Dijon et Linkcity modélisent la résilience climatique

Sur les rives de l’Ouche, Dijon expérimente l’adaptation d’un projet urbain au changement climatique. Baptisé Bruges II et dessiné par Philippe Madec pour le promoteur Linkcity, filiale de Bouygues Construction, le quartier de 32 000 m2 de planchers à dominante résidentielle va bientôt entrer en travaux, après la délivrance des permis de construire de la première des deux phases, en juin dernier.

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Espace maraîcher Bruges II
Dijon a inscrit le quartier Bruges II dans sa stratégie d'alimentation durable pour 2030.

Dijon n’a pas laissé passer l’opportunité d’un projet pilote pour l’adaptation de la ville au changement climatique. A la suite de sa candidature à l’appel à manifestation d’intérêt pour les territoires innovants de grande ambition, la capitale bourguignonne a décidé d’aller jusqu’au bout de l’exercice, même sans l’accompagnement de l’Etat, pour mettre en œuvre sa stratégie d’alimentation durable à l’horizon 2030.

Rapport à l’eau

Elle s’est associée dans ce but à Linkcity, aménageur et promoteur, pour tirer le meilleur parti climatique d’un terrain de 4,5 hectares traversé par l’Ouche, rivière bourguignonne dont le cours traverse le lac Kir, à l'ouest de la ville.

D’emblée, la collectivité et son partenaire ont pressenti le rapport à l’eau comme levier essentiel de l’adaptation. La ville a également inclus une partie du terrain dans sa stratégie de souveraineté alimentaire : un maraîcher exploitera les terres qui ont toujours échappé à l’urbanisation, au bord de l’Ouche.

Auscultation des canicules

Après le concours de conception remporté par l'architecte et urbaniste Philippe Madec, la collectivité et le promoteur se sont entourés d’une équipe de scientifiques composée de chercheurs de l’université de Bourgogne Franche-Comté et du Centre d’excellence en efficacité énergétique. Leur mission consiste à mesurer les impacts thermiques de cinq facteurs : le type de végétation, la perméabilité du sol, l’eau, les vents dominants et la couleur des revêtements.

Pendant 36 heures incluses parmi les trois jours d’août pendant lesquels la température atteint en moyenne ses niveaux annuels record, les mesures couvrent 100 % du quartier de 4,5 hectares. Un zoom ausculte des points plus précis pendant la totalité des 72 heures considérées. Les relevés de terrain s’ajoutent aux projections climatiques, jusqu’à l’horizon 2050.

Le pouvoir des arbres

A ce jeu, la végétalisation arborée sort gagnante : « Rien de très surprenant, mais l’impact se révèle phénoménal, avec des écarts qui vont jusqu’à 8°C », commente Elsa Kieken, directrice du pôle Logement à l’agence Nord-Est de Linkcity basée à Strasbourg. Le frêne obtient les meilleurs résultats, parmi les quatre espèces comparées.

A l’inverse, le matériau de façade joue très peu, tandis qu’au contraire, les scientifiques vérifient l’importance de l’albédo sur la température ressentie à 1 m des murs. De même, la perméabilité des sols confirme la force de son impact. « Mais la pelouse ne sert à rien, alors qu’elle demande beaucoup d’arrosage », relève Elsa Kieken.

Prévention des inondations

Fort de ces résultats, le maître d’ouvrage a enrichi son programme d’aménagement extérieur, avec le paysagiste Vincent Mayot : aux abords des immeubles, la fonction climatique des arbres s’affirmera par la densité des plantations. « Pour éviter une réduction de l’ambition en cours d’opération, nous avons négocié en amont l’égalité de traitement entre le végétal et les autres infrastructures comme les conduites de gaz, d’eau, de chaleur ou d’électricité », précise Vincent Mayot.

Sur plus de 150 m, l’Ouche retrouvera la lumière du jour. L’effet paysager et climatique de cette intervention s’ajoutera à l’élargissement du lit mineur : la démolition d’anciens soutènements, associée à des décaissements, libérera un volume précieux pour la prévention des inondations. La concertation a reformulé les jeux de la ville et de l’eau : plutôt que des constructions sur pilotis, le maire François Rebsamen a opté pour un parc public qui offrira un espace d’expansion aux crues de l’Ouche, le long de la rivière.

Libération des courants d’air

La simultanéité entre les travaux de conception et les relevés scientifiques limitera les impacts de ces derniers sur l’architecture des bâtiments placés sous la maîtrise d'oeuvre de l’agence d’architecture Plage arrière. Néanmoins, l’identification de l’importance du vent a conduit à ouvrir les îlots, avec une construction qui se limitera à un seul étage.

La prise en compte architecturale de l’effet rafraîchissant du vent s'appliquera à chacun des îlots en forme de L. « Nous compenserons la perte de surface avec d’autres espaces plus compacts », précise Elsa Kieken.

Capitalisation tous azimut

Pour la direction Recherche et Développement de Bouygues Construction, le projet dijonnais se démarque comme un galop d’essai. Le promoteur et aménageur prévoit d’en restituer les acquis au début 2023, au cours d’un événement dédié à la résilience, dans le prolongement de sa publication sur « La Résilience, horizon pour des territoires durables » : la modélisation dijonnaise des îlots de chaleur urbains y apparaît au chapitre Inspirations, parmi les dizaines d’autres contributions au « cahier de tendances » réalisé par le major de la construction.

Une autre occasion de mutualisation découle du « jeu sérieux de la résilience », destiné aux collectivités et auquel contribue Bouygues Construction comme co-lauréat d’un appel à communs de l’Agence de la transition écologique, aux côtés de la Banque des territoires, du cabinet Chronos et de l’Institut Eco-Conseil. La livraison du jeu doit intervenir en octobre prochain.

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