« Il faut que les pouvoirs publics, quels qu’ils soient, comprennent bien que dans six mois, ils devront gérer une crise du logement, puisque nous mettrons en chantier les logements dont le permis de construire a été accordé en 2018 ».
Cette année-là, les autorisations étaient passées sous la barre symbolique des 400 000 PC octroyés. La présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH) Emmanuelle Cosse n’y va pas par quatre chemins ce lundi 10 janvier pour dénoncer le manque de volonté politique en matière de construction de logements et prévenir les candidats à l’élection présidentielle.
Selon le décompte de l’USH, en 2021, 92 715 agréments - c'est-à-dire, le nombre d'autorisations de créer des logements sociaux - ont été accordés. Le gouvernement aurait donné jusqu’au 14 janvier pour comptabiliser les agréments de 2021, ce qui fait dire à l’USH que l’année devrait terminer autour de 95 000 voire 96 000 autorisations à construire. C'est mieux qu'en 2019, puisque 87 500 agréments avaient été enregistrés. Mais c'est insuffisant pour respecter le protocole d'accord signé entre le mouvement HLM (à l'exception de la fédérations des OPH), Action Logement, la Caisse des Dépôts, et le gouvernement.
Pas d'inversion de la tendance
Ces mauvais résultats éloignent les acteurs de l’objectif fixé par la ministre du Logement Emmanuelle Wargon visant à autoriser la construction de 250 000 HLM entre 2021 et 2022. « Nous n’arriverons pas à inverser la tendance uniquement avec la bonne volonté des organismes HLM, a poursuivi Emmanuelle Cosse. Nous avons besoin d’une plus grande mobilisation du Premier ministre et du président de la République. »
L'ancienne ministre du Logement a rappelé les freins à la construction, toujours les mêmes : l’accès au foncier trop cher, l’instruction des permis de construire trop lente, les maires pas assez mobilisés sur la construction de logements sociaux et de toute façon peu enclins à octroyer des autorisations à construire, ou cherchant à "dédenfisier" les programmes… Et a enjoint le gouvernement actuel « à rester mobilisé jusqu’au dernier jour de la mandature ».
La crise qui vient… déjà d’actualité dans certains territoires
Cette crise du logement qui vient, certains la vivent déjà dans leur quotidien. Un phénomène observé par l’USH qui s’inquiète de l’augmentation de la demande de logements sociaux dans les villes jugées moins tendues. La crise sanitaire et les confinements successifs ont eu pour conséquence de mettre les Français face à la réalité de leur logement (et souvent, face à ses défauts). Avec l’avènement du télétravail, de nombreux ménages ont accepté de s’éloigner des centres urbains jugés trop denses, pour améliorer leur cadre de vie en bénéficiant de plus d’espace, et d’un accès facilité à la nature.
Bien qu’un exode urbain massif n’ait pas été observé pour le moment, les professionnels, comme les agents immobiliers et les notaires, parlent plutôt de « saut de puce ». Et tous observent de fortes tensions sur les prix. Selon les Notaires de France, le prix des appartements anciens a progressé de 5,2% en France, et de 7,5% en Province. Certains territoires ont même enregistré des progressions à deux chiffres, comme Reims (10,2%) ou Orléans (10,4%) et d’autres collectivités locales voient les augmentations talonner les 10 points, à l’exemple de Saint-Etienne et Rennes (9,8%).
Ces hausses de prix sur le marché de l’acquisition perturbent le marché de la location (mise en vente, révision des loyers à la relocation etc.). « Des organismes nous signalent l’apparition dans les listes d’attente d’un public éligible au logement social, mais qui n’en faisait jusqu’à présent pas la demande, trouvant à se loger dans le parc privé, relaie Emmanuelle Cosse. Il s’agit par exemple d’ouvriers agricoles ou d’employés. » Le Pays Basques et le Sud de la Bretagne étaient déjà sous tension. D’autres territoires connaissent à présent ce phénomène, comme l’arrière-pays normand ou la Mayenne. « A Laval par exemple, un organisme signalait ne plus disposer d’aucun logement libre », poursuit l’ancienne ministre du Logement.
Objectif présidentiel
Puisque le logement ne semble pas passionner les candidats à l’élection présidentielle, les fédérations professionnelles se chargent de les mettre face à leurs responsabilités en les invitant à faire connaître leurs propositions pour le secteur. L'USH, la Fondation Abbé-Pierre et de la Fédération française du bâtiment organiseront le 9 mars prochain un événement dédié.
L’occasion pour les candidats à l’élection de prendre connaissance des propositions formulées par les professionnels. « Et de répondre à nos grands enjeux communs, ajoute Emmanuelle Cosse. Après le mouvement des gilets jaunes, ils ne peuvent pas faire l’impasse sur les enjeux d’aménagement du territoire, le maintien des services publics dans les quartiers… »