Réunis autour d’un café à l’initiative de la SEM 92, Tania Concko, architecte, Pierre Paulot, directeur de l’architecture et du développement d’Immobilière 3F, François Valloton, directeur du développement de Gambetta Ile-de-France, Eric Noël, directeur associé de Projex Ingénierie, Eric Dutilleul, directeur régional Ile-de-France de Nacarat et Antoine Brillaud, directeur de la construction à la SEM 92, ont esquissé pendant plus d’une heure différentes pistes pour réduire les coûts de construction.
Premier constat : les coûts de construction sont plus élevés en France qu’à l’étranger, aux Pays-Bas notamment. Tania Concko, qui travaille dans les deux pays, évalue ce surcoût de l’ordre de 30 à 35%, imputable selon elle au système constructif. « Aux Pays-Bas, tous les logements, privés comme sociaux, sont réalisés en utilisant le procédé du « coffrage tunnel ». Si on veut traiter la question du coût, il va falloir opérer des changements en termes de procédé constructif », déclare-t-elle avant de préciser qu’aux Pays-Bas, les logements privés sont souvent livrés prêts à finir, c’est-à-dire sans revêtements de sol, muraux…
Eric Dutilleul s’étonne des écarts de prix existant non seulement entre la France et la Pologne ou la Belgique où le groupe est présent mais aussi entre l’Ile-de-France et les métropoles régionales. «Pourquoi passe-t-on de 1 200 euros le m2 (parking inclus) à Bordeaux à 1 800 euros le m2 dans la région capitale », s’interroge-t-il. Pour le directeur régional Ile-de-France de Nacarat, la réduction des coûts passe, entre autres, par la globalisation de la politique achat et par l’industrialisation des process, voie dans laquelle s’est engagé Rabot Dutilleul (dont Nacarat est une filiale) avec le rachat en 2013 de Smart Module Concept, une entreprise spécialisée dans la construction modulaire en bois.
+15% entre 2006 et 2014
De son côté, Pierre Paulot, directeur de l’architecture et du développement d’Immobilière 3F s’inscrit en faux contre l’idée selon laquelle les coûts de construction auraient beaucoup augmenté. « Entre 2006 et 2014, ils ont progressé de 15%, ce qui, compte tenu de l’intégration des nouvelles normes, reste finalement assez raisonnable ». En revanche, il remarque que la mixité des formes urbaines -logements collectifs, maisons superposées ou individuelles- ne va pas sans un renchérissement des prix. « Les entreprises sont moins à l’aise lorsqu’il s’agit de construire à la fois du collectif et de l’individuel », remarque-t-il.
Deuxième constat : il faut développer la co-conception qui permet à la fois d’optimiser les études et le coût des travaux. « La mise en place de la conception-réalisation, qui suppose une maîtrise d’ouvrage bien structurée, a été pour nous une manière de rapprocher les acteurs », ajoute le directeur de l’architecture d’I3F, qui a lancé une quarantaine d’opérations de ce type. « La réticence des architectes à l’égard de cette procédure n’est pas complètement levée mais elle est moins forte qu’au début », observe-t-il. Pour Eric Noël, directeur associé de Projex Ingénierie, « la confrontation d’experts crée une émulation : lorsque les entreprises trouvent de meilleures solutions que les nôtres, ça nous titille un peu », admet-il. « Le coût de construction représente un tiers du coût global du logement. Et 90% du coût global est défini dès la phase de conception. C’est donc sur la phase conception qu’il faut se pencher », estime Eric Dutilleul.
Troisième constat : le BIM ou maquette numérique, nouvel axe de travail. « Le BIM permet une synthèse en continu de la conception. C’est un partenariat global et permanent qui modifie l’organisation du projet. Tout va se passer au moment de la phase APS et il n’y aura plus d’APD », assure Eric Noël. Mais certains intervenants pointent déjà du doigt l’inadaptation de la loi MOP à ce nouvel outil.
Un marché en conception-réalisation en BIM
Autre difficulté : l’utilisation de la maquette numérique par les différents acteurs concernés. Même si cela prendra un certain temps, son appropriation ne devrait pas poser de problème majeur à la maîtrise d’œuvre et aux grandes entreprises. Cela ne semble pas être le cas, en revanche, pour les PME. Or, Cécile Duflot a annoncé que le gouvernement allait progressivement rendre obligatoire la maquette numérique dans les marchés publics d’Etat en 2017, en espérant que les collectivités locales suivront très vite. « Cela va sans doute être difficile pour les PME de travailler en maquette numérique », pronostique Pierre Paulot, qui annonce le lancement, en fin d’année, d’un marché en conception-réalisation en BIM « pour voir comment cela peut fonctionner ».