Jurisprudence

Démolition d’une construction érigée en vertu d’un permis annulé: mission (presque) impossible

En dehors des zones visées par l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, il va être très difficile d’obtenir du juge judiciaire qu’il ordonne la démolition d’une construction dont l’autorisation a été annulée. C’est l’enseignement qu’il faut tirer de la décision du 21 mars 2019 de la Cour de cassation.

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démolition
Seul l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme est applicable à l'action en démolition d'un bâtiment édifié en vertu d'un permis de construire annulé.
Urbanisme

Specialia generalibus derogant. La règle est bien connue des professionnels du droit : le spécial déroge au général. Cette règle n’a pas échappé aux magistrats de la Haute juridiction judiciaire, qui, à l’occasion d’une action en démolition d’une construction dont le permis a été annulé par les juridictions administratives, ont jugé que seul le droit spécial de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme pouvait fonder ladite action. Ce faisant, la Cour de cassation exclut l’action en responsabilité de droit commun de l’article 1240 du Code civil (Cass. 3e civ., 21 mars 2019, n° 18-13288, publié au Bulletin).

Démolition sous conditions strictes

En l’espèce, un permis de construire délivré à un particulier pour l’édification d’un garage avec toiture terrasse a été annulé par le juge administratif. La construction, implantée « dans la marge de recul de trois mètres des limites séparatives », méconnaissait les règles du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune. Le propriétaire d’un appartement voisin, auquel la construction cause un préjudice, demande au juge judiciaire d’en ordonner la démolition, se fondant à la fois sur l’action spéciale de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme et sur le droit commun de la responsabilité civile (art. 1382 du Code civil, devenu art. 1240).

Pour rappel, l’article L. 480-13 permet d’obtenir du juge judiciaire la démolition d’un bâtiment pour méconnaissance des règles d’urbanisme si le permis de construire a été préalablement annulé par le juge administratif et si la construction se trouve dans l’une des zones protégées, limitativement énumérées par ce texte.

Responsabilité quasi délictuelle

Constatant que la construction n’était pas située dans l’un de ces périmètres protégés, c’est sur le terrain de la responsabilité quasi délictuelle – le droit commun, donc – que les juges du fond accueillent cette demande. Ils considèrent en effet que le propriétaire de la construction litigieuse a commis une faute de nature à causer un trouble de jouissance au voisin.

Mais la troisième chambre civile de la Cour de cassation censure ce raisonnement. Pour les magistrats, seul l’article L. 480-13 précité « s’applique à l’action en responsabilité civile tendant à la démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique ». En condamnant le propriétaire de la construction litigieuse à la démolir alors que celle-ci n’était pas située dans l’une des zones protégées, « la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article L. 480-13 ».

Aussi, conclut la Haute juridiction, lorsque les conditions posées par l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme ne sont pas remplies, la démolition d’un bâtiment édifié en méconnaissance d’une règle d’urbanisme n’est possible que si celui-ci n'a pas respecté les prescriptions du permis de construire.

Cass. 3e civ., 21 mars 2019, n° 18-13288, publié au Bulletin

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