Délais de paiement : comment la DGCCRF appliquera le nouveau dispositif

La DGCCRF reconduit, cette année encore, ses enquêtes spécifiques sur les délais de paiement et fait de la lutte contre les retards une priorité. Elle aura à gérer la mise en œuvre des nouvelles dispositions issues de la loi Consommation, comme l’ont expliqué deux agents lors d’une journée de formation dédiée aux credit managers.

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Améliorer les délais de paiement

L’Association française des credit managers et conseils (AFDCC) avait convié deux représentants de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à venir commenter les nouvelles règles sur les délais de paiement issues de la loi Consommation (lire notre article) lors d’une journée de conférence le 20 mai à Paris. « Avant la loi Hamon, nos services faisaient des signalements au Parquet ou engageaient des actions en cas de violations importantes de la réglementation des délais de paiement, ont rappelé ces représentants. Mais le Parquet était peu sensible à ce type d’infractions, et les délais de la justice étaient trop longs ». C’est pourquoi le gouvernement a souhaité, via la loi Consommation, substituer aux sanctions pénales et civiles des amendes administratives d’un montant pouvant aller jusqu’à 375 000 euros. « Dorénavant, quand les services de contrôle détecteront des infractions, par exemple le non-respect des délais maximaux de paiement, ils activeront la procédure de l’article L. 465-2 du Code de commerce, ont détaillé les intervenants. Cette procédure est contradictoire : l’Administration adressera une lettre à l’entreprise l’informant de la sanction envisagée et lui laissant un délai pour formuler des observations. Elle tiendra compte des observations pour renoncer à la sanction, ajuster le montant de l’amende ou le maintenir. » La DGCCRF a insisté sur un point : les montants légaux sont bien des plafonds, les amendes seront adaptées au cas par cas, en tenant compte du caractère généralisé ou non de la mauvaise pratique, du dommage causé à l’économie ou encore de la situation de l’entreprise… Les décisions de sanctions pourront être publiées, au cas par cas, à titre de sanction accessoire. L’entreprise en sera alors informée dès la lettre engageant la procédure. « Un projet de décret est actuellement en concertation et devrait paraître en juillet, a précisé l’un des membres de la DGCCRF. Ce texte définira notamment qui est l’autorité compétente pour prononcer les sanctions : il s’agira vraisemblablement des Direccte (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ».

Un flux de remontées d’informations alimenté par les commissaires aux comptes

Un second décret est également en préparation, souligne la DGCCRF, pour préciser les nouvelles modalités de l’intervention des commissaires aux comptes dans le dispositif de lutte contre les retards de paiement. « L’Administration a pris conscience qu’il y avait très peu de remontées d’informations par les commissaires aux comptes sur les pratiques en matière de délais de paiement. Leur rôle a donc été renforcé par la loi Consommation, avec un objectif : passer d’une logique de "photographie unique", annuelle, des délais pratiqués par une entreprise, à une logique de flux continu d’informations afin de responsabiliser les professionnels. »

Une pratique à risque, le moratoire

L’AFDCC a profité de la présence des représentants de la DGCCRF pour aborder une question polémique, celle de la légalité du moratoire accordé à un client sur ses délais de paiement en raison de difficultés passagères. La réponse, à défaut de rassurer les adhérents de l’association, a eu le mérite d’être claire : « La loi fixe des plafonds de délais qui ne peuvent être dépassés ! Les retards de paiement sont illicites et doivent être sanctionnés, même si nous appliquerons la loi avec discernement, ont martelé les deux agents. Une entreprise qui accorde un moratoire à son client lui donne un avantage non justifié par rapport à ses autres clients, et le Code de commerce ne prévoit pas de possibilité d’adapter les délais maximaux en fonction des difficultés financières des entreprises. » Une position beaucoup plus stricte que celle retenue par la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC). Celle-ci a en effet publié sur son site une question/réponse en trois temps. Elle y indique, premièrement, que les délais de paiement pénalement sanctionnés (en matière de produits périssables et de transport routier) ne souffrent aucun moratoire. Deuxièmement, qu’un report ou échelonnement du paiement des sommes dues est possible sur intervention d’un juge – ce qui semble un peu lourd à manier en pratique ! Enfin, troisièmement, qu’un moratoire peut être octroyé «  sous réserve, d’une part, que le créancier qui consent ne soit pas en situation de faiblesse économique par rapport à son débiteur, n’ayant par ailleurs pas été soumis à des pressions abusives et, d’autre part, que le débiteur connaisse une véritable crise de trésorerie à caractère conjoncturel. » Il faudra donc attendre qu’un contentieux surgisse et que le juge se prononce pour que la question soit définitivement tranchée…

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