Chez Eiffage, c’est simple, tous les clignotants sont au vert quand on regarde le bilan 2013 : le chiffre d’affaires a progressé de 1,6% à 14,26 milliards d’euros, le résultat opérationnel atteint 1,32 milliard (+9,9%) et le résultat net part du groupe 257 millions (+16,8%). La marge opérationnelle progresse tant dans les travaux que dans les concessions, et ce depuis 2011, note la direction du n°3 du BTP. Elle atteint 3,2% dans les travaux (contre 4,1% pour Vinci Contracting et 3,9% pour le pôle construction de Bouygues) et 42,2% dans les concessions (contre 41,1% en 2012).
Les travaux représentent 12 milliards de chiffre d’affaires (+1,2%) tandis que les concessions affichent 2,26 milliards (+4%). L’activité du groupe se concentre à 84% sur la France (+1,2%). L’Europe totalise 1,92 milliard (+1,1%), avec comme premiers marchés le Bénélux (737 millions, +6,6%), l’Allemagne (642 millions, stable), l’Espagne (265 millions, -13%), et la Pologne (144 millions, +14%). Axe stratégique du groupe, l’activité sur le grand international est encore modeste (306 millions) mais progresse de 26% sur un an.
Le chiffre d’affaires d’Eiffage Travaux Publics progresse de 7% à 4,21 milliards d’euros (+10,1% en France, -10,2% en Europe), soutenu principalement par la montée en régime de BPL, qui en est à 35% d’avancement (550 millions de CA comptabilisés à marge zéro pour l’instant). Les travaux routiers ont bien résisté en volume. L’effort fourni sur la productivité a permis de faire progresser nettement la marge opérationnelle, qui atteint 2,2% contre 1,3% en 2012 et 0,2% en 2011.
Le chiffre d’affaires d’Eiffage Construction s’est contracté de 2,2% sur un an à 3,71 milliards, conséquence d’une prise de commandes plus faible en France l’an dernier et malgré une activité soutenue en Ile-de-France. Des entités ont été regroupées pour réduire les frais fixes, permettant de maintenir sa marge opérationnelle à 4,2% (contre 4,2% il y a un an). L’Immobilier représente aujourd’hui 18% de l’activité bâtiment (662 millions), en progression constante. Si l’activité en immobilier d’entreprise est assez basse, en revanche les réservations de logements ont progressé de 17% sur un an, atteignant un niveau record de 3 267 unités dans un marché en contraction.
Le chiffre d’affaires d’Eiffage Energie se contracte de 2,2% à 3,16 milliards (-3,9% en France, stable en Europe, +81% hors d’Europe). Toutes les filiales sont en ordre de marche en Europe, indique le groupe. En France, le pôle systèmes (Clemessy, Expor, Europet) affiche de belles performances et de belles perspectives dans le nucléaire. Le pôle Régions France progresse également, sauf en Ile-de-France et en Méditerranée où des réorganisations sont en cours. L’objectif de marge opérationnelle de 5% fixé il y a trois ans ne sera donc pas atteint en 2014 mais en 2015.
Le chiffre d’affaires de la branche métal a progressé de 2,5% à 914 millions, grâce à l’intégration de Smulders sur quatre mois (72 millions). Sinon il aurait été en repli de 6,5% en raison de la fin de plusieurs grands chantiers en France (-9,6%) comme les verrières de la fondation Louis Vuitton ou la plateforme pétrolière Ofon pour Total au Nigéria. La marge opérationnelle atteint 4% (contre 3,1% en 2012).
Cap sur l’international
Seul point plus négatif : le carnet de commandes, qui recule de 3,5% à 11,74 milliards en 2013 du fait de la réalisation de la LGV Bretagne-Pays de Loire. La prise de commandes reste toutefois dynamique (+7,3% et même +24% à l’international avec 2,4 milliards): centre de recherche Michelin (Urbalad), ensemble immobilier de bureaux de la société générale à Val de Fontenay, phase 2 de l’autoroute de l’avenir au Sénégal, terminal du port de Lomé (Togo), extension de l’assemblée nationale au Gabon, fabrication du toit d’un stade en Irak, universités en PPP de Bretagne, Lille et Aix en Provence.
L'international y contribue donc aussi, avec des prises de commandes qui ont bondi de 24% sur un an pour atteindre 2,48 milliards. « L'objectif de 1 milliard de chiffre d’affaires subsiste, mais je ne peux pas dire quand il sera atteint », précise Pierre Berger, P-DG du groupe. Une chose est sûre : le numéro trois du BTP français y croit et cible une croissance annuelle de 20% pendant plusieurs années pour le grand international et de 10% pour l’international. Pour ce faire, il a mis en place des équipes « aguerries » pour développer des affaires dans plusieurs pays : au Moyen-Orient, dans les pays « oli and gas » et en Afrique (Congo, Côte d’ivoire, etc.). Quatre-cinq cibles sont travaillées actuellement par les branches TP et Métal, allant des autoroutes à péage - plusieurs pays seraient intéressés par son « modèle » sénégalais reliant la capitale à l’aéroport -, au parapétrolier, aux mines, en passant par les équipements du type stades ou musée au Moyen-Orient par exemple. Seul impératif : « y aller avec prudence pour réaliser les affaires avec des niveaux de marge nettement supérieurs à la France », explique Pierre Berger.
Dans l'Hexagone, le groupe parle "d'aléas de la commande publique", même si pour l'instant, il ne voit pas d'effet "municipales". « Nous n’avons pas ressenti l’arrivée des élections. Le développement de l’intercommunalité démontre une sensibilité moindre au cycle électoral », explique Jean-Louis Servranckx, président d’Eiffage Travaux Publics. "Les prises de commandes au quatrième trimestre 2013 tout comme en janvier ont été légèrement supérieures à celles enregistrées douze mois plus tôt", note le groupe, qui a toutefois anticipé en mettant l’accent sur la clientèle privée et fait part d’un volume significatif d’appels d’offres en cours en génie civil. N’attendant pas de feu vert bruxellois sur le contrat de relance autoroutier (un petit milliard de travaux à la clé pour Eiffage pour prendre le relais de BPL en 2015, voir encadré) avant l’été, Eiffage se positionne sur le Grand Paris : il a des équipes dédiées à ce projet majeur et participe aux deux appels d’offres pour le prolongement de la ligne 14 (deux autres lots sont à venir), en attendant ceux du le prolongement de la ligne 4 au sud, d’Eole et de la ligne 15, axe sud-est du futur métro automatique.
Côté bâtiment, la taille moyenne des affaires a tendance à diminuer et les projets de bureaux hors de Paris sont rares. Michel Gostoli, président d’Eiffage Construction, note toutefois que « les plans d’action commerciaux région par région montrent qu’il y a de la matière un peu partout en France, plutôt davantage qu’en 2013, que ce soit dans l’hospitalier, les universités, les Vefa sociales, etc.». « Le principal souci est d’être sélectif et de préserver les prix », ajoute-t-il. Le développement des travaux de rénovation, tant en marchés publics que privés, est un des axes de croissance du groupe.
Eiffage Métal de son côté ne relève pas de recul dans les activités de maintenance industrielle ou de façades (avec davantage de rénovation toutefois). " Nous avons moins d’affaires en charpente métallique c’est un fait", note Jacques Huillard, qui voit dans l’international un bon relais de croissance, que ce soit dans l’oil and gas ou dans l’éolien offshore, surtout depuis le rachat de Smulders dont c’est la spécialité. « L’export devrait représenter plus de la moitié de notre chiffre d’affaires en 2015. Et nous pourrions aller beaucoup plus loin dans les années qui viennent», estime-t-il.
Confiance pour 2014
« Nous n’avons pas d’autre choix que d’aller vers des affaires plus complexes. Et pour bien les réaliser, nous avons besoin de maîtriser les savoir-faire et les équipes», explique Pierre Berger, qui refuse « toute sous-traitance excessive, tant au niveau des études que de la réalisation». Et Jean-Louis Servranckx, président d’Eiffage Travaux Publics, d’insister que sa volonté d'« être l’entreprise préférée de ses grands clients grâce à une montée en gamme de notre offre, à l’intégration de nos savoir-faire et de nos équipes, à la furtivité de nos travaux, à la qualité de nos réalisations».
Dans un contexte français et européen pourtant compliqué, Eiffage déduit de son portefeuille d'affaires que ses activités, diversifiées, resteront soutenues. Confiant, Pierre Berger annonce un chiffre d’affaires en légère progression à 14,4 milliards, une nouvelle progression du résultat opérationnel courant et du résultat net tant dans les travaux que dans les concessions.