En 2015, le législateur a fixé un objectif : réduire de 30 % les volumes de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage en 2020 par rapport à 2010, et de 50 % en 2025. Dans cette lignée, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite Agec ou Economie circulaire) prévoit que les producteurs ou les détenteurs de déchets ne peuvent éliminer ou faire éliminer leurs déchets dans des installations de stockage ou d'incinération de déchets que s'ils justifient qu'ils respectent les obligations de tri (article 6) ; et interdit progressivement la mise en décharge des déchets non dangereux valorisables (art. 10). Deux textes parus au "JO" le 18 septembre viennent mettre ces dispositions en musique.
Déchets valorisables progressivement interdits
Le décret n° 2021-1199 du 16 septembre 2021 liste les déchets non dangereux valorisables qui seront progressivement interdits d'élimination dans les installations de stockage et d'incinération (nouvel art. R. 541-48-3 du C. env.).
Cette liste est fondée sur des seuils maximaux "qui tiennent compte du potentiel de valorisation des déchets (métal, plastique etc…), des difficultés existantes pour valoriser certains déchets, expliquait le ministère de la Transition écologique lors de la consultation publique sur le projet de décret. Les seuils évoluent dans le temps et deviendront de plus en plus ambitieux, suivant la logique de l’interdiction progressive des déchets valorisables en élimination établie par la loi".
Ainsi, à compter du 1er janvier 2022, sera concerné le chargement des bennes ou des autres contenants constitués, en masse, "à plus de 30 % de métal, à plus de 30 % de plastique, à plus de 30 % de verre, à plus de 30 % de bois ou à plus de 30 % de fraction minérale inerte composée de béton, de briques, de tuiles, de céramiques et de pierres".
A compter du 1er janvier 2025, cela s'appliquera au chargement des bennes ou autres contenants concernés constitué à plus de 70 %, en masse, de l'ensemble des déchets non dangereux non inertes valorisables (dont ceux précités) à l'exclusion des ordures ménagères résiduelles ; et à compter du 1er janvier 2028, au chargement des bennes ou autres contenants concernés constitué à plus de 50 % de tels déchets.
Dans son avis du 1er avril dernier sur le projet de décret, le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) saluait le fait que cette liste de déchets interdits d’admission en décharge ait été adaptée (par rapport à la toute première version du texte) pour tenir compte du cas spécifique des terres excavées. "Ainsi, il est désormais précisé que, pour les déchets de fraction minérale, seule la fraction inerte sera considérée comme valorisable au sens des seuils applicables à compter du 1er janvier 2022. [...] L’objectif est ainsi de ne pas empêcher la mise en décharge des terres excavées qui seraient trop contaminées."
Dérogations à l'interdiction de mise en décharge
Certains types de déchets échappent cependant à cette interdiction de décharge. Il s'agit de déchets dont la valorisation est interdite ou l'élimination prescrite, de déchets issus de catastrophes naturelles dont la réception est autorisée par arrêté du préfet, ou encore de déchets non valorisables issus d'opérations de valorisation de déchets ou de processus de production. Pour cette toute dernière catégorie, un arrêté du 16 septembre publié le même jour que le décret donne, dans une annexe, la liste des déchets concernés. Y figurent notamment les déchets de matériaux à base de fibre de verre, déchets de produits en céramique, briques, carrelage et matériaux de construction (après cuisson) ou encore les déchets provenant de la fabrication de certains matériaux composites à base de ciment.
Justification du tri des déchets
Le décret décrit aussi comment les acteurs doivent justifier du respect des obligations de tri, avant de faire éliminer les déchets restants en installation de stockage ou par incinération (nouvel art. R. 541-48-4 du Code de l'environnement).
Chaque année, préalablement à la réception de tout déchet, une attestation sur l'honneur signée par les représentants légaux des producteurs de déchets qui n'ont pas recours au service public local de gestion des déchets est transmise à l'exploitant de l'installation attestant du respect de ces obligations de tri.
De même, les collectivités territoriales, compétentes pour le traitement des déchets, transmettront chaque année aux exploitants des installations d’élimination, des documents justifiant, pour chaque collectivité compétente ayant collecté les déchets, du respect des obligations de collecte séparée.
Procédure de contrôle des déchets entrants
Par ailleurs, l'exploitant de l'installation de stockage de déchets non dangereux doit mettre en place une procédure de contrôle des déchets entrants.Cette procédure comporte deux mesures principales. La première consiste en un rapport annuel de caractérisation des déchets apportés dans l'installation qui doit être réalisé par le producteur des déchets ou à défaut leur détenteur. Cette tâche peut être confiée à l'exploitant de l'installation ou à un laboratoire s'ils disposent des compétences techniques requises.
La seconde est un contrôle visuel des déchets lors de leur admission sur site ou de leur déchargement. En cas de non-respect des obligations précitées, l'exploitant refuse la réception des déchets. En cas de doute, il peut aussi faire procéder à une caractérisation de ces déchets. Les frais correspondants sont à la charge du producteur ou détenteur des déchets en cas de manquement à leurs obligations, et sinon à la charge de l'exploitant.
L’arrêté du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux est modifié en ce sens par l'arrêté du 16 septembre 2021. Ce texte détaille la procédure de caractérisation et complète la procédure actuelle de contrôle en entrée de décharge "en ajoutant la liste des pièces justificatives qui devront être transmises par le producteur de déchets en cohérence avec les dispositions du décret", indique le CNEN.
Traçabilité des déchets refusés
Les déchets dont la réception dans ces installations de stockage aura été refusée pour non-respect des dispositions du décret devront être tracés dans le registre prévu à l'article R. 541-43 du Code de l'environnement, conservé pendant au moins trois ans. Cette mention a été ajoutée après la mise en consultation du projet de décret, car "les représentants des élus avaient manifesté leurs inquiétudes quand au développement des dépôts sauvages à la suite de l'entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation", rappelle le CNEN. Qui souligne que "le suivi et le contrôle par l'administration des déchets refusés seront facilités compte tenu de la mise en place d'un registre électronique national à partir du 1er janvier 2022 tel que prévu par le décret n°2021-321 du 25 mars 2021 relatif à la traçabilité des déchets, des terres excavées et des sédiments".
Les nouvelles obligations de justification du tri des déchets avant élimination et les modalités de contrôle des déchets réceptionnés entreront en vigueur le 1er janvier 2022.