Délais de paiement : le comportement des grandes entreprises jugé "très préoccupant"

Bercy vient de dévoiler les résultats du rapport de l’Observatoire des délais de paiement pour 2021. La hausse des prix des matériaux et des matières premières et les problèmes d’approvisionnement pèsent sur les délais de paiement qui continuent malgré tout de se normaliser. Mais cette année encore, une partie des grandes entreprises ne jouent pas le jeu.

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délai de paiement
La tendance à la baisse des délais de paiement se poursuit même s'ils n'ont pas encore retrouvé leur niveau d'avant crise.

Les retards de paiement n’ont pas retrouvé le niveau d’avant crise. Tous secteurs confondus, le retard « était en moyenne à 12,4 jours fin 2021, soit un jour de plus qu’en 2019 », indique un communiqué de Bercy à l'occasion de la remise le 24 juin du rapport de l’Observatoire des délais de paiement pour 2021 . Il était de 12,8 jours à la fin de l'année 2020.

Une « aggravation des anomalies structurelles»

Mais cette moyenne cache une grande disparité des délais de paiement selon le type de structures. Les grandes entreprises sont de nouveau pointées du doigt dans ce rapport, leurs comportements de paiement étant jugés « très préoccupants ». Leur « délai moyen  de paiement fournisseur n’a cessé d’augmenter depuis 2019 et seules 41% d’entre elles paient à l’heure, contre 75% des PME ». Pour Jeanne-Marie Prost, présidente de l’Observatoire des délais de paiement, « il est essentiel que les entreprises corrigent ces dysfonctionnements qui portent préjudice à la solidité de notre tissu économique ». Le rapport estime que les retards de paiement font perdre aux PME et aux ETI 16 milliards d’euros de trésorerie dont plus de la moitié (9 milliards) sont dus par les grandes entreprises.

A noter par ailleurs que les secteurs des conseils et services aux entreprises et de la construction sont les plus pénalisés par la persistance des retards de paiement. Avec des règlements qui s’effectueraient entièrement dans le délai légal, la trésorerie des entreprises du BTP s’enrichirait de 5 milliards d’euros.

Le secteur public demeure le bon élève

Les services de l’Etat comme les collectivités locales font figure de bons élèves. Malgré une augmentation de 7% des demandes de paiement associées à la reprise d’activité, le délai global de paiement (DGP) demeure quasiment stable (17,5 jours contre 17,2 jours un an avant) après une réduction du DGP de 2 jours en 2020. Ainsi les délais de paiement des communes et des groupements à fiscalité propre sont en baisse d’une demi-journée (à 18,7 jours et à 21,3 jours) et de 1,4 jour (à 18,9 jours) pour les départements.

Seules les régions connaissent une augmentation de leurs délais de 1,7 jour (à 25,6 jours). En outre, la situation des établissements de santé ne s’est pas améliorée en 2021 et reste alarmante : 40 % d'entre eux paient en moyenne hors délai réglementaire, soit à plus de 50 jours.

La construction, un secteur vertueux en matière de retard de paiement 

Sur l’année 2021, le secteur de la construction se démarque avec des retards de paiement qui passe sous le seuil des 10 jours à 9,5 jours en moyenne sur l'année devant l'industrie à 10,1 jours (source : Altarès). Ils étaient de 11 jours au 3e trimestre 2020.

Le rapport de l’Observatoire compile des données fournies par diverses organisations professionnelles. La FFB note ainsi qu’ « en 2021, selon les opinions des chefs d’entreprise du bâtiment interrogés par l’Insee, les délais de paiement clients se seraient réduits quelle que soit la taille d’entreprise et le type de clientèle publiques, privées ou artisans. Cette évolution s’avère cruciale dans un contexte de trésoreries déjà fortement mobilisées par l’envolée des prix des matériaux, observée depuis début 2021 et qui se poursuivrait au moins jusqu’à l’été 2022 ».

Dans la même veine, la Capeb estime que « les artisans du bâtiment ont vu leur trésorerie se dégrader en 2021, notamment du fait de la hausse des prix des matières premières et du remboursement des premières mensualités du PGE ». La confédération souhaite des évolutions de la plate-forme Chorus Pro utilisée pour la facturation des marchés publics, comme le versement automatique des intérêts moratoires ou la restitution de la retenue de garantie. Cela « amènerait les acheteurs publics à mieux suivre les règlements dus aux entreprises, compte tenu des intérêts moratoires encourus ».   

Pour la FNTP, la priorité demeure la lutte contre les délais cachés dans le règlement des marchés publics. Elle note avec satisfaction que l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) a engagé une étude sur les pratiques constatées en la matière. « Les retours nombreux et concrets des entreprises de travaux publics vont permettre d’alimenter cette étude car la mise en place de la facturation électronique n’a pas permis d’éviter à ce stade les délais cachés », indique la FNTP.

Des contrôles soutenus

En 2021, la DGCCRF a « maintenu une pression de contrôle soutenue », indique le communiqué. 1 272 établissements ont été vérifiés dont la moitié avaient bénéficié de prêts garantis par l'Etat (PGE). Les anomalies sont en légère hausse par rapport à 2020 (32 % au lieu de 30 %) et les sanctions administratives sont également en augmentation, passant de moins de 30 millions à 40,7 millions d’euros. Dernière en date, sur la page dédiée du site de la DGCCRF, la sanction de 95 000 € infligée à l'entreprise Spie Batignolles Nord...

Pour la Fédération des distributeurs de matériaux de construction, « les tensions sur l’approvisionnement pèsent sur les comportements de paiement en 2021 »

Les fournisseurs du secteur de la construction, touchés de plein fouet par la crise sanitaire, ont fait face à des difficultés d’approvisionnement. Le rebond de l’activité en 2021 n’a pour autant pas résolu ces tensions.

L’enquête annuelle sur les comportements de paiement menée auprès de ses adhérents par la FDMC dans le courant du dernier trimestre 2021 révèle une stabilité des délais de règlement au cours de l’année 2021 (78 % les estiment stables pour les clients publics et 70% pour les clients privés).

 

Mais l’étude a permis également d’identifier les raisons, dans le secteur privé, des retards de paiement par les clients des distributeurs. 
Le premier motif invoqué provient des difficultés à faire face à la hausse des prix des matériaux et des services observée tout au long de l’année 2021. Ces hausses de prix ont concerné notamment l’acier, le cuivre, le bois de construction, les plastiques ou encore le polyuréthane mais aussi les coûts de l’énergie et des transports.

 

Le second motif est lié à l’arrêt ou au retard de réalisation des chantiers pour cause de défaut d’approvisionnement. Des ruptures d’approvisionnement ont pu être observées pour la fourniture de peinture, de matériaux isolants, de ciments ou de plaques de plâtre. Si un corps de métier intervient en retard, c’est l’ensemble du chantier qui peut en subir les conséquences. Les délais de réalisation s’en trouvent alors rallongés, déclenchant des retards de règlement.
 

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