Délinquances des mineurs

Internats «spécialisés», écoles et collèges «fermés», prisons... Que veulent-ils construire ?

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Une fois n'est pas coutume. Les deux principaux candidats sont unanimes dans leur volonté de faire barrage, par tous les moyens, à une délinquance de plus en plus précoce. Un objectif qui passe par l'ouverture et la construction de nouvelles structures d'accueil pour recevoir en premier lieu les délinquants mineurs.

Le RPR s'engage à créer, dans un partenariat entre l'Education nationale et les collectivités locales, des collèges et des lycées spécialisés. Le chiffre d'un établissement par département a été avancé. L'objectif étant de proposer aux élèves en situation de rupture un encadrement adapté. Par ailleurs, le parti de Jacques Chirac propose d'élargir la gamme de placements offerts aux juges, « afin de ne plus traiter de la même façon les adolescents qui commettent un premier délit, et les multirécidivistes endurcis ». Pour ces derniers, on suggère à droite la création de « centres éducatifs fermés ». Avec la double vocation d'éducation et de sanction. Une manière de briser, selon le RPR, la spirale de la violence. On évoque également le lancement d'un programme de prisons modernes, « basé sur un système différencié selon la nature des infractions commises, la politique de réinsertion envisagée et l'âge du délinquant ».

Dans le cadre de la lutte plus globale contre l'insécurité, et afin de casser l'esprit de ghettos qui s'impose dans nombre de cités, le RPR s'engage d'autre part à mettre en place un ambitieux programme de logements sociaux. Avec à la clé la destruction et la reconstruction d'environ 1 million de logements en vingt ans. Un programme qui devrait être dopé par des aides fiscales.

Le PS promet quant à lui l'ouverture de deux « internats pédagogiques renforcés » par département. Ces établissements accueilleraient les élèves en difficulté ou en situation de rupture à partir du CM2 et du collège. Une solution qui devrait, selon les socialistes, faire « sortir l'école de la violence ». Autre point fort du projet : la construction de 35 nouvelles prisons. Et la proposition d'y créer des quartiers réservés aux seuls mineurs, disposés en petites unités.

Ces programmes réussiront-ils à enrayer le rajeunissement de la délinquance ? Une chose est sûre, le système actuel a montré ses limites.

Aujourd'hui, les mineurs sont responsables d'environ 20 % de l'insécurité. Et ils représentent 1,5 % de la population pénitentiaire. Ils sont environ 700 dans les prisons françaises et peuvent être incarcérés dès 13 ans dans les quartiers réservés aux mineurs. Le juge est le seul à déterminer le type de placement le plus adapté en fonction de la gravité des faits et des conditions de vie du jeune délinquant. En dehors de la prison - une formule extrême à laquelle on a le moins recours possible en France - il existe plusieurs structures d'accueil mises en place par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Mais sur les 31 000 mineurs pris en charge par la PJJ, seuls 1 400 d'entre eux sont intégrés dans un éventail de structures. Une quarantaine de centres de placements immédiats (CPI) accueillent les jeunes délinquants les plus en difficulté, sur une période de deux à trois mois. Les centres éducatifs renforcés (CER) - une cinquantaine aujourd'hui - reçoivent surtout, pour leur part, des délinquants multirécidivistes. Ils peuvent aussi être intégrés dans des foyers, des hébergements individualisés ou des familles d'accueil. Mais la grande majorité des jeunes délinquants sont seulement suivis en « milieu ouvert », au sein de leur famille. C'est probablement à ces adolescents-là que les programmes sécuritaires des candidats s'adressent.

Outre les politiques, les juges, les éducateurs, les associations sont aujourd'hui globalement d'accord pour reconnaître l'importance de la sanction. Y compris, pour des délits mineurs. Les « TIG » ou travaux d'intérêt général, une alternative à l'incarcération qui oblige les responsables de vandalisme à réparer les dégâts, font aujourd'hui l'unanimité. Une manière d'admettre que tout doit être fait pour répondre de manière adaptée aux agressions commises. Car il est devenu évident que l'impunité encourage la récidive. Il est d'autant plus important de ne pas laisser se multiplier les infractions dites de « basse intensité » que les auteurs de la « grande délinquance » (drogue, cambriolages, violences sur les personnes) sont le plus souvent l'oeuvre d'anciens « petits » délinquants qui n'ont pas été arrêtés à temps.

«Il faut que l'on arrête d'amalgamer jeunes délinquants et jeunes tout court. Ce que font aussi bien les hypersécuritaires chasseurs de jeunes que ceux qui instituent les poignées de jeunes délinquants comme dignes représentants d'une jeunesse en révolte. N'oublions pas que les jeunes sont les premières victimes de la violence.»

Didier Peyrat : vice-procureur de la république au tribunal de Pontoise

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