La Maison des Avocats à Paris, prouesse technologique de verre et d’acier signée Renzo Piano, a donné du fil à retordre au façadier Coveris : le concepteur de la spectaculaire enveloppe transparente a passé neuf mois à monter, démonter, modifier et transporter des maquettes d’éléments vitrés entre son usine du Haillan, près de Bordeaux, et le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) pour les passer au banc d’essais. « Une perte de temps et d’énergie quand un équipement de proximité aurait permis de faire les validations en deux à trois mois », regrette Dominique Thomasson, président de l’entreprise girondine.
Banc d'essai eau-air-vent dernier cri
C’est pourquoi Coveris, société spécialisé dans les ouvrages vitrés complexes, qui réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, a pris l’initiative d’un partenariat inédit avec le CSTB et l’institut Nobatek/Inef4 pour installer dans ses locaux un banc d’essai Eau-air-vent (EAV) dernier cri, doublé d’un espace de prototypage. L’ensemble est accessible aux petites et moyennes entreprises du Sud-Ouest qui n’ont pas les moyens d’avoir le leur, contrairement aux grands industriels. L’équipement d’une valeur de 800 mille euros (bâtiment compris) a été financé par le façadier avec l’aide de subventions régionales et européennes. L’outil permet de réaliser des tests à blanc sur de nouvelles solutions de façades avec le soutien de l’ingénierie Nobatek sur place, pour produire et améliorer les maquettes. Puis de procéder aux essais qualifiants en présence d’évaluateurs du CSTB dépêchés sur place.
Tester des panneaux jusqu'à 5 m de côté
« Il faut compter 5 000 euros pour des sessions d’évaluations classiques et 10 mille euros pour une location plus longue avec la phase de prototypage », estime Dominique Thomasson. Le banc d’essais, remarquable par ses dimensions, permet de tester des panneaux de grande taille jusqu’à cinq mètres de côté. Il est conçu pour des enveloppes dites « légères », c’est-à-dire vitrées, « mais pas seulement avec les nouvelles technologies chanvre et bois », souligne Thomas Garnesson, chef de projet matériaux chez Nobatek.
C’est l’un des enjeux du partenariat : « accélérer l’innovation dans le bâtiment pour faire face aux évolutions climatiques, mais aussi avancer dans la voie de la rénovation et même de l’architecture démontable », enjoint Julien Hans, directeur de recherche au CSTB. C’est la première fois que le gendarme du bâtiment noue un tel partenariat avec un industriel privé. L’objectif : se rapprocher des acteurs régionaux pour fluidifier l’innovations.
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Simuler les conditions atmosphériques d'une tempête
La plate-forme EAV de Coveris évalue selon les normes en vigueur l’étanchéité à l’air, la perméabilité à l’eau et la résistance au vent de panneaux fixes assemblés sans ouvrants : des capteurs surveillent les déformations du verre sous l’effet de la pression, jusqu’à 10 000 Pascals pour mettre à l’épreuve la solidité et la plasticité de l’ensemble, tandis qu’un diffuseur de fumée sert à repérer les fuites d’air au niveau des joints. Les débits d’eau sont contrôlés à l’œil nu en démontant la maquette. Le caisson à atmosphère contrôlé de la machine enchaîne autant de cycles que nécessaires : dix, cent ou mille.
Une pression de 200 kilos par mètre carré – ou 2000 pascals – équivaut à un vent à 180 km/heure et suffit pour voir la paroi se bomber grâce aux reflets mouvants. L’affaire se corse quand on fait couler de l’eau en même temps – un peu, beaucoup, abondamment - pour simuler les conditions atmosphériques d’une tempête… Le banc n’est pas prévu pour tester les chocs ni prendre des mesures sismiques ou thermiques. « Mais la performance énergétique est intimement liée à la performance à l’air », rappelle Thomas Garnesson.