouvons beaucoup d’éléments qui ont fait objet d’échanges entre la fédération des entreprises sociales pour l’habitat et les pouvoirs publics, estime Anne-Sophie Grave, directrice générale de 3F. Sur la question de l’accessibilité des logements neufs, la prolongation conception réalisation, l’assouplissement des conditions de ventes des logements sociaux… toutes ces mesures vont dans le bon sens. »
Toutefois, le projet de loi Elan laisse sur sa faim. « Il y a effectivement beaucoup de propositions techniques qui ne sont pas inintéressantes, mais c’est une boîte à outil qui ne porte pas réellement une stratégie autour du secteur HLM », déplore Marianne Louis, secrétaire générale de l’union sociale pour l’habitat, mardi 6 mars lors d’une conférence de presse organisée à Paris. Avec la mise en application de la baisse des APL couplée à la réduction de loyer de solidarité (RLS), « l’état financier des organismes deviendra encore plus problématique en 2020, quand le gouvernement attendra que nous réalisions 1,5 milliard d’euros d’économies (contre 800 M€ en 2018 et en 2019), abonde Anne-Sophie Grave. Nous considérons qu’il faut vraiment travailler sur le modèle économique du logement social. Une disposition pourrait être ajoutée au projet de loi pour ouvrir ce débat ». En attendant le débat parlementaire, voici les principales mesures visant à réformer le secteur HLM.
Cas de dissolutions et de rattachement
Les organismes de moins de 1500 logements ou ayant construit moins de 500 logements sur les 10 dernières années peuvent être dissous. Ce seuil s’applique également aux Sem Immobilières. Et en cas de dissolution, le ministre du Logement peut imposer le rachat du patrimoine par un organisme HLM ou une Sem.
Par ailleurs, les offices rattachés à une même intercommunalité devront fusionner avant le 1er janvier 2021, à l’exception de ceux des métropoles du Grand Lyon et d’Aix-Marseille Provence qui pourront conserver plusieurs OPH.
Regroupement obligatoire
D’abord, le projet de loi fixe un seuil (15 000 HLM gérés) en deçà duquel un organisme HLM est dit "isolé". Dans ce cas, il devra rejoindre un groupe d’ici le 1er janvier 2021. Même les Sem Immobilières sont soumises à cette obligation (à l’exception de celles qui ont réalisé un chiffre d’affaires d’au moins 50 millions d’euros sur trois ans). « Mais un organisme HLM ne peut rejoindre qu’un seul groupe », précise Marianne Louis, secrétaire générale de l’Union sociale pour l’habitat.
Car le rattachement à un groupe entraîne des obligations, comme la création d’un plan stratégique patrimonial commun ou d’un cadre stratégique d’utilité sociale. Le groupe peut aussi orchestrer « la mise à disposition des ressources disponibles », conclure des conventions « visant à accroître la capacité d’investissement des associés » ou « interdire ou limiter la distribution du résultat ou la réalisation d’un investissement » pour garantir la bonne santé financière du groupe.
D’ailleurs, en cas de mauvaise santé, le groupe pourra décider « la cession totale ou partielle du patrimoine de cet organisme ou sa fusion avec un autre organisme du groupe ». Si la règle du regroupement n’est pas respectée, le texte prévoit que l’Etat puisse décider de façon unilatérale du rachat de son patrimoine par un autre organisme.
Trois sortes de groupes
Au total, « 12 coopératives HLM, 205 OPH et 164 ESH gèrent entre 1 500 et 15 000 logements », dénombre Dominique Hoorens, directeur des études économiques de l’USH. Attention toutefois, ces données n’indiquent pas le nombre d’organismes qui font déjà partie d’un groupe et qui ne seront donc pas obligés de se rattacher.
Les groupes d’organismes sont de trois sortes. « Le premier groupe est contrôlé par un organisme HLM ou une Sem et l’ensemble détient plus de 15 000 HLM, à l’exemple de Batigère, décrypte Marianne Louis. Le second groupe est contrôlé par une structure qui n’est pas un organisme HLM, mais qui contrôle elle-même des organismes HLM de plus de 15 000 logements sociaux, à l’exemple d’Action Logement Groupe ou de CDC Habitat (anciennement appelé SNI). La troisième catégorie, celle qui est réellement créée par la loi, sont des organismes HLM, quel que soit leur statut, qui constituent une société de coordination de type SA ou société coopérative. »
Faciliter la vente HLM
Le projet de loi Elan prévoit que les organismes puissent créer des filiales pour exercer de nouvelles activités. Ces nouvelles structures pourront, par exemple, construire et gérer un équipement local d’intérêt général, réaliser des prestations pour un syndicat de copropriétaires, fournir des services aux personnes âgées.
Par ailleurs, le texte assouplit les conditions de vente HLM. D’une part, le projet de loi créé un nouveau type d’organisme : la société de vente d’habitations à loyer modéré. Son seul objectif sera de racheter des bailleurs désireux de vendre rapidement et de les revendre. Ce statut pourrait donc être endossé par la structure que souhaite mettre sur pied Action Logement Groupe, pour proposer aux organismes HLM de leur acheter en bloc une partie de leur parc.
D’autre part, le projet de loi Elan assouplit les règles de mises en vente. Plus besoin de l’accord systématique du préfet, à la place, l’organisme HLM définit un « plan de mise en vente » et le fait valider. Par ailleurs, le gouvernement est habilité à réformer par ordonnance pour faciliter la vente de logements sociaux au regard des règles de copropriété.
Au total, le gouvernement estime que 800 000 logements sociaux pourraient être vendus, ce qui « permettrait de générer les fonds nécessaires pour produire 2,4 millions de logements », précise l’étude d’impact. Car selon une étude du CGEDD, la vente de 32 000 logements annuels dégagerait la somme de 2 milliards d’euros. Toutefois, le gouvernement souhaite que les organismes HLM atteignent l’objectif de 40 000 ventes par an, « nous estimons que ce n’est pas réaliste au regard de la pratique », indique Frédéric Paul, délégué général de l’USH.