Un petit pas pour l’immobilier, un grand pas pour la sobriété. En exclusivité pour « Le Moniteur », les associations professionnelles Afilog, Union TLF, France Supply Chain et le Club Demeter, réunissant propriétaires et locataires d’entrepôts, annoncent la signature d’une charte de principes communs dans le but de partager le bénéfice des investissements liés au dispositif Eco Energie Tertiaire (Deet), appelé décret tertiaire par les professionnels.
En langage diplomatique, le texte vise à « organiser et partager la responsabilité de la performance énergétique des bâtiments », lit-on dans le communiqué de presse commun envoyé à l’occasion du Salon international du transport et de la logistique (SITL), organisé à Villepinte (Seine-Saint-Denis) du 19 au 21 mars.
« La charte nous permet de limiter les tensions avec les utilisateurs dans un marché un peu plus favorable aux bailleurs en raison de la hausse des loyers », plus forte dans la logistique ces dernières années par rapport à d’autres classes d’actifs comme le bureau ou le commerce, observe Diana Diziain, directrice déléguée d’Afilog, qui regroupe en majorité des propriétaires, mais aussi des développeurs ou encore des sociétés de conseil en immobilier.
Le locataire, « premier bénéficiaire des économies d’énergie »
En introduction du document de dix pages, il est en effet écrit : « Le propriétaire pourrait estimer que le coût de l’action doit être payé par le locataire, car celui-ci est le premier bénéficiaire des économies d’énergie (…) ; ce d’autant plus pour une action relevant d’une mise en conformité réglementaire qui, dans de nombreux baux, est à la charge du locataire. »
Paragraphe suivant : « Le locataire, de son côté, pourrait estimer qu’un tel coût est démesuré au regard des bénéfices qu’il en tire, en particulier si ce coût n’est pas couvert par les économies qu’il va réaliser pendant la durée restante de son bail ; en outre, le locataire pourrait ne pas admettre de financer des actions dont un des effets importants est de bonifier les actifs du propriétaire… »
Alors, comment faire concrètement ? Si les signataires rappellent qu’un investissement n’est éligible que si celui-ci est « financièrement bénéfique (ou au pire, neutre) au regard des économies d’énergie » qu’il engendre, tous sont tombés d’accord sur « quatre principes » : « il faut agir », « le propriétaire pilote l’action », « l’action est financée par l’économie » et « il faut un dispositif de pilotage adapté ».
Pour résumer, bailleurs et occupants s’engagent à se conformer à la règlementation. « Plus nous agissons "par nous-mêmes" selon ce que nous estimons être le plus efficace, moins notre législateur aura la tentation de nous imposer des manières de faire qui pourraient l’être moins », remarquent-ils.
En outre, ils conviennent que c’est au propriétaire « de s’assurer de la cohérence globale des actions, et de coordonner leur mise en œuvre, notamment pour celles impliquant le bâtiment dans son ensemble : isolation thermique, mise en place de systèmes CVC globaux »...
Enfin, les propriétaires ne sont pas allés jusqu’à s’engager financièrement. « Si le gain énergétique s’élève à 2%, il n’y aura pas une baisse de loyer de 1% », illustre Diana Diziain.
Changement de chaudière ou rénovation lourde
Pour l’heure, les actions légères, comme un passage au LED et/ou un changement de chaudière, en complément des comportements des usagers, sont suffisants pour baisser les consommations énergétiques de 40% d’ici 2030 par rapport à une année comprise entre 2010 et 2019. Les rénovations lourdes pourraient être nécessaires pour les objectifs de -50% d’ici 2040 ou -60% d’ici 2050, en particulier pour les entrepôts d’une vingtaine d’années et plus.
« Dans l’immobilier logistique, le bâtiment a une durée de vie moyenne de trente à quarante ans. En fin de cycle, le choix est souvent fait de démolir pour reconstruire pour des raisons économiques et techniques. Mais vu la pénurie de foncier, il va falloir faire plus de rénovation à l’avenir alors que les preneurs demandent des entrepôts flambants neufs », analyse Diana Diziain.
Un bilan d’étape est prévu dans deux ans pour analyser la pertinence de ces principes communs. Entre temps, des réunions permettront de mesurer les premiers effets.
Cet accord inédit pourrait faire des petits. En commençant par l’immobilier commercial. « Le sujet sera débattu en 2024 entre les propriétaires et les locataires car nous voulons apporter des éclaircissements sur comment franchir l’étape des -40% d’ici 2030, explique Christophe Noël, délégué général de la Fédération des Acteurs du Commerce dans les territoires. Aujourd’hui il y a un souci de transparence, des propriétaires sur les gains de leurs investissements, et des locataires sur les mesures qu’ils ont engagées pour réduire leurs consommations énergétiques. »
Le DEET concerne aussi les hôpitaux ou encore les prisons, dont les objectifs exprimés en valeurs absolues d’ici 2030 sont enfin connus.