Comptabilité Entreprises : pensezà provisionner

Les provisions permettent aux entreprises de soustraire une partie de leurs bénéfices à l’impôt. Elles doivent être établies avec l’aide d’un expert, sinon le risque est grand de voir l’administration fiscale les contester.

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«Une vraie tarte à la crème. » C’est ainsi que Vincent Grandil, avocat fiscaliste chez Altexis, qualifie la provision. Tout un programme… et pour cause : la définition même des provisions est pour le moins subjective. Il s’agit en fait de sommes retenues par l’entreprise en vue de faire face à des charges ou des pertes futures qu’elle sait probables et qui trouvent leur origine dans l’exercice en cours. « La possibilité de doter ou non des provisions constitue, avant tout, une décision de gestion, explique Hubert Bresson, avocat fiscaliste associé chez CMS Bureau Francis Lefebvre. Elle revient à l’entreprise, sous contrôle du commissaire aux comptes, de l’administration et du juge des impôts. »

Les provisions sont intéressantes dans la mesure où elles procurent un avantage de trésorerie. « Encore faut-il avoir de la trésorerie disponible !», s’emporte Dominique Fonfrède, dirigeant de Recépieux (prérecépage de pieux, 3 personnes, à Crolles, Isère). «Je passe mon temps à courir après des relances de paiement, ce qui ne me laisse aucune marge de manœuvre, si ce n’est mon salaire. C’est lui qui constitue ma principale provision. »

Travail d’expert. Dans les faits, les chefs d’entreprise laissent à des experts le soin de provisionner, au moment des comptes intermédiaires, s’il y en a, mais plus sûrement à la clôture de l’exercice. « Le comptable passe en revue toutes les provisions, les nouvelles comme les anciennes, et les fait varier afin de refléter au mieux la situation de l’entreprise », explique Vincent Grandil. Il a besoin d’éléments que lui fournira le chef d’entreprise. « Bien souvent, précise Jean-Marc Jaumouillé, directeur des techniques professionnelles de Fiducial, l’expert-comptable doit alerter le client, et attirer son attention sur des éléments à provisionner auxquels il ne pense pas de lui-même. »

Un dossier pour chaqueprovision. Parmi les trois grandes catégories de provisions – réglementées, pour risques et charges et pour dépréciation – ce sont les dernières qui posent le plus de problèmes. « Les contrôleurs fiscaux vérifient surtout les provisions pour dépréciation de créances, et celles pour dépréciation de stocks. Ils sont sûrs de trouver quelque chose là-dedans », affirme Vincent Grandil. Ce que confirme Jean-Marc Jaumouillé : « Les créances douteuses constituent l’une des principales sources de contentieux dans les petites entreprises ; l’administration a tendance à les retoquer facilement. »

Pourquoi une telle certitude ? Si ces provisions pour créances douteuses nourrissent un tel contentieux dans les PME, ce n’est que rarement par volonté délibérée du dirigeant de « truquer » les comptes. « Nous n’avons pas de résultats qui nous permettent de bidouiller », résume Eliane Dias, de l’entreprise Espace Couverture (19 personnes, Précy-sous-Thil, Côte-d’Or). L’origine du mal est ailleurs : d’une part, l’ampleur des provisions tient en partie au « caractère » du dirigeant : le plus pessimiste et frileux d’entre eux aura tendance à beaucoup provisionner, quand le plus téméraire s’en abstiendra. D’autre part, « les provisions se dotent au 31 décembre de l’année, explique Hubert Bresson. Et c’est à cette date que s’apprécie la déductibilité. Or, les vérificateurs peuvent arriver jusqu’à 3 ans après ; ils jugent alors du bien-fondé des provisions avec le recul du temps. » C’est pourquoi Hubert Bresson conseille à toutes les entreprises de « se préserver tous les moyens de preuve à cette date du 31 décembre ». « Pas de provision sans dossier, résume Michel Droumaguet, responsable du service ‘‘Tenue de comptabilité’’ au sein d’un centre de gestion agréé. En général, les dirigeants ont un bon jugement sur leurs clients, mais ils n’ont malheureusement pas formalisé leur dossier. Alors que, lorsqu’ils ont une démarche proactive, on peut, au contraire, valoriser avec eux un pourcentage de casse. »

La société Dimos (matériel de couverture, 80 personnes, Ancenis, Loire-Atlantique) peut se féliciter de sa bonne gestion : alors qu’elle est aujourd’hui en plein contrôle fiscal, son dirigeant, Michel Goubaud, est pour le moins serein : « Nous avons un dossier sur chacune de nos provisions, souligne-t-il. Pour le reste, c’est une question d’appréciation. » Une appréciation qui peut porter tant sur le montant de la provision que sur son existence.

Evaluer les risques. « S’agissant des provisions pour créances douteuses, nous devons évaluer, pour chacune d’elles, le risque pour notre client de ne jamais la recouvrer, explique Michel Droumaguet. Si, sur une créance de 100, j’ai 80 % de chance de ne pas la recouvrer, je dois provisionner 80, et minorer mon bénéfice de cette somme. » Mais beaucoup de chefs d’entreprise rechignent à reconnaître qu’ils ne seront jamais payés. « Nous sommes une entreprise locale, souligne Hugues Le Clainche, dirigeant de l’entreprise éponyme de maçonnerie-couverture, en Eure-et-Loir. J’ai toujours espoir que mes clients, dont je suis assez proche, finiront par payer. » Du côté de chez Arkal Réalisations (aménagement d’espaces, 20 personnes, Sarthe), les choses vont plus vite, comme l’explique le co-gérant Marc Bourmault : « Si au bout de 5 mois et après plusieurs relances, nous ne parvenons pas à recouvrer notre créance, nous la transmettons à notre avocat. Cette année, sur 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, nous avons provisionné 15 000 euros. »

A partir de quand faut-il provisionner sa créance douteuse ? « Il faut être attentif à son environnement, développe Bernard Sallaberry, responsable du crédit client chez Scaff Holding (échafaudage, 600 personnes, Ile-de-France). Plus le client est gros, plus le circuit est compliqué ; on attendra plus longtemps avant de provisionner les créances d’une grosse société que celles d’une petite entreprise, pour laquelle nous n’avons que le dirigeant pour unique interlocuteur. Et ceci avant tout dans un souci de bonne gestion de notre entreprise. » De son côté, Michel Droumaguet choisit de mettre les impayés dans un poste « client douteux » la première année. Et d’attendre l’année d’après pour constituer un dossier et constater la provision. Pour limiter au maximum ces retards de paiement et donc ces provisions pour créances douteuses, ce dernier recommande à ses clients artisans de se faire payer au fur et à mesure de l’avancement des travaux, avec un acompte à la commande. Toutefois, lorsque l’entreprise acquiert la conviction, en cours d’exécution de son chantier, que l’opération se terminera par une perte, elle est tenue de la provisionner ; c’est ce qu’on appelle une provision pour perte à terminaison.

Reprise de provisions. Les provisions, à la différence des amortissements, ne sont que provisoires et ont vocation à être reprises. Pour André Caffin, concessionnaire chez Rivalis et ancien dirigeant d’une entreprise de BTP, « il faut sortir la provision du bilan au terme de la procédure contentieuse, car elle devient irrécouvrable. Il s’agit alors de faire une reprise de provision, et de constater la perte définitive ». A contrario, si la créance devait être payée, il faudrait la réintégrer au résultat imposable.

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