Concurrence : la condamnation de l'Ordre des architectes confirmée en appel

La cour d'appel de Paris recalcule le montant de l'amende infligée en 2019 par l'Autorité de la concurrence à l'Ordre des architectes pour des pratiques anticoncurrentielles... Et aboutit au même montant, soit 1,5 million d'euros. L'affaire est maintenant portée devant la Cour de cassation.

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Palais de justice de Paris

Fausse joie : l'arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 15 octobre, au terme de ses 51 pages, annule la sanction pécuniaire de 1,5 M€ dont l’Ordre des architectes a écopé fin 2019... pour aussitôt prononcer une sanction du même montant. Les juges ont en effet estimé que la décision de l’Autorité de la concurrence (ADLC) n’établissait pas suffisamment la proportionnalité de l’amende fixée. Mais l’appréciation réalisée par la cour aboutit au même résultat.

Calcul d'honoraires et barême

Petit retour sur “l’affaire”. Le 30 septembre 2019, l’ADLC rendait une décision retentissante, épinglant les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par l’Ordre des architectes, une association d’architectes et quatre architectes, dans le domaine des marchés publics de maîtrise d’oeuvre.

Plus précisément, leur était reprochée la diffusion, via plusieurs conseils régionaux (Croa), d’une méthode de calcul d’honoraires obligatoire, élaborée à partir du barème du guide de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (Miqcp). Cela s’accompagnait d'une «police des prix», de mesures de rétorsion envers ceux qui s’éloignaient de la consigne, et de pressions sur des maîtres d'ouvrage publics afin de les dissuader de contracter avec des architectes proposant des taux d'honoraires considérés comme «trop faibles»...

La diffusion d’un modèle de saisine de la chambre de discipline invitant les conseils régionaux à agir à l’encontre des architectes “dissidents” afin de leur faire respecter la méthode de calcul des honoraires a également été jugée anticoncurrentielle. C’est ainsi que l’Ordre des architectes a écopé d’une amende d’1,5 million d’euros.

"Décision totalement à charge", pour l'Ordre

Une décision qui, selon un communiqué de l’Unsfa à l’époque, jetait “l’opprobre sur toute la profession et la valeur du travail de la maîtrise d’œuvre qui ne devrait en aucun cas être sous-estimé, au risque de voir baisser la qualité de production du bâti dans notre pays”. L'Ordre avait aussitôt fait appel, contestant “la teneur de la décision totalement à charge et les arguments qui la fondent”.

De nombreux moyens étaient soulevés devant la cour d’appel de Paris, qui répond méthodiquement. Tout d’abord, concernant l’imputabilité des pratiques à l’Ordre et non aux Cnoa et Croa, les juges approuvent le choix fait par l’ADLC, qui a “retenu la seule responsabilité de l’Ordre en raison de la dimension nationale des pratiques et du fait que ces dernières ont été mises en œuvre par le Cnoa et les Croa, qui sont des composantes de l’Ordre”.

Tous les autres moyens, tenant à l’existence des pratiques, leur qualification et leur durée sont également écartés. C’est sur la détermination du montant de la sanction que les positions de l’Autorité et de la cour divergent... Mais seulement sur la méthode adoptée.

Proportionnalité aux capacités, à la gravité, au dommage

La cour d’appel de Paris estime en effet que l'ADLC “s’est limitée à rappeler la nécessité de prononcer une sanction ayant un effet dissuasif et à relever que l’Ordre aura la possibilité de faire face à la sanction prononcée […] en faisant appel le cas échéant à ses membres, sans aucune appréciation concrète”. Elle annule donc la décision sur ce point.

Reprenant le raisonnement, elle estime à son tour qu’une amende s’élevant à 1,5 million d’euros est proportionnée, par rapport aux capacités contributives de l’Ordre tout d’abord. Ses ressources au titre des cotisations versées par les quatre Croa incriminés et le Cnoa s’élèvent en effet à 8,721 M€ (chiffre de l’année 2016), pour un Ordre qui compte environ 30 000 membres.

La cour considère aussi que la sanction est proportionnée à la “particulière gravité” des pratiques, notamment parce qu’elles “ont affecté des collectivités territoriales engageant des deniers publics”, dans “un contexte budgétaire marqué par une forte dégradation”.

Enfin, elle tranche le débat sur l’évaluation du dommage causé à l’économie. Contrairement à l’argumentation développée par l’Ordre, la cour juge que les pratiques ne concernaient pas que les marchés à procédure adaptée (Mapa) mais l’ensemble des marchés publics de maîtrise d’oeuvre, représentant un chiffre d’affaires impacté estimé à 220 M€ à l’échelle régionale, et à 945 M€ à l’échelle nationale sur la durée de l’infraction. Elle relève aussi que “le surcoût imposé aux maîtres d’ouvrage du fait du barême imposé a pu être globalement important”. Pour la cour, le montant de l’amende est donc bien proportionné à l’importance du dommage à l’économie. 

Retour donc à la case départ pour l’Ordre. Mais tout n'est pas fini, la Cour de cassation a été saisie d'un pourvoi...

CA Paris, 15 octobre 2020, n° 19/18632

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