Convaincu que le "modèle économique du ZAN reste à définir", le Sénat recommande une révision de la fiscalité locale

Dans le cadre du contrôle budgétaire du Sénat, Jean-Baptiste Blanc a présenté, mercredi 29 juin 2022, son rapport intitulé "Zéro artificialisation nette : un modèle économique à définir sans délai", qui pose les bases d’une future proposition de loi présentée à l’automne sur le sujet et d’amendements au prochain PLF. Il propose notamment de revoir la fiscalité locale sous l’angle de la lutte contre l’artificialisation tout comme les aides à la pierre, les dotations ou les crédits distribués par l’État. Il recommande également de pérenniser et d’élargir le fonds friches.

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ZAN : le Sénat plaide pour une révision de la fiscalité locale

"Nous nous retrouvons à faire le travail du gouvernement, à sauver les meubles". Le sénateur Jean-Baptiste Blanc (LR, Vaucluse) ne mâche pas ses mots, mercredi 29 juin 2022, à l'occasion de la présentation de son rapport "Zéro artificialisation nette : un modèle économique à définir sans délai", réalisé dans le cadre de son travail de contrôle budgétaire. Tout comme le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR, Meurthe-et-Moselle), et la présidente de la commission des Affaires économiques, Sophie Primas (LR, Yvelines). Pour eux, "les moyens permettant de mettre en œuvre ces objectifs [de ZAN] n’ont pas été définis, ni par la loi Climat et résilience, ni par la loi de finances pour 2022" et n’ont fait l’objet d’aucune annonce de la part du gouvernement depuis.

Selon un sondage réalisé par la Chambre haute et dont seuls les premiers résultats sont connus, sur les 1 200 élus locaux ayant répondu, 79 % d’entre eux estiment qu’il n’existe pas de modèle économique du ZAN. Dès lors, les sénateurs entendent travailler cet été pour aboutir à l’automne à une proposition de loi "de recentrage" offrant une méthode financière et un accompagnement en ingénierie des collectivités à intégrer dans le prochain projet de loi de finances. Le rapport présenté par Jean-Baptiste Blanc pose les bases de cette réflexion.

Mettre la fiscalité en accord avec le ZAN

Celui-ci recommande tout d’abord une révision de la fiscalité locale aujourd’hui jugée "artificialisante". La commission des Finances du Sénat a ainsi demandé au Conseil des prélèvements obligatoires (rattachée à la Cour des comptes) "de réaliser une étude sur la prise en compte, par la fiscalité locale, de l’objectif de zéro artificialisation nette". Parmi les taxes qui pourraient inclure "une composante 'lutte contre l’artificialisation'" : la taxe d’aménagement, la taxe sur les surfaces commerciales, les taxes foncières, les droits de mutation…, cite le rapporteur spécial du budget pour le logement et la ville. Celui-ci estime à 230 milliards d’euros les sommes collectées au titre de la fiscalité locale, dont les 2/3 reposant sur le foncier.

De même, dès 2023, les aides à la pierre pour la construction de logements sociaux portés par le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) "devraient favoriser les projets économes en foncier", estime ce dernier.

Mais "à l’intérieur de ce principe général, des aides resteront nécessaires pour poursuivre des objectifs de politique publique tels que la politique de logement social et intermédiaire ou certains projets de développement", précise le sénateur Blanc. Qui, selon la même logique, propose également de "prévoir un indicateur de performance consacré à l’utilisation des crédits de l’État en faveur de l’objectif ZAN".

Renforcer les dotations des EPF

Outre ces questions fiscales, il propose, pour favoriser l’accès à l’ingénierie, de créer un "guichet unique pour les collectivités et les particuliers en regroupant tous les moyens de l’État" chargés de la lutte contre l’artificialisation. Créé sous la forme d’une agence, ce "guichet unique", comme l’Anah, pourrait "apporter une vision et des financements de long terme comme l’Anru, avoir une mission prioritaire de service auprès des territoires comme l’ANCT et porter une capacité d’ingénierie comme les anciennes directions départementales de l’État". Tout en se plaçant dans le cadre contractuel entre l’État et les collectivités, "comme c’est le cas pour SRU", pour mieux tenir compte des dynamiques locales, explique Jean-Baptiste Blanc. Le budget nécessaire pour cette agence est évalué par le Sénat à 1 Md€, notamment issu de la vente de quotas carbone (sur le modèle de l’Anah).

Cette agence serait accompagnée d’un "comité d’observation et de prospective" associant "des élus à des juristes, des géographes et des sociologues, des professionnels des métiers de l’aménagement et des citoyens formés aux enjeux de la sobriété foncière et du développement local" et tenant lieu de "tiers observateur et de conseil" afin "de sortir de la réflexion en silo" et de "'challenger' les administrations" en charge du sujet. Jean-Baptiste Blanc voit déjà "deux ou trois sujets à lui soumettre" tels que l’évolution des dotations de l’État : la DGF étant basée sur la population, elle "ne correspond plus ou pas à l’objectif ZAN", précise-t-il. De même que la DETR ou la DSIL. "Il faut peut-être introduire une forme de bonus ou de malus" en la matière, selon le sénateur.

Enfin, alors que le gouvernement a annoncé il y a plusieurs mois sa volonté de pérenniser le fonds friches lancé dans le cadre de France relance, Jean-Baptiste Blanc, lui, propose d’étendre son périmètre à l’ensemble des projets poursuivant l’objectif de sobriété foncière "et pas seulement aux friches industrielles" : dents creuses, "remise sur le marché de l’habitat vacant là où une demande existe"… Celui-ci "devrait être doté de ressources suffisantes" "assurée[s] par une dotation budgétaire sur le programme 135 et non, comme actuellement, sur les crédits temporaires du plan de relance", précise le sénateur.

Selon la même logique, la dotation budgétaire des EPF, qui compense la baisse des ressources issues des taxes spéciales sur l’équipement depuis 2021, "doit être pérennisée et renforcée afin que les EPF soient les bras armés d’une véritable politique de maîtrise publique du foncier".

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