Certificat d'urbanisme : de l'impact de la prorogation sur le sursis à statuer

Le Conseil d'Etat restreint la possibilité de suspendre l'instruction d'un permis en cas d'évolution du PLU.

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Qu'il soit simplement à caractère informatif ou pré-opérationnel, le certificat d'urbanisme (CU) - même s'il est négatif - a pour intérêt principal de protéger son détenteur, pendant sa durée de validité de dix-huit mois, contre l'évolution défavorable des servitudes d'urbanisme, des servitudes d'utilité publique ou du régime des taxes et participations publiques ( [C. urb.]). Les effets de cet acte créateur de droits seront néanmoins contrariés si, à la date de sa délivrance, est remplie l'une des conditions visées à l'article L. 424-1 du code permettant d'opposer un sursis à statuer à une demande de permis de construire ou de déclaration préalable.

De l'articulation entre certificat d'urbanisme et sursis à statuer…

Aux termes de l'article L. 410-1 précité, le CU doit mentionner si un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. Il doit alors préciser expressément laquelle ou lesquelles des circonstances prévues à l'article L. 424-1 permettraient d'opposer ce sursis à statuer.

Mention du sursis à statuer. A défaut de cette mention, le juge administratif estime que cette omission peut être de nature à constituer un motif d'illégalité du CU, mais elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer concernant le terrain objet dudit CU (, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations de construire qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur PLU en cours d'adoption à la date du CU (, mentionné aux Tables).

Approbation du PLU. Lorsque le PLU est approuvé dans le délai de validité du certificat muet sur le sursis, les dispositions issues de ce nouveau document sont applicables à la demande de permis de construire ou à une déclaration préalable sous réserve qu'à la date d'édiction du CU, un sursis à statuer aurait pu être opposé (, mentionné aux Tables ; CE, 18 décembre 2017, précité).

Ainsi, la protection du détenteur d'un CU contre les changements de la réglementation locale s'efface au profit de la préservation de l'exécution du futur document d'urbanisme si, à la date du certificat, les conditions pour surseoir à statuer étaient remplies. Or, ces conditions sont rarement remplies car, en vertu de l', nonobstant l'intervention du débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durable du PLU, il faut un état d'avancement permettant de préciser la portée exacte des modifications projetées () et le risque de compromission de l'exécution du futur PLU est entendu strictement.

… et entre sursis à statuer et prorogation du certificat d'urbanisme

Au vu du nombre de procédures d'évolution des documents d'urbanisme et de l'accroissement de leur durée, en particulier lorsqu'elles relèvent de la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la question de savoir si un sursis à statuer peut être opposé au moment de la demande de prorogation du CU se pose de manière aiguë. D'autant que ce document peut profiter à un tiers du fait de son caractère réel (, mentionné aux Tables).

Prorogation de droit. Rappelons que le CU peut être prorogé par période d'une année renouvelable (). La demande de prorogation doit être reçue en mairie ou au siège de l'EPCI au moins deux mois avant la date d'expiration du certificat et la prorogation ne prendra effet qu'à partir de cette date ().

Le CU ne sera prorogé que si les prescriptions d'urbanisme applicables au terrain n'ont pas changé à la date à laquelle cette prorogation est susceptible de commencer. Toute autre transformation, comme la perception plus sévère des risques d'inondation à la suite d'une étude hydraulique, n'a pas à être prise en considération (). Si les conditions requises sont réunies, la prorogation est de droit, son refus devant être motivé ().

L'intérêt de la prorogation réside dans la possibilité de conserver le mécanisme de la cristallisation des règles locales d'urbanisme.

L'intérêt de la prorogation réside dans la possibilité de conserver le mécanisme de la cristallisation des règles locales d'urbanisme, d'où la nécessité de connaître l'incidence de l'engagement d'une procédure d'évolution du PLU, voire son approbation sur la cristallisation.

PLU adopté. Une réponse a été apportée par le Conseil d'Etat en 2020 dans le cadre de la procédure d'adoption, de modification ou de révision du document d'urbanisme. Il a considéré que si un nouveau document d'urbanisme s'est substitué à celui qui était en vigueur à la date du certificat, cela justifie par principe le refus de proroger l'acte, « à moins, pour la révision ou la modification de ce plan, qu'elle ne porte que sur une partie du territoire couvert par ce document dans laquelle ne se situe pas le terrain » (, mentionné aux Tables).

PLU en cours. Dans l'hypothèse où le document d'urbanisme n'a pas encore été adopté à la date de la prorogation du certificat, cette dernière est donc de droit. La question se pose alors de savoir si l'autorité compétente pourra régulièrement ajouter la mention du sursis à statuer - qui ne figurait pas dans le certificat initial -, et donc ultérieurement refuser le cas échéant l'autorisation de construire sur le fondement du nouveau PLU.

C'est dans ce sens que la cour administrative d'appel de Lyon a statué début 2021 : la société qui avait sollicité la prorogation de son CU opérationnel n'était pas fondée à reprocher au maire d'avoir refusé de lui délivrer le permis d'aménager au motif des dispositions du PLU nouvellement voté, dès lors qu'à la date de la prorogation, le PLU en cours d'approbation était suffisamment avancé pour opposer un sursis à statuer (). Ainsi, selon les juges lyonnais, « quand bien même l'arrêté prorogeant le certificat d'urbanisme ne faisait pas mention de la possibilité d'opposer un tel sursis à statuer », le maire devait apprécier la demande d'autorisation au regard des dispositions du PLU qui avait été approuvé après la prorogation car, au moment de celle-ci, les conditions pour surseoir à statuer étaient satisfaites. Portée en cassation, l'affaire a toutefois été tranchée en faveur de la société pétitionnaire.

Certificat initial. Le Conseil d'Etat a en effet jugé que la faculté d'opposer un sursis à statuer devait être examinée à la date du certificat initial et non à celle de la prorogation : « En statuant ainsi, alors qu'il lui revenait de rechercher si la possibilité d'opposer un sursis existait dès la date de la délivrance du certificat d'urbanisme, qui avait seulement fait l'objet d'une prorogation, conservant le droit de la personne titulaire de ce certificat à ce que sa demande d'autorisation soit examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date du certificat, la cour a commis une erreur de droit » ().

Confortant cette position à l'occasion d'une affaire récente (, mentionné aux Tables), le rapporteur public, Arnaud Skzryerbak, a estimé dans ses conclusions qu'était sans incidence le fait que le CU avait été prorogé deux fois : c'est à la date de délivrance du certificat initial qu'il faut apprécier si les conditions du sursis à statuer sont respectées.

En résumé, tant que le futur PLU est en cours d'élaboration, de modification ou de révision, la prorogation du CU est de droit et le sursis à statuer ne peut être opposé. Mais si le PLU est adopté, la prorogation sera refusée, sauf si le périmètre de la procédure de modification ou de révision n'a pas du tout affecté la zone dans laquelle se trouve la parcelle.

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