Dans le champ des objectifs environnementaux assignés à l'achat public, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) gagne du terrain. En atteste la récente loi Industrie verte qui vise notamment à décarboner ce secteur et consacre un titre à la commande publique. Un mouvement que les collectivités accompagnent. « Dans nos marchés de travaux, nous priorisions auparavant les critères relatifs à l'économie circulaire. Désormais, nous travaillons davantage sur l'impact carbone », témoigne Hervé Fournier, élu délégué à la commande publique durable à la Ville et à la métropole de Nantes (Loire-Atlantique).
Mais l'efficacité des considérations environnementales - critères d'attribution ou conditions d'exécution - définies par les acheteurs reste limitée, estime Nicolas Charrel, avocat associé chez Charrel & Associés : « Aujourd'hui, il s'agit plutôt d'une logique de clauses type un peu vagues, dont les résultats ne sont pas à la hauteur de la performance que l'on pourrait atteindre. » Principale explication : une certaine rigidité dans les règlements de consultation. « La plupart des acheteurs ont l'habitude de proscrire systématiquement les variantes. Or s'interdire celles-ci, c'est s'interdire la performance. » Un constat partagé par la FNTP, qui plaide pour l'autorisation systématique des variantes environnementales. L'idée est que les entreprises puissent proposer des solutions plus efficaces sur le plan de la réduction des émissions de GES que la solution de base décrite par le pouvoir adjudicateur dans son cahier des charges. Une démarche qui nécessite de pouvoir évaluer objectivement les différentes propositions.
La FNTP plaide pour l'autorisation systématique des variantes environnementales
Outils de calcul. Pour ce faire, des outils de calcul de l'impact carbone existent, comme BatiCarbone, développé par la FFB, ou Seve-TP, conçu par Routes de France. A Nantes, les candidats aux contrats de voirie sont évalués sur leur performance en termes d'émission de GES au vu du bilan environnemental de leur offre établi grâce à Seve-TP. « Et à partir de février 2024, nous étendrons son utilisation à tous nos marchés publics de canalisation », indique Hervé Fournier.
Du côté de la FNTP, on espère que ces outils favoriseront à terme le recours aux variantes qui « posent encore des questions aux acheteurs, notamment sur la fiabilité de la solution alternative », reconnaît Julien Guez, son directeur général. Pour lever ces freins, la fédération planche sur un référentiel bas carbone qui devrait être présenté d'ici juin. « Sorte de version littéraire de Seve-TP, il mêlera, pour chaque matériau, données économiques, telles que le prix ou la disponibilité, et caractéristiques environnementales, explique le dirigeant. Nous souhaitons objectiver le choix des acheteurs etleur donner toutes les clés pour arbitrer entre coût et impact carbone. » Pour Hervé Fournier, l'existence de tels référentiels est une condition essentielle pour systématiser les variantes : « Ils sont nécessaires pour mieux documenter chaque solution proposée. » L'élu nantais y voit aussi l'occasion de renforcer les engagements environnementaux du titulaire du marché. Avec, à la clé, l'application de pénalités en cas de manquement.
Contrat de performance. L'acheteur peut aussi choisir d'aller plus loin et transformer les marchés de travaux en véritables contrats de performance. « Dans les marchés globaux de performance énergétique (MGPE) par exemple, il y a des garanties associées aux engagements. Ce ne sont pas des pénalités mais des indemnités qui compensent intégralement le préjudice subi par la personne publique, explique Olivier Ortega, avocat associé chez LexCity. Surtout, la question du critère environnemental ne se pose plus : c'est l'objet même du contrat qui porte sur la performance. La réduction des émissions de GES est de plus en plus visée, comme le démontre le décret d'application relatif au nouveau MGPE à paiement différé, qui a intégré cet aspect à côté de la baisse des consommations d'énergie. » Son confrère Nicolas Charrel abonde : « En marché de travaux, le cahier des charges impose d'emblée une solution de base, qui émane souvent du maître d'œuvre. Alors qu'en MGPE, la distinction entre maître d'œuvre et entrepreneur n'existe pas. Et la procédure commence dès la phase d'avant-projet sommaire, permettant aux candidats de proposer des solutions plus innovantes et performantes. Dans le bâtiment, c'est par cette voie que la certification HQE sera atteinte plus efficacement. »