Pour la deuxième année consécutive, le président d'Eiffage, Jean-François Roverato, a repoussé l'offensive des actionnaires espagnols qui cherchaient à entrer dans son conseil d'administration, lors d'une assemblée générale très animée. Mais il encourt le risque de voir l'affaire portée devant les autorités boursières, voire devant les tribunaux.
Malgré la présence comme scrutateur de l'avocat de Sacyr, actionnaire à 33,2% du numéro trois français du BTP, le bureau de l'assemblée générale a en effet privé de leur droit de vote 89 actionnaires ibériques, représentant 17,5% du capital, accusés d'avoir agi de concert pour prêter main forte à Sacyr. Les représentants du groupe espagnol – son PDG en tête – ont donc quitté la salle en masse, réfutant d'une part toute action de concert et d'autre part que le bureau soit compétent en la matière. "Ce sera au tribunal ou à l'autorité de marché de décider s'il y a eu action de concert", a promis Luis del Rivero, avant de quitter le Théâtre Marigny où se tenait l'AG et de monter dans sa voiture.
Menace d'annulation
Bien que menacée d'une éventuelle annulation au cas où ces actions aboutiraient, l'Assemblée générale a continué de se dérouler. Elle a, évidemment, repoussé la nomination des cinq administrateurs demandés par Sacyr, mais donné à Eiffage la possibilité d'émettre des bons de souscription d'actions (BSA) en cas d'offre publique sur le groupe. Il s'agit là d'une "pillule empoisonnée" destinée à protéger le major en renchérissant considérablement ce type d'opération.
Malgré un front du refus – représentant un peu plus de 40% de votes négatifs à quasiment toutes les résolutions proposées- les mandats de Jean-François Roverato et de son directeur général, Benoît Heitz ont été renouvelés sous les applaudissements nourris.
En réponse à une question, Jean-François Roverato a expliqué une nouvelle fois les raisons pour lesquelles il s'opposait à l'arrivée de Sacyr dans son conseil d'administration: "Sacyr est notre concurrent sur tous nos métiers. Nous ne voulons pas d'un concurrent directement à notre conseil d'administration où s'élabore la stratégie d'Eiffage".
Par ailleurs, le président d'Eiffage a rappelé que, l'an passé, Sacyr avait contesté une première fois que le bureau de l'assemblée était compétent pour annuler certains droits de vote de Sacyr mais qu'aucune action n'avait ensuite été engagée contre cette décision… Reste la preuve de l'action de concert entre les acheteurs espagnols. Deux autres actionnaires ont pris la parole à l'AG pour la contester.
Appelée par un actionnaire à jouer un rôle de modérateur dans toute cette affaire, un représentant de la caisse des dépôts (8,5%) a indique que celle ni "ne souhaitait pas s'exprimer au cours de cette assemblée générale"
Françoise Vaysse