Quel regard portez-vous sur le guide de sécurisation sanitaire publié par l’OPPBTP ?
On l’attendait comme on attend le messie. Mais ce document édicte surtout des mesures de bon sens. Avec plusieurs reproches. Tout d’abord, le guide ne fixe pas de liste des chantiers prioritaires, en porte à faux avec les messages gouvernementaux, qui appellent à ne sortir de chez soi que si c’est indispensable. Les fédérations professionnelles d’employeurs du secteur n’en ont pas moins visé en premier lieu, dans leur communication du 2 avril, les activités « essentielles ».
Le texte recèle d’autre part des formules telles que « dans la mesure du possible » ou « si c’est possible » un peu nombreuses à notre sens. Mais il était de toute façon impossible d’obtenir un document qui s’adapte à tous les chantiers. Et puisqu’il n’est pas assez restrictif ou directif, nous, acteurs de la construction, sommes les guides. Il nous incombe de nous mettre autour de la table, sans oublier les fournisseurs de matériels, et d’évaluer, chantier par chantier, les conditions de la reprise dans le contexte actuel. Le guide présente donc le mérite d’offrir un cadre sur lequel s’appuyer, et qui puisse s’adapter à tout type de chantier du plus petit au plus gros, à condition que les acteurs se réunissent pour étudier la faisabilité de la reprise. Peut-être sera-t-il d'ailleurs financièrement plus coûteux de rouvrir certains chantiers dans l’immédiat.
Comment envisagez-vous dans ce cadre le rôle des coordonnateurs SPS ?
Ils doivent prendre leur courage à deux mains pour conseiller le maître d’ouvrage sans se contenter de suivre ses directives, car ils sont les « sachants », les professionnels de l’évaluation des risques : ils doivent se positionner. Les coordonnateurs SPS ont vocation à être les chefs d’orchestre de cette réflexion.
Quelle est à vos yeux la priorité dans la perspective de la reprise d’activité ?
Plutôt que de redémarrer à 10 % sur la totalité des chantiers, de partir en tous sens, mieux vaut concentrer notre énergie en faveur des travaux prioritaires. C’est par exemple le cas de l’intervention urgente d’un artisan pour rétablir l’électricité chez un couple de personnes âgées, dans les hôpitaux ou dans les Ehpad. Mais dans de trop nombreux cas, la règle de distance physique d’un mètre ne pourra être observée : une illustration de la différence entre le prescrit et le réel, le terrain, en matière de prévention. Or, qui pourra se procurer des masques, quand il en manque encore pour les soignants, à part les grandes entreprises pourvues de services achat ? Ce sont pourtant les artisans qui en auront le plus besoin : il faudrait trouver une solution pour qu’ils en obtiennent en priorité. Les artisans, qui n’auront sans doute pas tous le temps d’analyser le guide, auront là aussi besoin d’être épaulés pour l’organisation de leurs chantiers, ce dont se chargera notamment l’OPPBTP.
D’ici quinze jours ou trois semaines, ce qui laisse un peu de temps pour réfléchir et s’organiser, si on observe une baisse significative du nombre de cas de contamination, on pourra peut-être voir certains chantiers rouvrir. Mais la reprise devrait rester limitée à cause de la règle de distance sociale, très difficile à appliquer.
Quels enseignements tirera le secteur de cet épisode d’épidémie ?
Il aura malheureusement fallu cette crise sanitaire pour se rendre compte, même si certains employeurs sont bien sûr exemplaires sur ce plan, que l’accès à l’eau et au savon est indispensable ! La culture sur les chantiers va évoluer, mais il ne faudrait pas en oublier les autres risques, telles les chutes de hauteur. La lutte contre l’épidémie de Covid-19 est une préoccupation qui s’ajoute, mais ne se substitue pas aux autres.