Les raisons circonstancielles de la crise du logement sont connues : des taux d’intérêt élevés et des prix immobiliers qui baissent trop lentement. « Le principal facteur de cette crise est bien le resserrement de la politique monétaire, avec une augmentation de 450 points de base des taux directeurs de la Banque centrale européenne depuis juillet 2022 », confirme Dorothée Rouzet, cheffe économiste à la direction générale du Trésor, le 23 janvier face à Dominique Estrosi-Sassone (LR), Amel Gacquerre (Union centriste) et Viviane Artigalas (PS), les trois rapporteurs de la mission d’information sur la crise du logement lancée en décembre dernier.
L’économiste défend la politique gouvernementale, de la suppression du Pinel fin 2024 et le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) qui exclut 93% du territoire national : « 80% des ménages bénéficiant du Pinel font partie du dernier décile. Quant au PTZ, son effet inflationniste est indéniable », souligne-t-elle.
Attendre la baisse des prix d’ici 2026
Mais pour Jacques Friggit, ingénieur général à l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), les causes de la crise actuelle sont plus profondes. L’une d’elles est à chercher dans la décorrelation des prix du logement avec sa valeur d’usage, c’est-à-dire dans le décalage entre les coûts d’acquisition et les niveaux de loyers. « Entre 2002 et 2007 notamment, on constate une explosion de 70% du coût du logement par rapport aux revenus des ménages », déclare l’ingénieur aux sénatrices.
Selon lui, cette hausse ne peut provenir d’une faiblesse du niveau de la construction. « Ca ne peut pas être expliqué par le rythme de la construction. La construction d’un million de logements supplémentaires, soit 2,5 % du parc national, n’aurait diminué le coût du logement que de 2,5 à 5%. » En cause, la faible élasticité des prix résidentiels.
Pour Jacques Friggit, c’est l’allongement de la durée des emprunts immobiliers, la croissance de la tolérance à l’endettement et les taux d’intérêt bas qui ont alimenté cette décorrélation : « La hausse des taux d’intérêt a mis un coup d’arrêt à cette spirale inflationniste. Les prix ne se sont pas ajustés immédiatement car une proportion élevée des vendeurs ne sont pas pressés de vendre. La question est combien de temps ça va prendre pour que les propriétaires acceptent de baisser les prix. »
Métropolisation de la politique logement
Une autre piste pour libérer le marché immobilier consisterait à baisser drastiquement les droits de mutation à titre onéreux. C’est en tout cas la recommandation de Boris Cournède, directeur de la division économie publique à l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). « La France possède l’une des taxations les plus élevées sur l’acquisition d’un logement, à hauteur de 5 à 6% de son prix. Cela contribue à créer des blocages sur la mobilité géographique et sur le fonctionnement du marché du travail », développe-t-il.
Boris Cournède plaide pour une augmentation des aides à la pierre, qui « même si elles sont mal utilisées, contribue à la construction de logements », contrairement aux aides à la personne qui ont un effet inflationniste. Autre piste à explorer selon lui : réduire la fragmentation de la décision liée à la construction de logements : « l’échelon qui fonctionne le mieux, c’est celui de la métropole », souligne-t-il.