Responsabiliser les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage pour lutter contre la fraude au détachement. C’est l’ambition de la proposition de loi sur la sous-traitance, adoptée par l’Assemblée nationale le 25 février. Les pouvoirs publics français ont ainsi pris les devants sur la mise en conformité avec une éventuelle révision de la directive « détachement » de 1996, qui n’entrerait pas en vigueur avant 2016. Mais les discussions à Bruxelles sont, à l’heure actuelle, au point mort (voir notre article).
Renforcer la vigilance des donneurs d’ordre
Le texte prévoit ainsi une batterie de mesures renforçant l’obligation de vigilance des donneurs d’ordre et des maîtres d’ouvrage en cas de recours à un prestataire de services établi hors de France. Ils devront ainsi veiller au respect des obligations déclaratives auprès de l’inspection du travail. Sous peine d’être solidairement tenu, en cas de non-paiement des salaires aux travailleurs détachés en France, de leur versement. Cette mesure s’appliquera sera en principe aux marché et contrats dont les montants excèdent 3 000 euros, à l’instar des dispositions existantes en matière de travail illégal.
Les donneurs d’ordre seront aussi tenus, s’ils sont avisés par l’inspection du travail du manquement d’un de leur sous-traitant -direct comme indirect- en matière de droit du travail (durée du travail, droit au repos, salaire minimum, règles en matière de santé-sécurité…), de lui enjoindre de se mettre en conformité avec la règlementation. A défaut de réponse du sous-traitant, il leur incombera d’en avertir l’inspecteur du travail. Les donneurs d’ordre qui ne jouent pas le jeu seront sanctionnés, dans des conditions à fixer par voie règlementaire.
La même obligation vaudra en cas de non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié. En cas de non-respect, le donneur d’ordre sera tenu, solidairement avec l’employeur, du paiement des rémunérations.
Informer l’inspection du travail
Tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre ayant recours à un sous-traitant qui détache des travailleurs devra par ailleurs, dans des conditions à préciser par décret, aviser l’inspection du travail du lieu où s’effectue la prestation. Cette mesure concernera les contrats d’un montant à fixer aussi par voie règlementaire (500 000 euros minimum).
Les employeurs détachant des travailleurs en France devront d’autre part désigner un représentant de l’entreprise en France pour la durée de la prestation.
Une liste noire d’employeurs condamnés pour travail illégal
Une autre mesure concerne les entreprises condamnées pour travail illégal (travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d’œuvre, emploi d’étrangers sans titre de travail…) à une somme au moins égale à 15 000 euros d’amende : l’inscription pendant deux ans au maximum, à titre de peine complémentaire, sur une « liste noire » sur un site Internet dédié du ministère du Travail.
Autre nouveauté : tout candidat à l’obtention d’un marché public devra justifier de la souscription du contrat d’assurance décennale obligatoire en produisant l’attestation afférente.
Pour la CGT Construction, ces nouvelles mesures sont autant de « gadgets qui ne résoudront en rien l’ampleur du phénomène de dumping social. »
Le texte est voté en procédure accélérée (une lecture dans chaque chambre). Le Sénat devrait en principe l'examiner en avril, pour une adoption définitive en mai.