Comment faire sortir rapidement les projets de terre

Aménagement -

De la définition des objectifs à la prévention des contentieux, diverses méthodes permettent de ne pas perdre de temps.

 

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Honoré Puil, adjoint au maire de Rennes, chargé du logement, de l’habitat et des gens du voyage

Une décennie, c'est le temps qu'il a fallu à la métropole bordelaise pour urbaniser les 160 hectares en les dotant de logements et de commerces et créer les espaces verts du secteur des Bassins à flot. A Nice (lire encadré p. 85) , cela fait également dix ans que la Ville et la métropole aménagent la plaine du Var. « Il est normal que ces opérations prennent du temps. Le projet doit mûrir et faire consensus avant de voir le jour », explique Alexandra Cocquière, juriste à l'Institut d'aménagement et d'urbanisme (IAU) d'Ile-de-France. Les raisons de cette lenteur ? Les études préalables et l'enquête publique qui doivent se dérouler une fois le projet programmé. Mais aussi nécessaires qu'elles soient, ces années de procédure font parfois perdre du temps inutilement, coûtent cher et peuvent décrédibiliser la collectivité.

« Nous assistons à un véritable empilement des études et des obligations qui rendent les projets très longs à monter. Il faudrait trouver des solutions pour alléger toutes ces étapes », estime François Rieussec, président de l'Union nationale des aménageurs (Unam, ex-Snal). Sans compter les recours qui rallongent encore les délais. Pour répondre à ces préoccupations, la loi Elan du 23 novembre 2018 a créé de nouveaux outils et renforcé ceux existant afin de simplifier les procédures. Panorama des mesures qui doivent permettre d'accélérer la sortie de terre des opérations.

Anticiper pour maîtriser le foncier

Réserver. Sans foncier, pas de projet d'aménagement. La collectivité doit donc, avant tout, réserver les terrains, notamment lors de l'élaboration des documents de planification.

« Le document d'urbanisme donne une vision claire des projets portés par la collectivité et traduit ses objectifs de façon à ce que tout le monde les comprenne bien et les partage. Cela permet ensuite de gagner du temps », explique Sandrine Klein, urbaniste et dirigeante du bureau d'études Perspectives Urbanisme et Paysage.

Acheter, préempter, exproprier. Une fois le projet traduit dans les documents d'urbanisme, que ce soit par le biais des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) ou le règlement, la collectivité doit maîtriser ce foncier. Parallèlement à l'achat de terrains de gré à gré auprès des propriétaires, la collectivité peut utiliser le droit de préemption, lequel lui offre la faculté de se substituer à l'acheteur en cas de cession du terrain. Quant à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, elle l'autorise à contraindre une personne privée (physique ou morale) à céder son bien moyennant le paiement d'une indemnité. Mais il s'agit d'une procédure coûteuse qui n'est, de surcroît, pas toujours bien perçue par le public.

Faire appel à un établissement public foncier. Le moyen le plus efficace pour une collectivité consiste alors à s'appuyer sur les compétences des établissements publics fonciers (EPF). Il en existe 33 sur tout le territoire et elle peut y adhérer après une délibération en conseil municipal. Concrètement, l'EPF négocie et acquiert le foncier pour le compte de la collectivité. « Nous achetons à sa demande et n'avons pas à juger de l'opportunité du projet », explique-t-on à l'Association nationale des établissements publics fonciers locaux. Autre avantage : l'EPF assure le portage du foncier à un prix raisonnable en attendant que la collectivité soit prête à commencer le projet. Au moment où elle en a besoin, le foncier prévu est alors immédiatement disponible.

Utiliser le bon outil à la bonne échelle

Permis d'aménager. Le succès d'une opération d'aménagement passe également par des outils choisis avec soin. Un projet à l'échelle d'une commune pourra par exemple se concrétiser grâce au permis d'aménager. « Cet outil a fait ses preuves et est appréciable du fait de sa souplesse. Il permet de réaliser des projets dans des délais tout à fait raisonnables », estime Pascale Poirot, directrice de la société d'aménagement Urbanisme contemporain, et ancienne présidente de l'Unam.

L'EPF assure le portage du foncier à un prix raisonnable en attendant que la collectivité commence le projet.

Cette souplesse se caractérise notamment par le fait que les demandes de permis d'aménager « portant sur des projets de tra- vaux, de construction ou d'aménagement donnant lieu à la réalisation d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas » sont exemptées d'enquête publique. Les dossiers font l'objet d'une procédure de participation du public par voie électronique (). Quant au financement des équipements publics nécessaires au projet, comme les écoles ou les voiries, il peut être négocié entre l'aménageur et la collectivité dans le cadre d'un projet urbain partenarial (PUP).

Zone d'aménagement concerté. Pour les projets importants, la zone d'aménagement concerté (ZAC) reste l'outil incontournable. Elle permet aux collectivités d'avoir une réelle discussion avec les acteurs concernés (propriétaires des terrains, promoteurs, public…) sur les éléments du programme, leur financement, et leur donne des pouvoirs importants pour assurer la maîtrise foncière nécessaire. Mais elle reste une procédure longue, avec des étapes indispensables : concertation du public, création, réalisation et clôture. Aussi, la loi Elan permet-elle de raccourcir les délais en simplifiant les procédures : les projets situés dans le périmètre d'une ZAC pourront bénéficier d'une concertation simultanée à celle visant la création de la zone. Et ce, à condition que leurs caractéristiques soient connues lors de cette création. Par ailleurs, les étapes de création et de réalisation de la ZAC peuvent être soumises à participation du public par voie électronique et sont donc dispensées d'enquête publique.

Les circuits financiers de la ZAC sont eux aussi simplifiés. Ainsi, l' autorise les constructeurs à verser directement leur participation aux équipements publics auprès des aménageurs, même si ceux-ci n'ont pas acquis les terrains. Cette mesure présente l'avantage de ne pas faire transiter la participation financière dans les comptes de la collectivité.

Projet partenarial d'aménagement. Pour les opérations complexes et de grande ampleur, la loi Elan a imaginé le projet partenarial d'aménagement (PPA) qui facilite leur création notamment quand elles comportent des programmes de logements dans des territoires tendus. L'Etat et les collectivités concernées deviennent alors partenaires. Le PPA peut donner ensuite naissance à une grande opération d'urbanisme (GOU) pour laquelle différents outils peuvent être mobilisés. C'est le cas du « permis d'innover » qui autorise à déroger aux règles applicables à condition de démontrer que le résultat visé par ces dernières peut être obtenu par d'autres moyens. Quant à la procédure intégrée, elle permet notamment de raccourcir les délais d'adaptation des documents de planification lorsque cela s'avère nécessaire en vue de la réalisation du projet.

Procédure intégrée pour le logement. Cette possibilité existe aussi pour les projets de moindre envergure par le biais de la procédure intégrée pour le logement (PIL). Cette dernière permet de rendre compatibles plusieurs documents d'urbanisme pour les besoins du projet… et de faire l'économie de toute leur révision en adaptant immédiatement la règle d'urbanisme audit projet. « Attention toutefois de bien respecter les règles de procédure, car modifier une partie d'un document d'urbanisme peut créer de l'insécurité juridique », prévient Simon Daboussy, avocat associé chez AdDen Méditerranée. A noter que la PIL doit se situer dans une « unité urbaine » au sens de l'Insee, concerner une opération d'aménagement ou de construction comportant principalement des logements, présenter un caractère d'intérêt général et participer à la mixité sociale dans l'habitat à l'échelle de la commune.

Pour éviter les recours, une concertation doit être organisée le plus en amont possible.

A chaque projet son outil. En somme, « il faut choisir les outils administratifs les plus efficaces pour mener à bien les projets », souligne Denis Courtot, directeur de l'aménagement et du développement de l'établissement public d'aménagement du Mantois Seine Aval (Epamsa). Toutefois, il regrette que les collectivités choisissent bien souvent de ne réaliser que « des petites opérations plus simples, moins risquées financièrement mais qui limitent leur vision stratégique du développement de leur territoire ».

Prévenir les contentieux

Concertation. Enfin, éviter les recours est également crucial pour ne pas perdre de temps. Pour cela, une concertation doit être organisée le plus en amont possible. « Si les élus ont bien défini leur projet, cette étape est facile car ils peuvent le faire accepter plus facilement au public », estime Sandrine Klein. La mauvaise qualité de concertation est souvent l'une des raisons qui fait tomber l'opération devant les tribunaux.

Lutte contre les recours abusifs. Dernier facteur de ralentissement et non des moindres : les recours intentés par des requérants qui ne sont pas véritablement lésés par le projet, mais qui n'ont d'autre objectif que de soutirer de l'argent aux promoteurs ou aménageurs. Pour lutter contre ce phénomène des recours abusifs, la loi Elan a renforcé l'arsenal juridique existant. Parmi les mesures adoptées, retenons celles qui visent les associations : ces dernières ne sont désormais recevables à agir que si le dépôt de leurs statuts en préfecture est antérieur d'au moins un an à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Les transactions financières dans le but d'obtenir un désistement leur sont en outre interdites.

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