L’éclairage urbain est-il devenu un nouveau matériau pour l’aménagement ? Contrairement à l’éclairage des grands axes de circulation pour lesquels les circulaires européennes privilégient désormais l’aspect sécuritaire et normatif – impliquant des niveaux d’éclairement très élevés et très standardisés –une mise en lumière plus sensible jouant sur les ambiances se met en place dans les espaces publics urbains comme les parcs, les places et les nombreux espaces de promenade gagnés sur des friches ou le long des berges de rivières.
Contraste
En contraste avec l’éclairage urbain classique opérant de façon uniforme, ces illuminations modulent les puissances lumineuses, généralement plus faibles que la normale, pour mettre l’accent sur des parties spécifiques d’un lieu, quitte à compléter le dispositif d’un éclairage de balisage très léger, qui aide à reconstituer l’unité visuelle de l’ensemble éclairé. « L’idée est autant de mettre en ombre que de mettre en lumière, de créer des ambiances douces ou l’usager ne se sentira pas complètement exposé à l’intensité lumineuse » confie Roger Narboni de l’agence Concepto, maître d’œuvre de l’éclairage du nouveau parc des Batignolles, à Paris (cf. encadré ci-contre).
Piloté par informatique
Une autre caractéristique de ces éclairages spécifiques est l’utilisation de luminaires produisant différentes teintes pilotés par des systèmes informatiques DMX jusqu’alors employés pour l’événementiel. La lumière se fait alors dynamique, elle évolue selon une séquence dont le déroulement est en général calé sur l’activité nocturne : plus intenses en début de soirée, elle décroît progressivement pour atteindre un seuil minima aux alentours de minuit ou une heure du matin. La succession des différentes ambiances de la séquence lumineuse est conçue par le maître d’oeuvre - le concepteur- lumière - qui confi e ensuite aux services techniques de la ville le pilotage de l’ensemble. « Sur un site historique ou monumental, la séquence doit se dérouler sur un rythme assez lent, en accord avec la temporalité de la nuit, remarque l’éclairagiste Joseph Frey, de l’agence LEA. Or les villes ont tendance à passer en accéléré des programmations lumières établies initialement sur plusieurs heures ». Le risque est de transformer l’espace urbain en boîte de nuit, ce qui, à terme, peut apparaître agaçant et contre productif. De plus en plus fréquemment, la mise en lumière est aujourd’hui pensée au moment du projet d’aménagement général, par l’intégration d’un concepteur-lumière dans l’équipe de maîtrise d’oeuvre. Cette complémentarité est bénéfique à l’ensemble de l’aménagement et permet de prévoir d’emblée l’intégration du matériel d’éclairage dans le projet. Il est alors plus facile d’anticiper les travaux d’infrastructures, le choix d’un mobilier urbain incluant une source d’éclairage, ou mêmes les interventions futures pour l’entretien du matériel. Les catalogues existants en matière de candélabres ne suffi sent pas toujours. Il faut alors créer des luminaires harmonisés avec le nouveau paysage urbain. Pour la station balnéaire des Sables-d’Or-les-Pins (Côtes-d’Armor), l’éclairagiste Yves Adrien a conçu des mats qui marquent de jour comme de nuit la limite entre la mer et la ville.
Complément indispensable
La mise en lumière n’échappe pas aux problématiques de développement durable. L’éclairage urbain est parfois accusé de produire une pollution lumineuse forte, dommageable à la vision des étoiles, au métabolisme des plantes... Une première réponse est fournie par l’abaissement des intensités d’éclairement. Quand à la réduction de la consommation énergétique, elle s’obtient par l’utilisation de nouveaux matériels tels les LED, de plus en plus économes, offrant à la fois des durées de vie plus longues et de plus grandes possibilités aux niveaux des variations de couleurs. Autant d’atouts pour continuer à développer un travail de mise en lumière qui apparaît, aujourd’hui, comme l’indispensable complément de l’aménagement des espaces publics.
