Copropriétés à rénover : la massification n'aura pas lieu

Logement -

Des freins financiers et juridiques restent à lever pour changer d'échelle et générer ainsi de plus grandes économies d'énergie.

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Un immeuble résidentiel en cours de rénovation.
Un immeuble résidentiel en cours de rénovation.

L'augmentation des tarifs réglementés limitée à 15 % en janvier pour le gaz et en février pour l'électricité va-t-elle stimuler la rénovation énergétique en copropriété ? « Le sujet du moment, c'est de payer les factures énergétiques, pas de voter les travaux des parties communes, des façades ou des menuiseries. Nous reparlerons de ce sujet après l'hiver », promet Gilles Frémont, président de l'Association nationale des gestionnaires de copropriété (ANGC). Logique, la France des copropriétés fait face à « un risque d'une multiplication des défauts de paiement » pouvant entraîner « l'abandon des projets de travaux, tout particulièrement en matière de rénovation énergétique », avait alerté la sénatrice (LR) Dominique Estrosi-Sassone en novembre, dans un avis rendu au nom de la commission des affaires économiques du Sénat.

Son inquiétude portait essentiellement sur les copropriétaires de logements collectifs chauffés au gaz, pris en étau entre les rattrapages de charges des années 2021 et 2022 et les appels de charges pour 2023. En outre, la trésorerie des syndics est asséchée par « le délai de cinq à six mois, à compter du jour du paiement de la facture énergétique, pour toucher la compensation plafonnée du bouclier tarifaire », note Gilles Frémont. Ce qui explique un retard dans le paiement des charges, en décembre 2022, de la part de 40 % des syndics, selon la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). Ils étaient 33 % quatre mois plus tôt.

Frémissement. Il y a pourtant un frémissement sur le front de la rénovation globale en copropriété. « Nous pourrions dépasser les 20 000 logements à rénover en 2023, sur la base des travaux votés en assemblée générale (AG) en 2022 », anticipe Sébastien Catté-Wagner, responsable de la cellule copropriétés de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Une goutte d'eau comparée aux quelque 5 millions de passoires thermiques regroupées dans les copropriétés de France. En 2021, 204 copropriétés avaient voté les travaux et déposé un dossier de demande d'aides pour un total de 12 000 logements à rénover en 2022. Avec, comme objectif, une baisse d'au moins 35 % des consommations énergétiques.

Les lignes bougent également du côté de la Caisse d'épargne Ile-de-France (CEIDF), principale banque spécialisée dans le financement de la rénovation des copropriétés à l'échelle nationale. « Nous sommes passés d'une cinquantaine de projets soutenus en 2021 via un éco-prêt à taux zéro (PTZ) copropriété à 220 en 2022, se félicite Christophe Berfini, directeur des activités syndics et administrateurs de biens de la CEIDF. Ces 220 contrats de prêts collectifs ont été votés en AG fin 2022 ou sont à voter en 2023. Il s'écoule environ six mois entre le vote des travaux et le lancement du chantier. »

S'il faut compter quatre ans en moyenne entre le vote du diagnostic énergétique et le démarrage des travaux, le carnet de commandes des entreprises pourrait bientôt se remplir. En Ile-de-France, première région bénéficiaire du dispositif spécialisé MaPrimeRénov' Copropriété (lancé en 2021), en complément des aides locales et des certificats d'économies d'énergie (CEE), le nombre de copropriétés en chauffage collectif (gaz, fioul, électricité) sollicitant un accompagnement de l'Anah a augmenté de 17 % entre 2021 et 2022. Trois facteurs expliquent cette soif de rénovation : « l'engouement post- Covid pour la réhabilitation et le confort ; la crise énergétique, car rénover permet à terme d'éviter une forte hausse des factures énergétiques ; et la valeur verte de plus en plus prégnante chez les bailleurs, moins réfractaires à l'idée de lancer des travaux », liste Sébastien Catté-Wagner. Les propriétaires non occupants, autrefois peu enclins à investir dans des projets collectifs, « reviennent en AG pour leur intérêt personnel, militent pour remplacer les fenêtres, le système de chauffage », confirme Gilles Frémont, de l'ANGC. Les interdictions de hausses de loyer et de mises en location de leurs biens contenues dans la loi Climat et résilience de 2021 les stimulent sans doute…

Etalement sur dix ans. La chasse aux passoires est déclarée, mais le rehaussement des plafonds de MaPrimeRénov' Copropriété de 15 000 à 25 000 euros au 1er février et le doublement du déficit foncier (à 21 400 euros entre 2023 et 2025) si les travaux visent à atteindre au moins l'étiquette D ne suffiront pas à lever le frein financier, selon les observateurs. « Ce n'est pas parce que le gouvernement a décrété qu'il fallait s'engager dans des travaux globaux que nous allons les réaliser, insiste Gilles Frémont. Dans la vraie vie, le manque d'argent oblige les copropriétés à étaler les travaux, par tranches, sur dix ans. » Par exemple, en démarrant par la toiture avant de lever le pied pendant deux ans, puis d'investir dans la chaudière et de marquer une nouvelle pause, etc.

La conjoncture n'aide pas : inflation annuelle de 5,9 %, remontée des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) à plus de 2 %… « Qu'ils soient jeunes et déjà endettés, ou retraités sans crédit immobilier, très peu de copropriétaires peuvent emprunter pour investir dans la rénovation énergétique de leur immeuble. In fine, rares sont ceux disposant de la totalité du montant de leur quote-part de travaux », résume Xavier Saubestre, président du groupe Odealim, spécialisé dans le courtage en assurance et financement de la construction et de l'immobilier. D'où la nécessité d'encourager les banques, dont les offres seraient complémentaires des aides publiques, nationales et locales. « Trop d'établissements bancaires rechignent à financer la rénovation en copropriété », a déclaré le ministre du Logement Olivier Klein au congrès de la Fnaim en décembre dernier. Une réunion avec les principaux acteurs est prévue d'ici début février pour les inciter à distribuer l'éco-PTZ copropriété.

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Un marché des prêts collectifs à structurer. Les syndics sont dubitatifs. « Les banques sont absentes car l'octroi de prêts collectifs n'est pas lucratif, estime Gilles Frémont, de l'ANGC. De plus, elles ne peuvent pas vérifier la solvabilité et l'historique des clients, doivent se contenter d'attestations déclaratives des copropriétaires… Si elles se positionnaient, le marché se structurerait, des sociétés de courtage spécialisées dans le prêt collectif nous déchargeraient de la paperasse et les projets avanceraient vite. » Pour les rassurer, « une garantie par l'Etat sur chaque opération de rénovation énergétique en copropriété » pourrait être mise en place, imagine Géraud Delvolvé, délégué général de l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis).

Les courtiers, eux, sont confiants. « Nous frappons aux portes des établissements bancaires qui seraient intéressés par ce marché, confie Xavier Saubestre. Deux ou trois acteurs sont en mesure de proposer une offre nationale. » Objectif : diminuer le reste à charge, de plusieurs milliers, voire de plusieurs dizaines de milliers d'euros. Faute de mesurer avec précision cette donnée clé, l'Anah communique sur le montant moyen de sa subvention : 4 811 euros, auxquels s'ajoute une prime de 750 euros (elle sera de 1 500 euros à partir du 1er février) pour les foyers modestes et de 1 500 euros (portée à 3 000 euros) pour les très modestes. Ces aides, versées à la fin des travaux, semblent toutefois dérisoires comparées à la quote-part moyenne comprise entre 25 000 à 30 000 euros, selon le bureau d'études et d'ingénierie financière Copropriétés & Diagnostic. Celle-ci tournait autour de 20 000 euros avant la vague inflationniste, selon l'Unis.

En Ile-de-France, le nombre de copropriétés en chauffage collectif (majoritairement au fioul et au gaz, électricité) sollicitant un soutien de l'Anah a augmenté de 17 % de 2021 à 2022. Les aides MaPrimeRénov' copropriétés passeront de 15 000 à 25 000 euros maximum par copropriétaire le 1er février.

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