24 heures après la suspension du décret tertiaire par le juge des référés du Conseil d’Etat, les esprits cogitent déjà à plein régime sur l’étape suivante. « Nous appelons de nos vœux l’annulation du texte », insiste Franck Charton, délégué général de Perifem, l’association technique du commerce et de la distribution. Cet espoir est partagé par Jacques Barré, président du groupement national des chaînes hôtelières (GNC). « Evidemment, l’annulation du décret fera suite à sa suspension, reconnaît Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable. Et c’est un énorme gâchis. Car ce texte compte parmi les plus doux que l’on puisse imaginer, puisqu’il prévoit que toute action qui dépasse le bon sens économique ou qui se heurte à des opérations trop lourdes, ne soit pas mise en œuvre. Et cela, sans sanction. »
Tant que le décret d’application est suspendu, les obligations de la loi Grenelle 2 de 2010 le sont aussi. L’étape suivante consiste donc à rédiger un nouveau décret d’application pour obliger les professionnels du secteur tertiaire à réaliser 25% d’économies d’énergie. « Dans la meilleure des hypothèses, le décret suspendu sera jugé sur le fond en 2019 par le Conseil d’Etat, évalue Philippe Pelletier. J’appelle de mes vœux qu’un nouveau décret annule et remplace celui qui vient d’être mis en suspens, et que ce nouveau texte porte sur la période 2020 à 2030. Je n’ai pas encore réalisé d’audit juridique, mais nous pourrions profiter du projet de loi « Habitat pour tous » prévu à l’automne pour procéder aux ajustements nécessaires. »
Nouveau décret d’application
Avant de se lancer dans la rédaction d’un nouveau décret, des enseignements doivent d’abord être tirés de la suspension intégrale prononcée le 11 juillet dernier. « Un décret d’application doit sortir rapidement, il n’y aurait pas eu tout ce happening si le texte avait été publié dans des délais raisonnables », estime Philippe Pelletier.
De leur côté, les requérants (les représentants de l’hôtellerie et du commerce) appellent à une plus grande concertation. « Les obligés ont été très peu concertés, estime un professionnel qui souhaite garder l’anonymat. Si les pouvoirs publics ne concertent pas de manière élargie lorsqu’il y a de forts enjeux, les équilibres ont du mal à être trouvés. » Une attaque balayée par Philippe Pelletier. « Jamais un texte n’avait donné lieu à autant de concertation. » Pour autant, le président du Plan Bâtiment Durable fera évoluer sa méthode. « Pour éviter les changements de pieds ou les réveils tardifs, nous terminerons chaque phase de concertation par un protocole de concertation à signer. »
Un planning par type d’actif
Les représentants de l’hôtellerie et du commerce affirment ne pas être opposés à l’objectif de réduction des consommations énergétiques inscrites dans la loi. « Mais nous voudrions que la spécificité de chaque filière, et de chaque typologie d’actif, soit prise en compte », lance Jacques Barré. « La trajectoire pour arriver à ces 25% d’économies d’énergie ne nous convient pas, le planning doit varier en fonction de la typologie des bâtiments », abonde Franck Charton. Autre requête : « il est très important que le futur décret prenne en compte l’antériorité des efforts, indique un professionnel du commerce. Il ne faudrait pas pénaliser les entreprises pionnières qui ont déjà réalisé des opérations de rénovation énergétique et qui auraient du mal à faire encore mieux. »
De son côté, le Plan Bâtiment Durable « entend amplifier l’action de la « charte tertiaire » en proposant très vite une nouvelle version de la charte, s’inscrivant dans la continuité des ambitions gouvernementales et l’objectif de neutralité carbone, dans la perspective de l’obligation de rénovation à l’horizon 2050 ».