Ententes et abus
Une entente suspectée dans le secteur de l'assainissement et du démantèlement nucléaire. Le 23 juin 2022, dix griefs d'entente anticoncurrentielle ont été notifiés par l'Autorité de la concurrence à six entreprises dans le secteur de l'assainissement et du démantèlement nucléaire. Les infractions poursuivies concernent des pratiques d'échanges d'informations, d'offres de couverture et de répartition de lots dans le cadre de la passation de marchés publics. L'ouverture de cette procédure fait suite à des visites et saisies diligentées en 2019.
A ce stade, l'Autorité ne fait aucun autre commentaire, ni sur l'identité des entreprises concernées, ni sur les pratiques visées.
Communiqué de presse de l'Autorité de la concurrence du 11 juillet 2022
Plus de 200 M€ de sanctions pour une entente sur appel d'offres en Espagne. Le 5 juillet 2022, l'autorité espagnole de concurrence a sanctionné six entreprises de construction pour un montant total de 203,6 millions d'euros pour s'être entendues, pendant plus de vingt-cinq ans, sur des appels d'offres publics pour la construction d'infrastructures (hôpitaux, ports, aéroports, infrastructures routières).
En l'occurrence, les entreprises auraient financé en commun les études techniques et mis en place une organisation pour la réponse aux appels d'offres incluant l'échange d'intentions de participation aux appels d'offres, les conditions d'utilisation des études en cause, de constitution de groupement, etc.
Des recours ont été introduits. Dans l'attente de leur aboutissement, la cour d'appel a accepté de suspendre, pour plusieurs entreprises, l'obligation de paiement des amendes et la procédure d'interdiction de participation aux appels d'offres introduite dans le prolongement de cette décision.
Décision de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia, 5 juillet 2022, S/0021/20 (en espagnol)
Concentrations
Autorisation sous conditions de l'acquisition d'Equans par Bouygues. La Commission européenne et l'autorité britannique de la concurrence ont autorisé, sous conditions, l'acquisition d'Equans, filiale d'Engie, par Bouygues.
Ce projet conduisait notamment à un chevauchement significatif d'activités dans la fourniture de caténaires en Belgique - et donc à un risque de réduction sensible de la concurrence. Bouygues a dû s'engager à céder Colas Rail Belgium afin de supprimer le chevauchement sur ce marché.
Au Royaume-Uni, l'engagement consiste dans le retrait d'une des deux offres déposées par l'acquéreur et la cible dans un important appel d'offres en cours concernant la fourniture de caténaires de voies rapides pour la ligne HS2. Et ce, sur la base du rapport d'un mandataire indépendant désigné afin de déterminer l'offre la plus avantageuse pour l'entité adjudicatrice, qui devra être maintenue.
Décision de la Commission européenne, case M.10575,
Bouygues/ Equans, du 19 juillet 2022 ; et décision de la Competition and Markets Authority du 6 octobre 2022, ME/6987-22 (en anglais)
Nouvel abandon d'opération dans le secteur des panneaux. Notre précédente chronique se faisait l'écho de l'abandon de l'opération d'acquisition de Trimo, fabricant slovène de panneaux sandwichs en fibres minérales, par l'irlandais Kingspan, l'un des principaux fournisseurs de panneaux isolants en Europe, à la suite de l'ouverture d'une phase 2 par la Commission européenne dans le cadre du contrôle des concentrations ; et de l'existence d'une seconde opération dans le même secteur, qui venait elle-même de donner lieu à l'ouverture d'une phase 2.
Toute communication avec son avocat en vue d'obtenir un conseil juridique est désormais protégée par le secret professionnel.
Cette seconde opération (Kronos pan/Pfleiderer) vient elle-même d'être suspendue. L'abandon fait suite aux conclusions de l'enquête approfondie de la Commission et au fait que Kronospan n'a pas présenté d'engagements jugés adéquats par Bruxelles. L'autrichien Kronospan et son concurrent polonais Pfleiderer comptent parmi les plus importants fournisseurs de panneaux à base de bois en Europe.
Déclaration de la Commission européenne, case M.10325 -Kronospan/Pfleiderer, du 30 novembre 2022.
Enquêtes
Le secret professionnel de l'avocat plus largement défini. Fin 2022, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu un arrêt qui étend la définition du secret professionnel de l'avocat pour couvrir toute communication entre un justiciable et son conseil extérieur dans le but d'obtenir un conseil juridique. Pour s'opposer à la transmission aux autorités d'une telle communication, il n'est donc plus nécessaire de démontrer qu'elle est échangée dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client.
Si cet arrêt est rendu dans le cadre de l'application de la directive DAC 6 en matière fiscale, il aura à notre sens également des implications en matière d'enquêtes de concurrence, dans lesquelles le secret professionnel couvrait d'ores et déjà le conseil juridique mais uniquement à supposer qu'un risque en termes de droits de la défense puisse être mis en avant. Cette exigence n'apparaît plus désormais s'imposer et justifiera un respect encore plus strict du secret professionnel dans les enquêtes de Bruxelles comme dans celles des autorités françaises.
Aides d'Etat
Adoption définitive du règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur. Le Conseil a adopté définitivement le règlement européen visant à remédier aux distorsions créées par les subventions accordées par des pays tiers à des entreprises opérant sur le marché intérieur de l'UE. Il s'agit d'éviter que les entreprises européennes ne soient doublement pénalisées par l'existence d'un contrôle limitant les aides qu'elles peuvent recevoir tandis que leurs concurrents établis à l'extérieur de l'UE peuvent en recevoir sans faire l'objet d'un contrôle comparable. Le règlement, qui sera applicable à partir du 12 juillet 2023, crée trois nouveaux outils :
- tout d'abord, une autorisation préalable des concentrations pour lesquelles une des parties réalise au moins 500 M€ de chiffre d'affaires dans l'UE lorsqu'il survient une contribution financière étrangère d'au moins 50 M€ ;
- ensuite, une autorisation préalable pour les offres dans le cadre des procédures de passation de marchés publics lorsque la valeur du marché est supérieure à 250 M€ et que l'opérateur a bénéficié de contributions financières supérieures à 4 M€ au cours des trois années précédentes, avec des seuils abaissés en cas d'allotissement ;
- et enfin, un outil d'enquête générale permettant de se saisir de toute subvention étrangère octroyée jusqu'à cinq ans avant l'entrée en vigueur du règlement.
du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur
A suivre…
Révision du règlement de procédure européen n° 1/2003. Le 30 juin 2022, la Commission européenne a lancé une consultation publique afin d'évaluer l'efficacité des règlements définissant les procédures d'application des règles de concurrence de l'UE. Elle publiera la synthèse des contributions reçues. Il s'agit de la première étape de la révision de ces règles.
Après vingt ans d'application, le besoin de faire évoluer le cadre applicable aux enquêtes pour mieux intégrer les moyens de recherche actuellement disponibles et l'évolution des pratiques (utilisation par les membres de l'entreprise de leurs propres outils de communication, télétravail, etc. ) a notamment été évoqué comme l'un des chantiers de la révision. L'ambition est de parvenir à un texte finalisé au second semestre 2024.
Communiqué de presse de la Commission européenne du 30 juin 2022