« Les taux bas (inférieurs à 2% sur vingt ans de 2016 à 2022, NDLR) ont nourri la hausse des prix immobiliers, rappelle Charles Marinakis, président de Century 21. C’est pourquoi le gouvernement ne veut pas augmenter trop fortement le taux d’usure. » Celui-ci pourrait ainsi soutenir la hausse des prix (qui tendent toutefois à se contracter à Paris, Lyon, Bordeaux…), alors que le pouvoir d’achat immobilier des ménages diminue à cause de l’inflation annuelle de 5,9% à fin décembre, la crise énergétique ou encore la remontée des taux, pour atteindre une moyenne de 2,2% sur vingt ans en décembre dernier.
Les particuliers « interdits » de s’endetter autant que l’Etat
Dans ce contexte, la Banque de France a fait passer le taux maximum de crédit immobilier au-delà de vingt ans de 2,57% en septembre 2022 à 3,57% en janvier 2023. « Ce nouveau taux d’usure impose de facto aux banques de prêter en dessous de 3%. Pour mémoire, le taux d’usure intègre le coût de l’assurance emprunteur, les coûts de prises de garantie et les frais annexes, généralement estimés à 0,60% pour un emprunteur moyen », observe Olivier Lendrevie, président du réseau Cafpi.
Ce relèvement du taux d’usure intervient au moment où l’Etat français emprunte à plus de 3% sur dix ans, soit 0,5 point de plus qu’en 2013, au plus fort de la crise de la dette publique grecque. Ce taux des emprunts d’Etat à dix ans, sur lequel se basent généralement les banques pour fixer le taux d’intérêt des crédits immobiliers, devrait rester au-dessus de 3%, « au moins pour les trois mois qui viennent », anticipe Guillaume Autier, président du groupe Meilleurtaux. Autrement dit, emprunter à plus de 2,9% pour acheter un logement sera interdit jusqu’en mars voire au-delà. « L’Etat, dont le taux d’emprunt suit le libre jeu du marché, emprunte à un taux supérieur à la limite maximale qu’il autorise pour les particuliers », résume-t-il sur LinkedIn.
Près des trois quarts des ménages remettraient en question un éventuel projet immobilier dès 2% d’intérêt sur leur crédit immobilier, selon un sondage d’OpinionWay menée pour le réseau d’agences immobilières Laforêt en décembre 2022. « Comment vouloir emprunter à 2% sur vingt ans en tant que particulier quand la France obtient 3% sur dix ans ? (…) Personne en France n’a un risque moins élevé que la France », soutient de son côté Joachim Savigny, président de Cheval Blanc Patrimoine. Surtout que la solvabilité des ménages est de plus en plus tendue. « La durée moyenne (d’endettement, NDLR) est déjà très élevée à 248 mois, contre 161 mois en 2001. Un tel niveau n’avait jamais été atteint. (…) L’apport également est à son maximum historique : 21% du montant des biens », écrit-il sur LinkedIn.
« Le logement, bombe sociale de l’année 2023 »
Les prix immobiliers pourraient ainsi se contracter, en particulier dans les communes déjà marquées par une tendance baissière, avec allongement des délais de vente notamment. Et « la tension du marché locatif français, assez unique en Europe, subsistera et risque même de s’aggraver », prédit Joachim Savigny.
Une relance de la construction de logements est inenvisageable. « Faute d’avoir entendu les professionnels qui alertaient sur les conséquences prévisibles des retards d’ajustement du taux d’usure, la Banque de France et le gouvernement prennent le risque de transformer le ralentissement naturel causé par la remontée des taux en véritable crise du logement. Le logement (sera la) bombe sociale de l’année 2023. »
Un ralentissement durable de l’inflation, attendu mi-2023, et une baisse des taux directeurs, qui sera très progressive si elle devait avoir lieu, sont les leviers cités par les professionnels pour recréer un climat de confiance. Patience, donc.