Enjeu majeur en terme d’aménagement des territoires, la prévention des risques naturels fait partie des objectifs généraux du droit de l’urbanisme que les collectivités territoriales doivent atteindre, au même titre que la protection des milieux naturels, les besoins en matière de mobilité, ou encore la lutte contre l’étalement urbain (art. L. 101-2 du Code de l’urbanisme). Pourtant, « quand on observe les pratiques générales d’urbanisation de nos territoires depuis les années 50, il faut reconnaître que nous n’avons pas été particulièrement vertueux. 80 % des permis de construire ont été accordés en zone inondable ces 40 dernières années », constate Johan Lamoussière, urbaniste au Centre européen du risque inondation (Cepri) (*) en introduction d’un webinaire sur ce sujet, organisé par le Club PLUi ce 1er décembre 2021.
Améliorer la connaissance
Si les plans de prévention des risques naturels (PPR) – principal instrument de l’Etat visant à réduire la vulnérabilité des personnes et des biens – ont pu aider à cadrer les choses, « avec la récurrence et la violence des épisodes de précipitations, ces plans ne se suffisent plus à eux-mêmes », ajoute-t-il.
Il est donc nécessaire d’aller plus loin. Et dans un projet d’urbanisme, le préalable, c’est la connaissance du risque inondation : les porter-à-connaissance de l’Etat par exemple ou encore les études existantes réalisées par les syndicats mixtes.
Problème : le contenu de ces documents est de quantité et de qualité variables selon les territoires, estime Johan Lamoussière. Ainsi, « les porter-à-connaissance de la DDT de la Marne font un effort de développement et d’approfondissement des sujets, mais ce n’est pas le cas ailleurs ».
L’urbaniste déplore aussi la tendance à « parfois trop se reposer sur ces documents et cela peut se ressentir dans les documents d’urbanisme. Certains rapports de présentation de PLU ont tendance à constituer des porter-à-connaissance bis, c’est-à-dire des documents qui se contentent d’exposer, de compiler des informations, sans volet analytique poussé ». De la même manière, se contenter d’ « annexer un PPR à un PLU ne signifie pas que l’on a fait le tour du sujet inondation », précise l’urbaniste. L’information existante est importante mais elle ne doit pas être une fin en soi. Certaines collectivités l’ont compris. Ainsi, Nantes et Aix-en-Provence ont réalisé leur propres études où les axes d’écoulement ont été identifiés puis retranscrits dans le règlement du PLU.
Diagnostic de vulnérabilité
Au-delà de cette connaissance fine de l’aléa, il est nécessaire de réaliser un diagnostic de vulnérabilité territorialisé. « Cet état des lieux permettra d’identifier les secteurs les plus exposés, le type d’aléas, les populations qui seraient les plus touchées, etc., et constituera une base pour intégrer le risque dans la planification », ajoute Johan Lamoussière.
Vincent Boudières, responsable de la mission risques à Grenoble Alpes Métropole (Isère), reconnaît lui aussi que « la connaissance des aléas est indispensable mais, seule, elle ne suffit pas pour comprendre la problématique sur un territoire multirisques comme l’est celui de Grenoble ». Il faut donc la compléter – à Grenoble, 30 cartographies multi-aléas ont été réalisées et une fonction de géomaticien a été créée dans le service - pour avoir une connaissance exhaustive des enjeux et de la vulnérabilité du territoire.
Rapprocher les acteurs
Autre frein à la bonne intégration du risque inondation dans les documents de planification : l’absence de relations entre les acteurs de l’eau et ceux de l’urbanisme. Pascale Poupinot, déléguée générale de l’agence d’urbanisme Oise-les-Vallées (Oise) l’affirme : « Les collectivités ont souvent la double compétence eau et urbanisme mais les services sont spécialisés et ont des difficultés à se parler ». Elle regrette même que les acteurs de l’eau (établissements publics territoriaux de bassin par exemple) ne soient pas des personnes publiques associées (PPA) à l’élaboration des documents d’urbanisme ; et encourage les pouvoirs publics à réformer le dispositif à ce sujet.
Et, pour que de cette relation, naisse un vrai projet politique, elle estime nécessaire de mettre l’eau au cœur du projet d’aménagement et de développement durable du PLU/PLUi ou du projet d’aménagement stratégique du Scot ainsi que dans les orientations d'aménagement et de programmation (OAP).