Expression mégalomaniaque de la volonté de puissance pour certains, les tours apparaissent dans l’architecture du XIXe siècle (à Chicago et New-York) comme le fruit de la rencontre entre techniques constructives (noyau de béton, ossature métallique), invention de l’ascenseur et banalisation du téléphone. Symboles d’un dynamisme économique décomplexé, elles continuent de faire rêver et la course à la hauteur ne faiblit pas. Ces mastodontes se parent aujourd’hui des plumes du développement durable et revendiquent leur excellence : optimisation des ressources, performance énergétique, faible empreinte écologique… Les tours seraient-elles l’avenir de la construction responsable ? « Ce n’est que du Green Washing ! » objecte l’architecte Françoise-Hélène Jourda – comprendre : du bluff ! – qui pointe leur voracité énergétique, pour leur construction comme leur fonctionnement. Acier, béton et verre incorporent en effet une grande quantité d’énergie pour leur fabrication, sans même parler de la climatisation, de l’éclairage, des pompes d’acheminement de l’eau ou des ascenseurs.
Une réponse aux problèmes de déplacements
« Raisonner sur la seule consommation au mètre carré construit et comparer une tour de bureaux dernière génération à Paris-La Défense (100 kWh/m2.an) avec un bâtiment basse consommation implanté en deuxième couronne, pour conclure que ces tours sont à proscrire est une grossière erreur, proteste Bertrand Julien-Laferrière, directeur exécutif développement chez Unibail-Rodamco. Il faut intégrer la dimension foncière, les ratios d’occupation, l’usage des bâtiments et la problématique des transports ! » A l’heure où la moitié de la population mondiale vit en ville, les tours proposent une réponse aux problèmes de densité et de déplacements. En économisant le foncier – « l’espace n’a pas de prix ! » souligne l’architecte Manuelle Gautrand – elles permettraient de faire face à la pénurie de terrains constructibles, de densifier la ville et d’offrir une meilleure qualité de vie en économisant sur les temps de transport. Opinion partagée par Bertrand Julien-Laferrière pour qui « le développement de tours de bureaux est légitime dans une démarche de réduction des gaz à effet de serre, dès que leur implantation tient compte des transports en commun : c’est la solution la plus efficace ». Loin de tout dogmatisme, des tours en contexte urbain dense, desservies par les transports collectifs, apparaîtraient vertueuses. Et plus encore si on y mêle bureaux, logements, commerces, voire université, médiathèque… pour réaliser cette mixité fonctionnelle que tous appellent de leurs vœux. On le voit, les architectes ont plus d’un(e) tour dans leur sac ! Et après une longue désaffection, la construction de bâtiments de grande hauteur est à nouveau d’actualité. Les projets en cours en attestent.