Canicule : quand les chaleurs extrêmes dégradent la productivité du BTP

Particulièrement exposées aux effets de la canicule, les entreprises de construction sont contraintes de revisiter leur organisation de chantier chaque fois que le thermomètre s'emballe. Une adaptation nécessaire, mais qui n'est pas sans conséquences sur leurs performances économiques. 

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Canicule chantier chaleur
« La rentabilité baisse de 20% à chaque fois que nous atteignons des températures extrêmes », estime Isabelle Longchampt, présidente de la Fédération régionale du bâtiment PACA.

Plus il fait chaud, moins on travaille. Le constat n’est pas seulement empirique : l’accumulation des canicules a un impact sur l’économie en général et le BTP en particulier.

« Parmi les travailleurs qui ont des emplois physiques à l’extérieur, donc, grosso modo, dans la construction, on constate de forts déclins de productivité en fonction de la température, affirme Ano Kuhanathan, responsable de la recherche sectorielle chez Allianz Trade, qui a publié une note sur le sujet début juillet, concluant que la France perdait un tiers de point de PIB à chaque vague de chaleur – alors que le gouvernement espérait une hausse du PIB de 0,7 point cette année... Selon les calculs de l’assureur, « une journée de chaleur extrême (supérieure à 32 °C) équivaut à une demi-journée de grève ». A 32°C, la productivité baisserait de 40%, à 38°C, elle chuterait de près de 70%.

Par ailleurs, les malaises, arrêts et accidents du travail augmentent fortement à chaque canicule : « La réduction de la productivité au travail résultant des températures extrêmes est un phénomène bien connu : réduction des horaires de travail, ralentissement dans les tâches, multiplication des erreurs réalisées », confirme une étude, publiée ce mois-ci, par Carbone4, le cabinet de conseil fondé par Jean-Marc Jancovici.

Chantiers arrêtés

Dans le secteur, on modère un peu les propos alarmistes des économistes, sans nier l’ampleur du problème néanmoins : « C’est bien entendu préoccupant, mais le secteur fait face aux variations climatiques depuis toujours », tempère une porte-parole de la Fédération française du bâtiment (FFB).

D’une part, le bâtiment se met en pause en août : la canicule qui a duré du 8 au 17 août n’a donc pas outre mesure affecté le secteur… « Mais les entreprises qui ont des marchés publics travaillent, elles ! Et la canicule de début juillet a touché tout le monde », remarque Isabelle Longchampt, présidente de la Fédération régionale du bâtiment Paca, région qui a été la première à entrer en crise et la dernière à en sortir en juillet comme en août.

Selon la dirigeante de GTI, société de gros œuvre située à Gardanne (Bouches-du-Rhône), « la rentabilité baisse de 20% à chaque fois que nous atteignons des températures extrêmes : il y a beaucoup d’arrêts de chantiers, des pauses plus fréquentes pour s’hydrater, et des arrêts intempéries canicule… Cela n’a pas forcément d’impact sur le chiffre d’affaires au final, mais la rentabilité flanche ».

Indemnités

Si la Caisse intempéries du BTP (CI BTP) ne communique aucun chiffre sur le nombre d’indemnisations demandées par les entreprises du BTP, les droits des travailleurs ont été renforcés par un décret entré en vigueur le 1er juillet dernier : les arrêts de travail liés à des chaleur de niveau de vigilance orange et rouge de Meteo-France sont désormais indemnisés, les salariés doivent avoir un équipement adapté et de l’eau potable et fraiche à disposition (3L/personne).

« Nous sommes toutefois dans des métiers où nous savons depuis longtemps nous adapter au climat, chaud comme froid, rappelle Isabelle Longchampt. Je n’ai pas attendu le décret pour aménager les horaires de travail et faire démarrer les chantiers à 6h du matin. Il est impossible d’arrêter le travail deux mois ! Allez dire aux communes, aux départements ou aux régions que nous n’allons plus faire de travaux dans les écoles, les collèges et les lycées pendant l’été ! On s’adaptera, évidemment. »

Même si « chaque chantier est un prototype unique », la présidente de la FRB reconnaît que l’idéal « est quand le gros œuvre est terminé à la fin du printemps, et que le second œuvre, moins exposé, démarre l’été. Au moins, c’est à l’intérieur ».

Carbone4 est moins optimiste : « Ce qui apparaît pourtant comme une quasi-certitude, c’est qu’il ne sera plus possible de s’adapter partout. Par exemple, certaines régions du monde seront impropres à la vie humaine une partie de l’année du fait de conditions de chaleur et d’humidité trop importante ni tout le temps (il sera de plus en plus probable de souffrir d’une perte irrémédiable, sans ne pouvoir rien faire de significatif pour compenser les dommages) », prévient le cabinet de conseil. Un coup dur pour un secteur qui ne voit pas le bout du tunnel, entre la crise du logement neuf et les stop and go du gouvernement sur MaPrimeRénov’.

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