Au Simi, la banquière et l’économiste réconfortent l’investisseur

Lors d’un débat très suivi sur la crise immobilière au Salon de l’immobilier d’entreprise (Simi), étaient notamment invitées une banquière et une économiste plutôt optimistes. Le représentant d’un fonds souverain, lui, a pointé du doigt les vendeurs d’immeubles qui retarderaient « le nouveau cycle ».

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En marche vers une franche baisse des prix immobiliers en France. « Une grande partie du chemin est fait », affirme Guilain Decrop, directeur du marché immobilier en Europe continentale de Norges Bank Investment Management.

Face à lui, plusieurs centaines de professionnels, assis pour les plus chanceux, écoutent attentivement la très attendue conférence de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF) sur la conjoncture internationale et les stratégies des investisseurs institutionnels, organisé à chaque Salon de l’immobilier d’entreprise (Simi), qui a lieu cette année du 12 au 14 décembre à Paris.

Le vendeur est trop gourmand

En France, c’est-à-dire l’Ile-de-France, le portefeuille du fonds souverain norvégien a perdu, en un an, « 18% de valeur au troisième trimestre, et devrait en perdre 25% au quatrième », confie-t-il. Sur ses 20 actifs parisiens, 18 se situent pourtant dans le quartier central d’affaires (QCA). Or, il est réputé pour ses loyers élevés et son taux de vacance faible, car très demandé par les locataires de bureaux et commerces en pied d’immeubles, classes d’actifs préférées de Norges Bank Investment Management dans la capitale.

Est-ce une raison pour lever le pied en 2024 et investir ailleurs que dans la pierre ? « Nous avons des capitaux, mais la difficulté, c’est de trouver des vendeurs. Sur un total de 2Mds d’offres en 2023, nous n’avons rien conclu car nous étions en désaccord avec eux. S’ils pensent que nous achèterons aux prix d’hier, c’est non », dit Guilain Decrop avec un léger sourire. L’assistance, composée entre autres de brokers dont le volume d’affaires a chuté (lire encadré, plus bas), acquiesce. Et oui, il en va de leur modèle économique, qui repose sur les commissions perçues à chaque transaction entre vendeur et acquéreur.

La banquière se tient à disposition

« Si les prix sont rassurants pour les deux parties, les banques seront là », promet Emmanuelle Bons-Barreau, directrice adjointe du marché immobilier de BNP Paribas Corporate & Institutional Banking (CIB). Laurent Fléchet, président de la société de gestion d'actifs immobiliers pour le compte de tiers Primonial REIM, n’est pas convaincu : pour le moment « personne ne veut acheter » un immeuble qui pourrait connaître « une perte de valeur à la première expertise ».

Des élections incertaines sont prévues en 2024 : en janvier à Taïwan, en novembre aux Etats-Unis. D’autres échéances animeront l’année à venir, en Russie, Iran… Le calendrier géopolitique, scruté par les fonds, ne devrait pas contribuer au redémarrage des investissements immobiliers, remarque Guilain Decrop.

L’investisseur attend « le nouveau cycle »

« Le nouveau cycle immobilier, complète Laurent Fléchet, s’ouvrira quand sera purgée cette période incertaine », qui dépend aussi de la politique monétaire des banques centrales. Un desserrement est attendu, par les prévisionnistes type Bank of America, du côté de la Réserve fédérale américaine (Fed) dans les premiers mois de 2024. Devrait suivre la Banque centrale européenne (BCE) d’ici le milieu d’année.

Dans la zone euro bousculée par l’inflation depuis 2022, la rapide hausse des taux directeurs brouille la vue des grands investisseurs qui se retrouvent au Simi mais surtout désolvabilise le gros des clients des promoteurs de logements : les particuliers, investisseurs et occupants. Les difficultés de commercialisation entraînent un coup de frein général sur les mises en chantier, qui supposent de la trésorerie... « En France mais aussi en Allemagne et plus largement en Europe du Nord, nous sommes en train de créer un manque de logements qui aura un impact à la hausse sur les prix », analyse Laurent Fléchet.

Au T3, les prix des logements neufs en Ile-de-France ont encore augmenté, mais seulement de +1,3% sur un an, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Les prix en régions étaient également en hausse (+2,7%).

L’économiste voit des signaux positifs

L’immobilier français dépend aussi de la santé des entreprises d’autres secteurs. Or, malgré le ralentissement économique, celles-ci « présentent plutôt des bilans sains », observe Isabelle Jof-Bazille, directrice des études économiques de Crédit Agricole. En particulier dans « l’énergie, les transports et l’agroalimentaire », dont « les marges se sont bien tenues » entre 2022 et 2023, souligne-t-elle. Autre signal qui peut susciter l’espoir pour 2024 ? « Le rattrapage salarial », annonce-t-elle. Entendez : pour la première fois depuis la pandémie, les salaires progresseront plus vite que l’inflation annuelle (+3,4%, selon la Banque de France).

Cet inespéré gain de pouvoir d’achat devrait se traduire par une croissance de +1% en 2024, après +0,9% en 2023 et +2,5% en 2022, selon l’économiste. Pourquoi si peu ? « Le marché de l’emploi commence à se refroidir, relève Isabelle Jof-Bazille. Une légère hausse du taux de chômage devrait freiner la reprise de la consommation, que nous espérons tous. »

Au final, la France sera peu attractive

Le tableau dressé lors de ce débat ne donnera pas envie aux institutionnels étrangers de revenir. Sur le logement actuellement très peu rémunérateur, ces derniers « veulent des retours à deux chiffres », illustre Guilain Decrop. Et les produits de niche très prisés comme les data centers ou les bâtiments dédiés à la recherche ? « Ils sont si peu nombreux que les acteurs de l’investissement, quel que soit leur stratégie de diversification, demeureront insatisfaits », conclut Laurent Fléchet.

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