«Pour les chantiers en cours, il faut distinguer selon la taille de l’opération, le type de chantier et la phase d’avancement, souligne Laure Saunier, architecte, à la tête d’une petite agence, LS Architectures. Tout dépend du nombre de personnes qui interviennent en même temps. En phase gros œuvre ce n’est pas comparable à un chantier en phase second œuvre, en corps d’états séparés, ou de nombreuses entreprises, avec des équipes différentes, interviennent en même temps! Un chantier de maison individuelle n’est pas comparable à un chantier de 80 logements où les ouvriers s’agglutinent dans le réfectoire et les sanitaires. Faute de pouvoir me déplacer entre Paris et mon antenne à Béziers, j’ai annulé les réunions de chantiers. Pour le pôle jeunesse de Valras-Plage (Hérault), le chantier commence en désamiantage/démolitions. L’entreprise souhaite continuer à intervenir… A condition d’avoir du personnel disponible!»
Chez Laure Planchais, paysagiste (Grand prix national du Paysage en 2012), le télétravail «on a déjà expérimenté pendant les grèves, donc pas de souci de ce côté-là, et ce matin-même nous nous sommes organisés pour l’hypothèse d’un confinement total». Tout le matériel a été désinfecté «avant l’arrivée des troupes» et chacun reste à distance de deux mètres minimum les uns des autres. «Je reçois des mails des maîtres d’ouvrages et des partenaires me signalant l’arrêt des chantiers, et le recours au télétravail et à la visio-conférence tant que la situation le permet. Côté trésorerie, on a fait le point des arrêts en cours et à venir, des petites urgences du moment… Pour l’instant ça devrait aller. Il faut dire qu’à quatre, avec une équipe habituée à travailler avec de l’autonomie, de l’esprit d’initiative et de la responsabilité c’est beaucoup plus souple qu’une structure plus importante et pyramidale!»
Sylvanie Grée est paysagiste-urbaniste, associée de l’agence D’ici Là Paysages, qui compte deux agences à Paris et à Nantes, et une vingtaine de collaborateurs : «Vendredi 13 mars, les consignes étaient : pas de réunions de chantiers en salle et échanges extérieurs uniquement ; télétravail et travail en agence en effectif réduit. Le week-end qui a suivi, nous avons demandé à nos collaborateurs de ne plus se déplacer et télétravail pour tout le monde. Et en une journée, tous les chantiers ont fermé, soit par anticipation du maître d’ouvrage, soit à l'initiative des entreprises qui craignaient de gros soucis d'approvisionnement. Entre Paris et Nantes, ce sont 14 chantiers qui ont fermé dans une journée apocalyptique, le 16 mars, mais avec un grand sens des responsabilités tant de nos entreprises que de nos maîtres d'ouvrage. Les conséquences, pour une structure comme la nôtre, seront énormes. Et doublées du report du second tour des élections municipales qui va retarder les arbitrages des études. Le passage à du chômage partiel semble inévitable.»
"Après une semaine de gel hydroalcoolique, notre dernier salarié vient d'emporter son ordinateur chez lui après un dernier déjeuner d'agence en petit comité - et à un mètre les uns des autres! - pour s'organiser, raconte l'architecte Lucie Niney (NeM/Niney et Marca Architectes)... Arrêt de travail pour tous les parents, télétravail pour les autres jusqu'à fin mars, puis chômage partiel pour tout le monde probablement, les chantiers sont arrêtés et les projets ralentis..."
« O-S est en mode pause » assure Gaël Le Nouëne, architecte associé d’Ateliers O-S Architectes aux côtés de Vincent Baur et Guillaume Colboc. « Nous avons décidé, dès le passage au stade 3, de renvoyer tous nos salariés chez eux, tout en conservant l’activité. Nous rebondissons sur cette situation inédite pour expérimenter le télétravail généralisé. Il a fallu improviser avec les outils dont nous disposons et les contraintes de chaque salarié. Les équipes sont désormais organisées pour répondre à distance, mais à ce jour nous attendons que les maîtres d’ouvrages ou les entreprises se prononcent. Comment faire avancer un chantier sans y tenir sur place une réunion? Comment développer un projet sans échéances? La situation actuelle peut porter un coup dur aux petites et moyennes agences comme la nôtre. Ce qui est à redouter le plus, c'est une reprise chaotique, en espérant que le recul que peut offrir cette crise sanitaire à notre société hyper-connectée puisse remettre du sens dans nos actions et nos modes de vie. »