Côte d'Opale Une écostation balnéaire

Camiers protège et valorise son cordon dunaire en lançant un projet global d'écostation, un label inspiré des Pays-Bas. Une première sur le littoral français, qui lui a valu le Prix national du Patrimoine naturel en 1999.

Située entre les réserves de la baie de Canche et du mont Saint-Frieux, encerclée par les collines du Boulonnais et traversée par des zones forestières et humides, Camiers (2300 habitants) s'étend sur 1 613 ha dont 215 seulement sont urbanisés et 700 ont déjà été concédés au Conservatoire du littoral. L'agriculture et la cimenterie ont contribué à la formation d'un village-rue sans caractère mais relativement bien intégré à cet environnement exceptionnel. Et l'été, 15 000 visiteurs viennent essentiellement pour les plages de Sainte-Cécile et de Saint-Gabriel (6 km de long dont 3 km aménagés) au point que, dans les années 80, on y a vu naître un début d'urbanisation anarchique.

En fait, le bord de mer, coupé du village de Camiers par une départementale, est resté dissocié des zones naturelles qui l'entourent ; seul un sentier de grande randonnée relie les différents sites. La municipalité actuelle a pris conscience de l'atout que pouvait représenter son patrimoine naturel et a décidé de le valoriser. L'objectif est de proposer une offre touristique complémentaire de celle des stations balnéaires voisines : Le Touquet et Neufchâtel-Hardelot, davantage tournées vers un tourisme urbain, et Etaples, vers le patrimoine maritime.

Rejet de l'urbanisation anarchique

Si Camiers a longtemps fait figure de parent pauvre en matière de développement touristique, elle compte bien transformer ce retard en avantage : « Il faut rejeter la balnéarisation anarchique, précise le maire, Guy Bassement. Et faire en sorte que les générations futures n'aient pas à regretter nos choix d'aujourd'hui. »

Les élus ont décidé d'appliquer localement les principes définis lors de la conférence internationale de Rio de Janeiro, en 1992, en cherchant des moyens de concilier les intérêts du développement socio-économique et ceux de l'écologie. Avant de convaincre ses partenaires, la petite commune a beaucoup investi pour enfouir les câbles, créer des routes antibruit grâce à un revêtement spécial, des pistes cyclables... Elle s'est engagée dans la requalification de la dune et de la plage - un programme de 560 000 euros (3,7 millions de francs) pour détruire les blockhaus, remodeler le cordon dunaire et le fixer par la plantation d'oyats.

Il aura fallu quatre ans pour qu'une politique d'aménagement soit définie, inscrite dans une logique intercommunale . Créée en décembre 1999, la communauté de communes «Mer et Terre d'Opale» regroupe quinze municipalités autour d'Etaples. Elle va se doter d'un Scot (schéma de cohérence territoriale) qui devrait entraîner la révision du plan local d'urbanisation et notamment la suppression de zones constructibles.

Dès 1997, une expertise a été commandée au cabinet néerlandais Resource Analysis, spécialiste de la gestion intégrée des zones côtières. Ce document-cadre a fixé les orientations de la future écostation et le phasage des opérations à mener jusqu'en 2006, ce qui représente un montant de 810 000 euros (5,3 millions de francs) d'études. Une des premières actions a été la rédaction d'un cahier des charges pour les aménagements paysagers, dont le schéma directeur est établi par l'architecte-urbaniste Aline Lecoeur. Elle prévoit de relier espaces naturels et espaces urbanisés par de nouveaux cheminements, le retraitement d'espaces publics, une meilleure exploitation du patrimoine naturel.

Cette année, une étude d'urbanisme « durable », financée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), va être menée par Gahia Concept. Une troisième est prévue pour le plan de circulation et de stationnement.

L'ensemble du projet a reçu le soutien du syndicat mixte de la Côte d'Opale qui l'a choisi comme site pilote pour appliquer le programme européen de gestion des zones côtières (le programme Life). Camiers doit également signer un contrat de station dans le cadre du contrat de Plan Etat-région.

Faire connaître, améliorer et protéger l'environnement : c'est dans cet esprit que seront réalisés tous les aménagements à venir. L'éco-éducation ou la sensibilisation publique va se traduire par la création d'un centre d'interprétation de la nature, mais aussi des aménagements de sites, une politique communale de gestion des déchets. L'éco-aménagement va systématiser une démarche HQE (haute qualité environnementale). L'écopréservation ou politique de gestion adaptée va entraîner le développement de nouvelles professions. Un comité de pilotage réunit régulièrement tous les partenaires*.

Retrouver l'identité architecturale de Camiers

Cette démarche à long terme doit renforcer la visibilité du caractère de Camiers. En ce qui concerne l'habitat, la volonté affichée est non seulement de construire en HQE, mais également d'en profiter pour redonner à Camiers une identité architecturale. Un travail de recherche historique doit inciter les habitants et les architectes à s'inspirer de ce qui existait autrefois.

Enfin, pour 300 000 euros (2 millions de francs), la commune vient d'acquérir le domaine Rohart, ancienne résidence de l'amiral de Rosamel, ministre de la Marine en 1836. Entourée d'un parc de 20 ha, cette demeure du XVIIIe siècle sera la pièce maîtresse d'un projet de centre d'interprétation de la nature, point de départ des balades pédestres ou équestres et de lieu d'hébergement pour des séjours nature. Ce futur équipement nécessite, lui aussi, une étude préalable.

La commune commence à mesurer l'impact de son label. Il va favoriser l'émergence d'autres projets « nature ». Actuellement, la banque Scalbert-Dupont, propriétaire d'une parcelle de 80 ha de landes, négocie son rachat par un aménageur pour y faire un terrain de golf.

(*) Sous-préfet, maire, chargé de mission, représentant du syndicat mixte de la Côte d'Opale et de l'ADTCO, son agence de développement, des comités départemental et régional du tourisme, du conservatoire du littoral, de la communauté de communes, du parc naturel régional des Caps et Marais d'Opale, des directions départementales de l'équipement, de l'agriculture...

PHOTOS :

En vue aérienne, Camiers (page ci-contre) est surtout boisée. Or, le territoire communal est très varié : plateaux et coteaux cultivés, vastes étendues ondulantes, réseau hydrologique, bande dunaire. La cimenterie exploite le flanc d'un coteau calcaire à la frontière de Dannes et Camiers. Et l'urbanisation de Camiers épouse la ligne des coteaux...

Le mont Saint-Frieux (en haut) au nord, 152 m d'altitude, occupe plus d'un millier d'hectares, dont la moitié appartient au Conservatoire du littoral. C'est une dune grise tapissée de lichens, parcourue par trois sentiers de découverte. Une source à son pied alimente le ruisseau de Camiers qui traverse un réseau de mares et se jette dans la baie de Canche.

« Les milieux dunaires actifs (ci-dessus), et plus encore les dunes plaquées, sont rares et menacés, tant à l'échelle régionale que nationale et européenne », précise l'étude d'Aline Lecoeur. Ils constituent un corridor biologique, et sa conservation est un enjeu majeur à Camiers. Ici, la plage de Sainte-Cécile dont l'urbanisation anarchique a été stoppée à temps.

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