Depuis le 1er juillet, la mise à disposition gratuite des services de l’Etat pour l’instruction des autorisations d’urbanisme a cessé, en vertu de l’. Seules les communes de moins de 10 000 habitants et ne faisant pas partie d’une intercommunalité de plus de 10 000 habitants vont continuer à bénéficier de ce service. Une étude réalisée par l’Association des maires de France (AMF) et l’Assemblée des communautés de France (ADCF) en juin 2014 considère que l’Etat transfère 57 % de son travail dans ce domaine. Ce désengagement est très hétérogène en fonction du territoire et de la taille des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). C’est dans les Pays de la Loire que la tendance est la plus forte : plus de 98 % des autorisations d’urbanisme instruites jusqu’alors par l’Etat le seront désormais par les collectivités. En revanche, cela devrait représenter seulement une diminution de 1,2 % en Lozère en raison du faible poids démographique des communautés. « Certaines communes, notamment les plus grandes agglomérations qui disposent de services étoffés, ont bien anticipé ce changement, mais pour d’autres la transition est plus difficile », admet Philippe Schmit, responsable des questions d’urbanisme à l’ADCF, qui rappelle que, dès la décentralisation, ce service était considéré comme provisoire.
Les communes sont incitées à la mutualisation
Avec la , l’Etat a finalement décidé de pousser les communes à prendre leur destin en main. Outre une volonté de réduire les coûts de fonctionnement pour l’Etat, il s’agit aussi d’inciter toutes les communes, petites ou grandes, urbaines ou rurales, à maîtriser entièrement leur processus en matière d’urbanisme. La a donc élargi les compétences des communes en territoire rural : les maires des collectivités dotées d’une carte communale après la publication de la deviennent automatiquement compétents en matière d’autorisation de droit des sols sans avoir à voter cette compétence en conseil municipal. Sans ce vote, le préfet restait auparavant compétent. Pour les communes dotées d’une carte communale avant la , le maire devient compétent au nom de la commune au 1er janvier 2017 si la compétence n’a pas été transférée avant cette date par le conseil municipal.
PLU intercommunal.
Le but du législateur est aussi d’inciter les communes à mutualiser leurs documents d’urbanisme. La tend à rendre le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) obligatoire à terme. Les communautés d’agglomération et de communes deviendront automatiquement compétentes en matière de PLU, de documents d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale dans un délai expirant le 27 mars 2017 (sauf opposition de 25 % des communes représentant 20 % de la population). Dès lors que les communes sont habituées à travailler ensemble, à mutualiser leurs services, l’Etat n’a plus vocation à intervenir dans l’instruction des autorisations. « Nous devons nous atteler à faire aussi bien que les services de l’Etat dans ce domaine et il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas », estime Marc Fesneau, président de la communauté de communes de Beauce et Forêt.
Postes supplémentaires.
Le retrait de l’Etat n’est cependant pas aussi bien vécu sur tout le territoire. Surtout du côté des petites villes. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) prévoit qu’en principe, les EPCI devront comprendre au minimum 15 000 habitants. Ce qui implique, pour nombre de communes, un nouveau périmètre et une organisation à mettre en place, y compris concernant les autorisations d’urbanisme. En outre, ces changements se produisent dans un contexte de baisse des dotations de l’Etat aux collectivités. Or l’instruction des autorisations nécessite la mise en place d’un ou plusieurs postes supplémentaires. L’AMF estime que le désengagement de l’Etat équivaut à un déplacement sur trois ans de 1 218 équivalents temps plein des directions départementales des territoires (DDT) aux collectivités. Marc Fesneau a fait, lui, le calcul suivant : dans le Loir-et-Cher, 18 agents de l’Etat sont dédiés à cette mission d’ingénierie en matière d’urbanisme, ce qui représente un ratio d’environ 1 agent pour 15 000 habitants. Les 50 communes des trois communautés de communes regroupent 40 744 habitants. Si l’on prend en compte le fait que ces agents de l’Etat suivent un certain nombre de dossiers d’urbanisme lourds qui n’existent pas nécessairement en milieu rural, ces communautés doivent donc recruter deux personnes.
Externalisations et regroupements
Face à cette situation, les collectivités trouvent diverses solutions. Tout d’abord, elles peuvent choisir de recruter des agents pour assurer le service en régie. Mais elles peuvent aussi confier l’instruction à une personne extérieure. Selon l’article R. 423-15 du Code de l’urbanisme, le maire peut confier l’instruction aux services d’une autre commune, à un groupement de collectivités, aux services d’un syndicat mixte, à une agence départementale. La communauté du Val de Vienne a ainsi décidé d’élargir ses missions à l’instruction des documents d’urbanisme. La communauté donne la possibilité aux communes qui le souhaitent de passer une convention avec son service. Cet EPCI a adopté un PLUi en 2010, ce qui permet de simplifier l’instruction car le règlement est commun. Les communautés de communes de la Beauce Ligérienne, Beauce et Forêt, et Grand Chambord regroupant 50 communes ont, elles, choisi de mettre en place une « entente intercommunautaire » qui assure l’instruction des autorisations d’urbanisme. Rappelons que les parcs naturels régionaux peuvent aussi effectuer l’instruction depuis le . Il est également possible de la confier à une agence technique départementale même s’il s’agit d’une option rarement utilisée. Seule interdiction : faire appel à une personne privée.
Le casse-tête du financement
Mais cela ne règle pas le problème du financement de l’instruction car mutualisation ou pas, il faut des agents pour effectuer le travail. Certaines communautés ont donc décidé de faire payer les communes qui font appel à leurs services. C’est le cas du Grand Lyon qui prend en charge l’instruction des autorisations de construire pour le compte des communes membres à la place des services de l’Etat. L’instruction est opérée par le pôle autorisation du droit des sols. Ce service fait des recommandations aux maires qui restent libres de les suivre. Chaque commune signe une convention et paie entre 110 et 550 euros en fonction de l’acte demandé. L’étude de l’AMF et de l’ADCF montre que 74 % des communautés ont choisi de ne pas répercuter le coût des services et celui-ci est le plus souvent absorbé par le budget général de la communauté. Même chose pour la mairie de Colmar (Haut-Rhin) qui instruit les autorisations d’urbanisme pour le compte de la communauté d’agglomération et de trois communautés de communes voisines : le Pays de Brisach, la Vallée de Munster et la Vallée de Kaysersberg. Les 58 communes concernées produisent 1 600 actes d’urbanisme chaque année. Chacune paie la mairie en fonction du nombre d’actes et huit personnes ont été recrutées pour ce service.
Afin de définir le coût de la prestation ainsi que la nature des services rendus, une convention doit être signée entre la commune et le service instructeur. L’ADCF et l’AMF ont élaboré un modèle de convention qu’il est possible de reprendre (1). Celle-ci précise le champ d’application de l’instruction, comme le contrôle de conformité, le contentieux, ou encore des services tels que la veille juridique, la formation des instructeurs locaux, le suivi du pétitionnaire ou la relation à l’Architecte des bâtiments de France. En revanche, la mairie doit rester le guichet unique où le pétitionnaire dépose sa demande. L’installation d’un service mutualisé n’exonère pas de cette obligation. Le respect des délais demeure, bien sûr, un impératif. Reste à voir si cela sera bien le cas dans les mois à venir.